Le voyage du général de Gaulle en URSS (juin 1966)
Marie-Pierre REY Le voyage du général de Gaulle en URSS (juin 1966), Espoir n°109, 1996
En juin 1966, le voyage du général de Gaulle à Moscou constitua l'aboutissement éclatant d'une politique de rapprochement engagée de manière timide en 1958-1959, puis de manière plus affirmée à partir de 1962-1963, au lendemain du règlement de la douloureuse crise algérienne.
Les objectifs politiques poursuivis par le général de Gaulle étaient clairs : il s'agissait d'abord et avant tout de servir l'identité et l'indépendance nationales - principes suprêmes de la diplomatie gaullienne - par un jeu d'équilibre : tout en restant l'alliée des Etats-Unis, la France devait se rapprocher de l'Est et participer le plus largement possible au processus de coexistence pacifique amorcé dans la seconde moitié des années 1950. Pour lui, la France avait un rôle spécifique à jouer dans le dialogue Est-Ouest : il lui revenait de faire échec à la politique des blocs et d'enterrer définitivement la guerre froide, afin de retrouver son rayonnement, sa place de grande puissance diplomatique. Au début des années soixante, il écrivait ainsi : « S'il est une voix qui puisse être entendue, une action qui puisse être efficace quant à l'ordre à établir en remplacement de la guerre froide, ce sont par excellence la voix et l'action de la France ».
Dans un premier temps, il s'agira de dégager la réalité des échanges de la coopération franco-soviétiques, telle qu'elle se dessine à la veille du voyage présidentiel ; ce cadre fixé, il conviendra ensuite de présenter les grandes innovations qui furent apportées lors du voyage et dans les mois qui suivirent ; enfin, dans un troisième temps, on en viendra aux conséquences plus lointaines de ces innovations en cherchant à tracer leur bilan.