Information en vue des élections européennes: trois conférences-débats en novembre à la Maison de l&
La grande salle de notre local n'a pas chômé en novembre, avec trois conférences-débats successives, toutes les trois à 18h, avec des personnalités politiques très diverses:
- le 9 novembre, Yann Wehrling, secrétaire général du parti centriste MODEM, conseiller régional d'Ile-de-France. Il a longtemps milité dans le parti écologiste Les Verts avant de rejoindre le MODEM en 2008.
- le 15 novembre, Philippe Herzog, qui a eu un parcours politique riche et varié. Il a créé le cercle de réflexion Confrontations Europe. Cadre du parti communiste jusqu'en 1996, il a été député européen de 1989 à 2004, et de juin 2009 à juin 2014 il a été conseiller spécial de Michel Barnier alors commissaire européen chargé du marché intérieur et des services financiers. Il vient de publier ses mémoires: "D'une révolution à l'autre". Le titre de sa conférence était éloquent: Repenser le projet européen.
- le 22 novembre, Franck Proust, député européen depuis 2011 (PPE, Parti populaire européen) et premier adjoint (Les Républicains) au maire de Nîmes. Il est venu présenter son livre qui a été publié récemment: "L'Europe: l'apprendre ou la laisser".
Ces présentations ont attiré un public nombreux (de 30 à 50 personnes) et intéressé, avec de nombreuses questions, et les échanges se sont poursuivis autour d'un apéritif.
Pourquoi avoir invité des personnalités très marquées politiquement? Certes la Maison de l'Europe n'est liée à aucun parti politique, mais l'Union européenne est évidemment un sujet très politique, surtout à quelques mois des élections européennes de mai 2019 pour renouveler le Parlement européen. Echanger avec les organisations politiques n'est pas épouser leurs opinions et ces échanges, à condition qu'ils se fassent avec plusieurs partis et qu'ils ne soient pas une réunion électorale (règle respectée par les trois personnalités), sont une nécessité pour informer nos concitoyens sur les sujets européens.
Quelles ont été les grandes lignes et les points marquants des trois présentations, y compris bien sûr les réponses aux questions qui ont été posées?
Yann Wehrling a regretté que les Européens se plaignent souvent, alors que leur situation est enviable si on la compare à celle de beaucoup de régions du monde (NDLR: le réflexe est de se comparer à ce qui est proche ou à un passé mythifié): tout le monde peut s'alimenter, il y a un modèle social européen, la démocratie est la règle, en droit il n'y a pas de discrimination, les acquis environnementaux sont importants... mais rien n'est acquis pour toujours: Trump et Poutine se réjouissent du Brexit qui affaiblit l'UE, la Chine cherche à imposer ses propres règles commerciales. L'UE doit donc défendre sa souveraineté.
Tout n'est pas parfait, sinon les démagogues seraient moins écoutés. Dans la campagne pour les élections européennes il faut proposer des améliorations, des changements aux institutions (par exemple moins de recours à l'unanimité, difficile à obtenir donc source d'immobilisme), redéfinir des missions (par exemple pour l'énergie: l'Union n'a pas d'hydrocarbures et elle doit négocier groupée pour ses approvisionnements, pas comme le gazoduc Nordstream qui est uniquement russo-allemand).
Il faut éviter de renouveler la faute du référendum de 2005 (un document proposé de 450 pages!) avec des choses simples: à part Erasmus (tout le monde devrait passer au moins 1 mois dans un autre pays européen... ) les citoyens ne savent plus à quoi sert l'Union européenne. Leurs préoccupations actuelles sont une défense commune et l'immigration, ils apprécient l'€ mais en même temps craignent un afflux de travailleurs détachés. Yann Wehrling fait remarquer que l'origine des migrants influe beaucoup sur leur acceptation: la Pologne a intégré 60 000 migrants ukrainiens, mais refuse les Africains et les musulmans.
Concernant les élections de mai 2019:
- la France aura 79 députés sur 705 (au lieu de 74 sur 751 actuellement: le nombre total est réduit du fait du Brexit)
- il est très probable que le Modem fera liste commune avec La République en marche (LREM), quii n'existait pas il y a 5 ans et n'a donc pour le moment aucun député européen. La question du rattachement de cette liste à un parti européen n'est pas tranchée
- le Modem n'est pas favorable à la désignation comme président de la Commission européenne de la tête de liste qui a eu le plus de voix aux élections européennes: il préfèrerait que le président de la Commission soit élu par le Parlement européen après l'élection des députés, en tenant compte des alliances qui se feront certainement en fonction des résultats.
Sur le plan français, le Modem souhaite que le président Macron dise d'avance ce qu'il va défendre au nom des citoyens français lors des réunions du Conseil européen.
Philippe Herzog: "Repenser le projet européen". Son père était croate et sa première épouse anglaise, il a donc très tôt baigné dans l'Europe. Il dit avoir été "euro-communiste", comme les communistes italiens. Il a travaillé avec Rocard, Delors, Barnier.
Il estime que dans les 50 dernières années il y a eu deux grands bouleversemebnts: l'individualisme en 1968 et récemment la mondialisation qui accentue les clivages entre riches et pauvres.
Il faut écouter les différences, rassembler, il faut que l'Europe signifie apporter du positif dans la vie des personnes, même en régions rurales. Il n'est pas en faveur d'une Europe qui protège, mais d'une Europe qui ouvre des perspectives, permette de se réaliser.
Après la 2ème guerre mondiale l'Europe a été construite dans l'optique de la réconciliation, maintenant le but doit être de se rassembler en s'engageant dans des actions communes. Philippe Herzog constate qu'il n'existe aucun film sur la création de l'Union européenne, or la culture est nécessaire au développement d'une conscience européenne.
Pour lui la construction européenne doit se faire par la base et non par le sommet. 2005 était pour lui un mauvais exemple: on voulait bâtir sur les fondations anciennes sans les changer. Comme l'a écrit Kant, il faut "fédérer des peuples, pas des Etats". Pour cela il faut fédérer progressivements des domaines d'action: industries, formation, éducation, santé, immigration (le règlement de Dublin, qui met la charge sur les pays qui reçoivent en premier les flux migratoires, "est une honte"). Les migrants - dont beaucoup sont qualifiés - sont une difficulté à court terme mais une richesse à moyen terme, à condition qu'ils puissent créer de l'activité. L'Europe a besoin d'une stratégie vis-à-vis de l'Afrique, qui est "la jeunesse du monde": si les pays d'Afrique ne s'en sortent pas leurs citoyens émigreront coûte que coûte en Europe.
Parler d'une Europe "à 2 ou 3 vitesses" n'est pas rassembleur, Philippe Herzog croit plus à des groupes de pays à géométrie variable: il faut s'entendre à plusieurs, sans chercher l'unanimité, et il faut que ceux qui ne veulent pas participer ne l'empêchent pas.
Pour une solidarité sociale il faut qu'il y ait des transferts financiers des riches vers les moins riches, mais l'Allemagne y est hostile: elle est contre la taxation des GAFA car elle ne veut pas mettre en danger ses exportations vers les USA, elle investit en solaire chez elle au lieu d'investir en Grèce... Le seul compromis possible est donc de mettre en commun la formation, le développement des compétences créera pour tous de la richesse. Le plan d'investissement Juncker est un bon début.
Philippe Herzog souhaite que la Commission européenne devienne un vrai gouvernement et plus seulement une administration, et qu'elle puisse dans les 10 ans faire entrer tous les Etats membres de l'UE dans la zone euro, un objectif parallèle étant que l'euro devienne une vraie monnaie internationale.
Cependant même si la Commission n'est pas un gouvernement ses propositions sont souvent meilleures que celles des Etats. Mais aujourd'hui c'est souvent le Cosneil européen qui décide et la règle de l'unanimité paralyse les décisions. Il ne faut pas oublier que la principale préoccupation des chefs d'Etat est leur propre pays, qui les a élus!
Pour la préparation des élections européennes: la seule solution pour contrer ceux qui veulent détruire l'Union européenne est de proposer un programme fédérateur sur lequel les électeurs puissent se déterminer.
Après le débat Philippe Herzog a dédicacé son livre de mémoires.
Franck Proust est évidemment bien connu à Nîmes! Engagé localement dans le parti Les Républicains, au Parlement européen il fait partie du groupe PPE (Parti populaire européen) et il est chef de file des députés européens du PPE élus en France.
Il est membre des commissions du Parlement européen "Commerce international" et "Transports et tourisme".
Son livre "L'Europe: l'apprendre ou la laisser" se veut à la fois une description pédagogique du fonctionnement des principales institutions européennes et un plaidoyer pour une Union européenne:
- offensive, dynamique, qui s'affirme et ne se résigne pas
- qui protège et qui gagne. Un chiffre: 1 milliard d'€ exportés chaque année = 45 000 emplois.
- qui agisse pour orienter la mondialisation
- qui développe son industrie autour de grands projets comme cela a été le cas pour l'aéronautique (Airbus) et le spatial (Ariane): sinon les citoyens ne sont pas conscients des résultats positifs.
Au cours de sa présentation il souligne la difficulté de présenter les aspects positifs de l'Europe dans les médias: "En 30 ou 45 s sur BFM Télé, il est facile d'être négatif avec des affirmations fausses mais simples, difficile d'expliquer honnêtement". Il attribue une grande partie des reproches faits à l'UE, notamment sur les normes, à une surtransposition des directives européennes dans les lois françaises: les gouvernements français successifs ont toujours voulu un niveau d'exigence plus élevé que celui de l'UE et cela pénalise la compétitivité de nos agriculteurs et industriels.
Il regrette que la France n'ait pas voulu programmer rapidement le tronçon Montpellier - Perpignan du couloir ferroviaire entre la vallée du Rhône et l'Espagne, alors que l'Union européenne pouvait assurer 60 % du financement.
Il met en avant les retombées indirectes que peuvent avoir les petits aéroports régionaux (moins de 800000 passagers/an) sur les activités locales (tourisme, hôtellerie-restauration, transports locaux) dont la Commission européenne aurait initialement souhaité la disparition par manque de rentabilité directe.
Il insiste sur la force que donne l'union des Etats membres quand elle est durable et solide, comme pour les négociations sur le Brexit. "Quand il n'y a pas cette union nous sommes faibles, comme pour la taxation des panneaux photo-voltaïques chinois, sur laquelle l'Allemagne a lâché pour éviter des risques sur ses propres exportations industrielles".
Sur le plan des institutions européennes, il souhaite que le Traité de Lisbonne, établi il y a 10 ans alors que la crise financière de 2008-2010 n'était pas encore apparue et que le terrorisme n'était pas au niveau actuel, puisse être "toiletté", et que l'obligation d'unanimité diminue encore pour plus d'efficacité.
Concernant les élections européennes de mai 2019, il craint que le choix par la France d'une seule circonscription nationale, alors que les circonscriptions actuelles sont déjà très grandes (pour lui: de Nîmes à Bordeaux, plus de 10 millions d'habitants), éloigne encore les députés européens de leurs électeurs. Cet éloignement risque en plus d'être renforcé par l'interdiction d'être en même temps député européen et élu local avec un mandat exécutif: les 79 députés européens élus en France ne seront que députés européens. Dans ces conditions il y a un risque que les élections européennes en France soient un vote pour ou contre le gouvernement en place.
A la question de pourquoi il a voté non au Parlement européen sur des sanctions contre les mesures contraires à la démocratie prises en Hongrie par Viktor Orban, il répond que l'ostracisation d'Orban, "enfant terrible du PPE", pourrait entraîner la Hongrie vers l'extrémisme, avec le risque qu'Orban fédère avec lui une partie des pays d'Europe centrale et orientale. Il constate que depuis 2 ans la situation en Hongrie s'est améliorée par le dialogue avec la Commission européenne. Dans le groupe PPE, il privilégie la main tendue pour amener Orban à rejoindre le socle des valeurs démocratiques du PPE.