Il y a 30 ans, le Mur de Berlin s'est ouvert puis a été effacé...
Jeudi 14 novembre à partir de 18h, à la Maison de l'Europe (voir l'Agenda), nous organisons une soirée de témoignages à l’occasion des 30 ans de la chute du Mur de Berlin. Michael Stange, directeur de la Maison de l’Europe, a grandi en RDA (Allemagne de l'Est), Frédéric Bourquin, président de la Maison de l'Europe, faisait son service militaire en 1969 au pied du Mur à Berlin- Ouest; Jean-Louis Leprêtre, président des Amis de la Médiathèque d'Uzès, a été étudiant en Allemagne de l'Est, à Halle, près de Leipzig, à la fin des années 1960; plus tard il a été conseiller culturel à l'ambassade de France à Berlin Est (1983-1988) et à ce titre il a eu la responsabilité politique du seul centre culturel français qui ait été créé en RDA, puis il a été directeur de l'Institut français de Berlin réunifiée (1994-1998). Ils présenteront leurs expériences et impressions des deux côtés du Mur.
Ci-dessus l'invitation pour cette soirée, que vous avez peut-être déjà reçue.
A la suite, un article très intéressant fait par Falk Hemsing, jeune étudiant allemand qui est en stage Erasmus + à la Maison de l'Europe jusqu'à fin 2019. Il n'était pas né en 1989, mais son analyse des conséquences et des imperfections de la réunification - cependant globalement très positive bien sûr - est d'une grande lucidité.
Analyse de Falk Hemsing.
Le 9 novembre 1989, le monde a changé d’un seul coup: les points de contrôle (check points) du mur séparant Berlin Est et Berlin Ouest s'est ouvert aux échanges entre les habitants, et avec lui le rideau de fer qui avait jusque-là divisé le monde en deux s'est levé. Cette année, nous commémorons les 30 ans de la chute du Mur de Berlin. Alors que cette barrière en béton et barbelé était un symbole de l’hostilité et de la séparation, sa disparition a été le point de départ d'une réconciliation pacifique de l'Allemagne qui a eu un impact sur le monde entier. En Allemagne, cet événement historique qui a ouvert la voie à la réunification reste cependant, au fil des années, un objet d’évaluations divergentes. Le pays se ressent encore des conséquences de la « Wende » (le Tournant) et découvre qu’elle n’a pas été une réussite totale sur tous les plans.
La chute du Mur en 1989 était presque aussi inattendue que sa construction en 1961. A la fin des années 50, l’économie de la RDA s’essoufflait. Le jeune état, créé en octobre 1949 en réaction à la création de la RFA à l'ouest en mai 1949, faisait face à un exode incessant de jeunes diplômés et de personnel qualifié qui cherchaient un meilleur avenir à l’Ouest. Alors que la frontière inter-allemande en dehors de Berlin était bien gardée et étanche, la frontière entre Berlin Est et Berlin Ouest était encore ouverte ce qui permettait un libre passage vers la RFA. La construction d’un mur qui enfermerait Berlin Ouest était censé boucher ce dernier trou. Ni les Allemands de l’Est ni les Occidentaux ne s’attendaient à ce projet tenu secret jusqu’à la dernière minute. Quand les Berlinois se réveillèrent le 13 août, des barbelés et des garde-frontière armés séparaient les deux parties de la ville. Pendant 28 ans, ce « rempart antifasciste » a divisé en deux la ville de Berlin et séparé des familles entières. Aujourd’hui, on estime qu’environ 140 personnes ont trouvé la mort en essayant de franchir le Mur ou la frontière inter-allemande. L'ouverture du Mur a été tout aussi soudaine et inattendue. Il est vrai qu’avec Solidarnosc en Pologne et l’ouverture de la frontière austro-hongroise bien avant novembre 1989 la pression de l’extérieur augmentait. Le gouvernement socialiste de RDA ne pouvait pas ignorer les grandes manifestations devenues fréquentes à l’intérieur de son pays à partir de septembre. Un changement était à prévoir. Mais personne ne s’attendait à l’ouverture du mur en quelques heures et à l’effondrement de la RDA. La nuit du 9 novembre 1989 a été une grande surprise pour tous les acteurs. Cet événement historique annonça non seulement la fin de la guerre froide, mais il ouvrit aussi la voie à la pacification de l’Europe et à l’intégration européenne : en 1990, l’Allemagne célébra sa réunification, un an plus tard, l’URSS fut dissoute et en 1992 le traité de Maastricht établit l’Union européenne.
30 ans après, cet événement majeur est toujours célébré en Allemagne comme le symbole de la réconciliation et de l'unification du pays. En même temps, le temps écoulé permet un regard plus différencié sur des aspects négatifs de la réunification dont l'Allemagne d’aujourd’hui ressent encore les conséquences. Actuellement, la différence entre l’Ouest et l’Est du pays reste visible : le PIB dans les "nouveaux Länder" (ceux de l'ex-RDA) est seulement les deux tiers de ceux de l’Ouest, les salaires sont plus bas, le taux de chômage est plus élevé et suite à la migration de beaucoup de jeunes diplômés, la population des villes de l’Est diminue. Sur le plan de la politique intérieure, c’est à l’Est que le parti d’extrême droite AfD (Alternative für Deutschland) est le plus fort. Aux dernières élections en Saxe, au Brandebourg et en Thuringe en 2019, l'AfD a emporté entre 23 et 27% des votes. Les plus grandes manifestations contre la politique d'Angela Merkel sur l'immigration ont eu lieu dans des villes de l’Est comme Chemnitz. Il ne s’agit pas d'en conclure que tous les Allemands de l’Est sont partisans de l’extrême droite – la majorité n’a pas voté pour l'AfD - mais le contraste avec l’Ouest est frappant.
L’analyse courante situe les origines de cette divergence dans le passé socialiste de l’Est et dans les replis des conséquences de la réunification. Après la chute du Mur, la promesse d’une harmonisation du niveau de vie des deux parties du pays en seulement cinq ans était plus qu’illusoire. La réalité de beaucoup d’Allemands de l’Est était bien plus dure : dans les premières années après la réunification, le taux de chômage dans l’Est a flambé, de nombreuses entreprises ont fait faillite ou ont été dissoutes par la « Treuhand » (organisme de droit ouest-allemand chargé de la privatisation des biens de la RDA) et plus d’un employé qualifié se vit contraint à une retraite précoce. Qui plus est, le patrimoine autoritaire de la RDA avec l’oppression de la liberté d’expression et un manque de réflexions critiques sur le Troisième Reich a marqué la culture politique dans l’Allemagne de l’Est.
Pour commémorer l'événement historique majeur que constitue l'ouverture puis la chute du Mur, la Maison de l’Europe a lancé une campagne sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram : « Les murs en Europe, ça existe encore ? ». Du 28 octobre au 9 novembre, nous publions chaque jour sur Facebook une photo d'un de nos volontaires européens ou membres de notre équipe avec sa réponse à la question : « Quels sont les murs qui existent encore en Europe ? Quelles barrières voudriez-vous voir tomber ? ». Avec chaque "post" nous invitons les internautes à partager leurs idées sur cette question. Sur Instagram, nous publions également chaque jour une photo de nos volontaires et notre hashtag #casselesmurs. Plus de la moitié des Centres d’information Europe Direct en France ont indiqué leur participation et pendant la première semaine nous avons déjà pu publier un grand nombre de contributions stimulantes.