Il y a 50 ans : 1966 « BRENTRY », 2016 « BREXIT », un feuilleton haletant en 50 épisodes
Le 10 novembre 1966, le gouvernement britannique annonce son intention de mener « une série de discussions avec [les gouvernements des États membres des Communautés*] afin de déterminer [si…] les intérêts essentiels britanniques et du Commonwealth pourraient être préservés si le Royaume-Uni signait le traité de Rome et rejoignait la C.E.E. ». Ces discussions s’étalèrent de janvier à mars 1967 et la seconde demande d'adhésion aux trois Communautés fut envoyée par le Premier ministre Harold Wilson le 2 mai 1967, après un vote favorable de la Chambre des Communes. L’adhésion du Royaume-Uni aux Communautés* fut un feuilleton à rebondissements, comme sa sortie risque fort de l’être également !
Dès les années 50, le Royaume-Uni se montra hostile aux tentatives d’union de l’Europe continentale.
Après avoir essayé de dissoudre la Communauté économique européenne (C.E.E.) en promouvant une vaste zone de libreéchange qui l’inclurait au sein de l’Organisation européenne de coopération économique (O.E.C.E.), le gouvernement britannique suscita en 1960 la création de l’Association européenne de libre-échange (A.E.L.E) pour la concurrencer. Mais, cette zone de libre-échange comprenait « un géant et six nains » (le Royaume-Uni, le Danemark, la Suède, la Norvège, la Suisse, l’Autriche et le Portugal); le commerce britannique n’y trouvait pas son compte et un rapprochement avec la C.E.E. , devenue son premier partenaire commercial, ne tarda pas à s’imposer.
En juillet 1961, Harold Macmillan, premier ministre conservateur, présenta la candidature de son pays pour l’entrée dans les Communautés.
Les négociations furent difficiles en raison de divergences sur les questions agricoles (le Commonwealth avait un accès privilégié au marché britannique) et la contribution au budget communautaire (le « chèque » britannique), affaire qui polluera les relations avec ses partenaires jusqu’en 1984.
De Gaulle, sans consulter ses partenaires, mit un veto à l’entrée britannique (janvier 1963) et la première candidature tomba à l’eau. Harold Wilson, premier ministre travailliste arrivé au pouvoir en octobre 1964, annonça le 10 novembre 1966 le dépôt d’une nouvelle candidature; le dépôt officiel intervint en mai 1967 mais elle n’eut pas un meilleur sort que la précédente et se heurta de nouveau à un veto du général de Gaulle (novembre 1967); elle fut alors mise en suspens. La situation se débloqua avec l’élection de Georges Pompidou en 1969.
Ce dernier, soucieux de contrebalancer le poids grandissant de l’Allemagne, accepta la candidature britannique déposée en 1967 et toujours juridiquement valide. Dès lors, les négociations recommencèrent en juin 1970. En octobre 1971, la Chambre des Communes, consultée par le nouveau premier ministre conservateur Edward Heath, approuva l’adhésion par 356 voix contre 244, après un dur débat qui vit les deux grands partis se diviser (déjà !).
Cela aboutit à la signature du traité d’adhésion le 22 janvier 1972 avec entrée en vigueur au 1er janvier 1973. Le peuple britannique ne sera consulté par référendum qu’en juin 1975, après une première remise en cause de l’adhésion par Harold Wilson revenu au pouvoir; l’adhésion sera acceptée à 67,2%.
La mise en perspective de cette époque avec la nôtre suscite quelques commentaires :
Les deux candidatures furent successivement portées par des gouvernements conservateur (Macmillan 1961 -1967), travailliste (Wilson 1967-1969) puis de nouveau conservateur (Heath 1969-1974).
Lors des débats à la Chambre des Communes, la fracture entre les partisans de l’adhésion et leurs adversaires traversa les deux grands partis, conservateur et travailliste.
Le référendum (1975) a suivi le vote de la Chambre des Communes (1971), alors qu’aujourd’hui, pour le Brexit, un processus inverse semble en marche !
L’adhésion et ses conséquences furent contestées par un gouvernement travailliste (Wilson 1974-1976) puis conservateur (Thatcher 1979-1990).
L’apaisement n’intervint qu’avec le travailliste Tony Blair (19972007) pour disparaître avec le conservateur David Cameron (2010-2016).
Pour les Britanniques, l’appartenance à l’Europe est, depuis plus de 50 ans, un débat récurrent, trans-partisan et violent !
*L’Union européenne n’existait pas encore ; il y avait à l’époque 3 Communautés (C.E.E., C.E.C.A. et Euratom) ayant des institutions communes et qui formaient ce que l’on appelait alors « l’Europe des Six » (France, Allemagne, Italie et les 3 pays du BENELUX).