LA COMMISSION NOUVELLE ET LE BEAUJOLAIS NOUVEAU
Comme le Brexit, la nouvelle Commission européenne n'entrera pas en fonction pas à la date prévue (1er novembre) mais peut-être le 1er décembre ; espérons que nous la fêterons avec un verre de Beaujolais nouveau!
Rappel des épisodes précédents : le candidat à la présidence de la Commission (spitzenkandidat), désigné par le parti arrivé en tête aux élections européennes (le Parti populaire européen P.P.E), Manfred Weber, n'est pas retenu comme président par le Conseil européen (sommet des chefs d’État ou de gouvernement) qui lui préfère sa compatriote Ursula von der Leyen.
Or, les parlementaires européens tenaient à ce principe du « spitzenkandidat » qu'ils avaient réussi à imposer en 2014 contre les gouvernements nationaux car c'était une démonstration de puissance face au Conseil européen. On retrouve la vieille lutte entre fédéralisme et inter-gouvernementalisme qui agite la construction européenne depuis ses origines.
L'un des membres du Conseil européen ayant le plus milité contre le « spitzenkandidat » a été Emmanuel Macron.Il a "en même temps" réussi à faire tailler pour sa candidate, Sylvie Goulard (groupe politique Renaissance), un très beau portefeuille chapeautant trois directions générales importantes :
[if !supportLists]– [endif]la D.G CNECT qui couvre les réseaux de communication, leur contenu et les technologies.
[if !supportLists]– [endif]La D.G GROW qui regroupe le marché intérieur, l'industrie, l'entrepreneuriat et les PME.
[if !supportLists]– [endif]La nouvelle D.G défense et espace.
Si les compétences et l'engagement de Sylvie Goulard en matière européenne n'ont été contestés par personne, par contre deux « casseroles » lui ont été reprochées par la commission des affaires juridiques du Parlement européen: un soupçon de l'emploi fictif d'un assistant parlementaire lorsqu'elle était députée européenne et un conflit d'intérêts pour avoir été (très bien) rémunérée par un cercle de réflexion américain, l'Institut Berggruen. Or, les parlementaires européens ne sont pas aussi arrangeants que nos gouvernants nationaux et cela n'était pas acceptable pour eux. Qu'à cette occasion, ils aient voulu exprimer leur amertume face au rejet du « spitzenkandidat » du PPE, cela ne fait pas de doute. Mais comment le gouvernement français a-t-il pu proposer comme commissaire à Bruxelles quelqu'un qui n'avait pas été considérée comme pouvant rester ministre à Paris ?
Un nouveau candidat, en la personne de Thierry Breton, est proposé en remplacement par le gouvernement français. Là aussi, en tant qu'ancien ministre de l'économie et des finances (gouvernement Raffarin 2005-2007), universitaire et chef d'entreprise, sa compétence ne fait pas de doute. Mais certains se posent la question du risque de conflit d'intérêts pour quelqu'un qui, jusqu'à sa nomination (si elle est approuvée), dirige l'entreprise de services informatiques Atos, laquelle a bénéficié de fonds européens. Or ce domaine d'activité sera dans son futur portefeuille. M. Breton a assuré qu'il vendrait sa participation dans sa société. Attendons maintenant le verdict de la commission compétente du Parlement européen.
Mais le cas Sylvie Goulard n'est pas le seul à soulever un problème.
[if !supportLists]– [endif]Le candidat hongrois au poste de commissaire au voisinage et à l'élargissement , László Trócsányi (P.P.E.), est l'ancien ministre de la justice de Victor Orbán. Il a participé à l'élaboration de la loi établissant un contrôle des financements étrangers des O.N.G ou celle ayant forcé l’université d’Europe centrale – fondée par le financier et philanthrope américain George Soros, d'origine hongroise – à délocaliser une partie de ses activités à Vienne. Il est aussi à l’origine de la création d’un très contesté système de justice administrative. Cette réforme, adoptée fin 2018, est actuellement suspendue en raison des vives critiques de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe qui a estimé en mars qu’elle allait « concentrer des pouvoirs très importants dans les mains de quelques intervenants, en l’absence de contre-pouvoirs et de moyens de contrôle effectifs ». Enfin, il était soupçonné d'être proche de la Russie, ce qui, dans l'exercice de ses fonctions (l'élargissement et la politique de voisinage à l'Est) risquait de le confronter aux ambitions de Vladimir Poutine. Le gouvernement hongrois a d'ores et déjà proposé un nouveau candidat, le diplomate Olivér Várhelyi, actuellement représentant permanent de la Hongrie auprès de l’U.E. ; son C.V semble plus « euro-compatible ».
[if !supportLists]– [endif]La candidate roumaine au poste de commissaire au transport, Rovana Plumb (S & D) a été rejetée en raison des discordances entre sa déclaration de patrimoine en Roumanie et celle déposée auprès de l’UE. Selon la presse roumaine, la différence entre les deux se chiffre à un million d’euros. Rovana Plumb aurait emprunté 800 000 euros à une personne physique pour financer sa campagne pour les élections européennes. D'autre part, le parquet anti-corruption roumain a ouvert une enquête sur elle. Le gouvernement roumain venant de tomber, aucun nouveau nom n'a été proposé à ce jour.
[if !supportLists]– [endif]Enfin, le poison du Brexit s'instille jusque dans la désignation des commissaires ! Jusqu'alors, le Brexit et la prise de fonction de la nouvelle Commission devaient être quasiment concomitants (31 octobre pour l'un, 1er novembre pour l'autre), il avait été convenu que le Royaume-Uni ne nommerait pas de commissaire. Mais Boris Johnson ayant obtenu, à son corps défendant, un report possible du Brexit jusqu'au 31 janvier 2020, faut-il qu'il désigne un commissaire ? De beaux débats juridico-politiques en perspective !