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Conférence de Catherine Lalumière à Nîmes le 16 juin 2016: "L'espace Schengen est-il condam

A l'invitation de la Maison de l'Europe, Mme Catherine Lalumière est venue à Nîmes le 16 juin pour une conférence-débat sur le thème en titre. Sujet d'actualité depuis que le nombre de migrants qui cherchent à rejoindre l'Europe, par divers itinéraires plus ou moins périlleux, est devenu un sujet de débats souvent vifs et souvent aussi présentés de façon simpliste. L'attitude des Etats de l'UE vis-à-vis des migrants va d'un large accueil (en Allemagne) au rejet très ferme (c'est le cas de plusieurs états d'Europe centrale et orientale). La liberté de circulation dans l'espace Schengen est accusée de faciliter la circulation des migrants illégaux et aussi des terroristes, les contrôles d'identité aux frontières sont rétablis entre certains états de l'espace Schengen...


Mme Catherine LALUMIERE, Présidente de la Maison de l’Europe de Paris et de la FFME (Fédération Française des Maisons de l’Europe) et ancienne ministre, a signé l’accord initial de Schengen en 1985 en tant que Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes. Elle connaît donc bien cette question.

Après avoir échangé dans l'après-midi avec l'équipe de la Maison de l'Europe de Nîmes et avec des responsables d'établissements scolaires partenaires de la Maison de l'Europe, elle a donné une conférence dans une très belle salle de la Maison du Département, en répondant aux questions de Frédéric BOURQUIN, président de la Maison de l’Europe de Nîmes. Le public, très attentif, avec une bonne proportion de jeunes, a posé de nombreuses questions.


Comment la signature s'est-elle passée ?

La signature de l'accord de Schengen en juin 1985 a été une agréable "partie de campagne", préparée avec soin par le Luxembourg qui présidait alors le Conseil de l'UE (présidence tournante). Le lieu a été choisi parce que très proche des frontières entre trois pays, Allemagne-France-Luxembourg. Il n'y avait que 5 signataires et nous nous connaissions tous. Le texte était assez court et a dû être complété ensuite par une convention "mode d'emploi "beaucoup plus longue et détaillée.


La raison de la signature était d'éviter les longues attentes aux frontières pour le contrôle systématique des personnes, y compris les chauffeurs de camions.

Schengen est devenu un lieu très symbolique et un petit musée a été fait pour les nombreux visiteurs, y compris des Chinois qui admirent et envient la libre circulation des personnes dans un espace multinational.


Aujourd'hui la principale raison de la remise en cause de l'espace Schengen est que depuis longtemps les responsables de l'UE ont oublié l'âme de l'Europe et ne se sont occupés que des aspects matériels.


Ceux qui avaient préparé l'accord de Schengen avaient pris des précautions : le texte prévoyait "la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (= intérieures à l'espace Schengen) et le renforcement des contrôles aux frontières extérieures", mais ensuite certains Etats membres ont refusé de donner des moyens pour FRONTEX (agence de protection des frontières extérieures de l'UE). La possibilité de rétablir des contrôles systématiques est également prévue "temporairement en cas de circonstances exceptionnelles".


L'espace Schengen compte-t-il trop d'Etats membres ?

La Hongrie est entrée au Conseil de l'Europe dès 1990. Les PECO (Europe centrale et orientale) étaient loin d'être parfaits quand s'est posée la question de leur entrée dans l'UE, mais si on leur avait fermé la porte en attendant la perfection il y aurait probablement eu du découragement et peut-être des tensions est-ouest. Les 14 ans entre leur demande et leur entrée dans l'UE leur sont déjà apparus comme très longs ! Aujourd'hui le retour à la violence n'est pas exclu à 100 %...


Les critères conditionnant l'entrée dans l'UE sont trop formels, les pays candidats doivent avoir des textes qui respectent ces critères mais il n'y a rien sur l'état et l'évolution des opinions et des mentalités, qui est un aspect très important... la Commission européenne considère que ce n'est pas de sa compétence, alors que certains manuels d'histoire font peur par leur nationalisme!


L'espace Schengen est-il condamné par le rétablissement des contrôles aux frontières ?

La possibilité de rétablir les contrôles est prévue dans les textes de Schengen, pour un temps limité, mais le rétablissement des contrôles est surtout fait pour rassurer l'opinion, l'efficacité réelle est très faible, les points de passage des frontières sont multiples et il serait très coûteux de les contrôler tous.


Jacques Delors a-t-il joué un rôle dans les accords de Schengen ?

Il était au courant et d'accord mais il ne s'en est pas mêlé.


FRONTEX est-elle de nature policière ou militaire ? Concerne-t-elle les frontières à la fois maritimes, terrestres et aériennes ?

La règle dite "de Dublin" veut que la situation des migrants soit examinée dans le premier pays par lequel ils sont entrés dans l'UE, le résultat est un engorgement dramatique en Grèce et en Italie, un peu moins en Espagne. Jean-Claude Juncker, président de la Commission, voudrait abandonner cette règle mais plusieurs pays d'Europe du centre et du nord sont (avec beaucoup d'hypocrisie) très contents que ce soient les pays méditerranéens qui aient cette charge... quitte à les critiquer.


Que penser de l'accord avec la Turquie pour les migrants passés par la Turquie et arrivant en Grèce ?

Tout bien considéré c'était la moins mauvaise des solutions mais d'une façon générale l'UE renie les principes sur lesquels elle s'est construite et le refus des membres du Conseil européen d'appliquer la répartition des migrants non refoulés proposée par la Commission européenne en est l'illustration. Admettre 1 ou 2 millions de personnes dans une Europe de 500 millions d'habitants ne devrait pas être insurmontable et à ce titre on doit admirer la détermination d'Angela Merkel et aussi ce qui a été fait en Italie, où des villages qui se dépeuplaient ont accueilli des migrants qui leur ont redonné vie et vitalité.


Les arguments des partisans du Brexit sont d'une grande pauvreté... et voir évoqué le sujet des migrants alors que le Royaume-Uni n'est pas dans l'espace Schengen est désolant

Le projet européen lui-même s'est appauvri : les fondateurs avaient une ambition politique au sens noble du terme, ils voulaient la paix avec un mode d'emploi, les valeurs. Peut-être les jeunes d'aujourd'hui retrouveront-ils ces valeurs, mais la génération "intermédiaire", celle de leurs parents, s'est détournée du sentiment d'appartenance à l'Union européenne : "on ne peut pas être amoureux d'un taux de TVA" aurait dit un responsable européen. L'UE manque de réponse à la question "Pourquoi a-t-on bâti l’UE ?".


Quels sont la place et le rôle de l'Europe dans le monde au XXIe siècle: l'Europe doit "humaniser la mondialisation", par ses valeurs de justice sociale, de respect de la personne humaine. C'est le sens du discours du pape au Parlement européen en décembre 2014, qui est un rappel très vif aux valeurs qui ont fondé l'UE.


Comment changer cette situation (question d'un jeune) ? Avec quels conseils, alors que les jeunes s'en désintéressent? Faut-il voir un espoir dans le mouvement "Nuit debout » ?

C'est votre génération qui la changera. Il ne faut jamais désespérer : l'Allemagne du début des années 30 était le pays européen le plus ouvert, le plus avancé, c'est pourtant là que s'est développé le nazisme... mais c'est aussi là que s'est établie après la guerre une vraie démocratie. J'ai une opinion très mitigée sur Nuit debout : la Maison de l'Europe de Paris avait accepté d'échanger avec eux place de l'Hôtel de ville pour la Fête de l'Europe, certains étaient prêts à échanger, d'autres hurlaient sans réfléchir et l'échange n'a pas été possible.





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