Conférence-débat: " Europe - USA: Je t'aime, moi non plus " pa
Conférence-débat: " Europe - USA: Je t'aime, moi non plus " par Eric HINTERMANN le 29 mars 2019
Cette conférence-débat a été organisée par trois associations: - le Mouvement européen France - Gard, qui en est l'initiateur - la Maison de l'Europe de Nîmes - le Pacte civique du Gard. Le Pacte civique est un regroupement au niveau national de très nombreuse associations, autour de valeurs communes (créativité - sobriété - justice - fraternité) et d'objectifs de changement (les comportements individuels - les modes de fonctionnement de nos organisations - la manière de construire les politiques publiques). Des collectifs du pacte civique se sont organisés dans certains départements, dont le Gard et ses voisins l'Hérault et les Bouches-du-Rhône.
Eric Hintermann connaît particulièrement bien les USA, où il a étudié et donne des cours. Il a eu des activités diplomatiques importantes qui lui ont permis de côtoyer de hauts responsables français, européens et américains. Il est également écrivain.
Il commence par décrire la carrière étonnante de Harry Truman, d'origine très modeste, né dans un Etat agricole (Missouri) éloigné des grands centres universitaires et politiques habituels de la côte Est: honnête, travailleur, attaché au parti démocrate, il est élu sénateur dans les années 30, devient vice-président en 1944 puis président au décès de Franklinn D. Roosevelt. Beaucoup de ses actions ont été déterminantes pour l'avenir du monde: - devant les menaces d'expansion du communisme, il résiste à Staline et décide d'aider la Grèce et la Turquie qui risquaient de basculer du côté de l'URSS - il décide également le "plan Marshall" d'aide massive par des prêts et dons américains aux pays d'Europe de l'ouest pour leur reconstruction après la 2ème guerre mondiale. Truman a choisi ce plan plutôt que le "plan Morgenthau" qui prévoyait de faire payer des réparations par l'Allemagne. Truman, qui était venu en France pour la 1ère guerre mondiale en 1917, n'avait pas oublié que "L'Allemagne paiera" après 1919 avait été un ferment pour le nazisme et la 2ème guerre mondiale. - il organise le Traité de l'Atlantique Nord, pour contenir l'influence de l'URSS - il pousse à une Loi fondamentale fédérale pour l'Allemagne de l'ouest, pensant que cette structure rend plus difficile un pouvoir totalitaire. - il affirme la prééminence du pouvoir politique sur celui des militaires, auxquels il interdit d'aller bombarder au-delà de la frontière Chine - Corée pendant la guerre de Corée (1950-1953): là aussi, le but est de contenir et pas de conquérir.
La politique extérieure américaine, basée sur des relations bi-latérales, a toujours oscillé entre l'isolationnisme et une vision idéaliste conduisant les USA à prétendre organiser les affaires du monde. John Kennedy avait une vision du monde (il voyait clairement que la décolonisation allait se poursuivre jusqu'à son achèvement) et le courant passait avec de Gaulle, qui l'a soutenu lors de la crise des missiles de l'URSS installés à Cuba. Au contraire Trump est clairement isolationniste avec son "Make America great again" et même en plus simple "America first" (c'est l'aviateur Lindbergh qui a le premier proclamé ce slogan). Trump refuse l'idée d'alliances et de traités contraignants: c'est ainsi qu'il a très vite mis fin à l'accord commercial trans-Pacifique... un cadeau à la Chine qui n'en faisait pas partie. C'est ce qu'ont compris Angela Merkel ("L'Europe doit se prendre en main") et Emmanuel Macron ("L'Union européenne doit s'affirmer par elle-même"). Trump est donc opposé à la mondialisation (sauf si ce sont des entreprises américaines qui dominent) et il a été élu en grande partie par les ouvriers et employés de la "vieille industrie" (sidérurgie, automobile) chez lesquels la mondialisation entraîne la perte de leurs emplois et un sentiment de déclassement. Ce sentiment de déclassement est accentué par le déplacement des centres de décision vers l'ouest (Californie en particulier) où se développe l'industrie du futur. La dimension "idéalisme" est absente de la politique de Trump, qui est attiré par les dictateurs: Kim Jong-Un en Corée du nord, Poutine en Russie, qu'il déclare être "des amis".
L'Europe fait très rarement les titres de l'actualité aux USA, beaucoup d'Américains la voient comme une mosaïque de petits pays sans cesse en train de se chamailler... mais elle intéresse les intellectuels à la fois par sa richesse culturelle et par l'expérience unique de pays créant ensemble volontairement une Union pour éviter les conflits armés et développer l'économie et la solidarité. Eric Hintermann indique que les dirigeants chinois souhaitent que l'Europe soit unie. En réponse à une question, Eric Hintermann indique qu'à son avis Steve Bannon, qui rencontre les partis europhobes de l'UE, a moins d'influence qu'il ne le dit. En particulier Bannon n'a pas la confiance de Trump, qui l'a "viré"... et d'ailleurs n'a confiance qu'en lui-même. Il n'est donc probablement pas en mesure d'organiser une "alliance des europhobes". Sur une éventuelle destitution ou une réélection de Trump, Eric Hintermann estime que: - Nancy Pelosi, chef de file de l'opposition parlementaire à Trump, députée de Californie (San Francisco), ne veut pas risquer de fortement diviser le pays par un vote sur la destitution qui ne serait pas massivement pour, mais plutôt vers 60/40. - Joe Biden serait un bon candidat démocrate, malgré son âge (né en 1942): expérimenté (il a été vice-président d'Obama pendant les deux mandats), il est originaire de Pennsylvanie, état très industrialisé (charbon et sidérurgie, en particulier), et né dans une famille modeste. De toute façon il faut passer par les primaires, puis avoir la majorité de "grands électeurs", avec un système particulier: sauf dans quelques états, "the winner takes all", c'est-à-dire que le parti qui a eu le plus de voix lors du vote des citoyens de cet état emporte tous les grands électeurs de cet état pour l'élection du président. Un président peut donc être élu sans avoir eu la majorité des voix des citoyens.