Vendredi 13 décembre à la Maison de l’Europe : que penser du glyphosate ?
C’est pour chercher la réponse à cette question que le Mouvement européen du Gard (MEF30) avait organisé une présentation de Charles-Antoine Roussy suivie d'un débat, très animé. Comme on peut s’en douter, la réponse en question est tout sauf simple.
Quelques éléments permettent néanmoins, sinon de se faire une opinion, du moins de cerner différents aspects du problème. À commencer par l’aspect scientifique. Contrairement à ce qu’on peut lire ou entendre bien souvent, le glyphosate en tant que molécule est reconnu par la quasi-totalité des agences scientifiques dans le monde comme étant un produit à la dégradation rapide, et faiblement toxique. De plus les quantités utilisées en Europe sont en constante réduction depuis une dizaine d’années.
On est même sur le point de découvrir qu’il pourrait donner naissance à une nouvelle génération d’antibiotiques ! Les essais restent à faire mais l’information, si elle se vérifie, reste surprenante. Surprenante… et somme toute encourageante. Cela à la condition que la diabolisation dont il est victime, exacerbée par la méfiance du public à l’égard des experts au sens large, toujours suspectés d’être à la solde de l’industrie, puisse être ramenée à des proportions raisonnables.
Le vrai problème avec le glyphosate, et sans doute à l’origine de cette méfiance accrue avec la montée de la sensibilité environnementale, est principalement celui des adjuvants et autres « co-formulants », qui se retrouvent notamment dans le produit fini qui a été le premier commercialisé, le Roundup. C’est là que se situe la réelle toxicité du produit, c’est d’ailleurs ce qui a conduit l’ANSES (Agence nationale de Sécurité sanitaire) à interdire en France le principal co-formulant du glyphosate, à savoir le POE-tallowamine, en juin 2016. L’Europe a emboité le pas en 2017. Pourquoi ces adjuvants? Le glyphoste seul n'adhère pas aux feuilles, il faut lui ajouter des produits mouillants.
Mais l’objet de la soirée du 13/12 n’était pas de refaire le débat scientifique, qu’on pourrait considérer comme clos si des groupes de pression n’exigeaient pas en permanence de nouvelles études, longues et coûteuses et pas forcément plus probantes que les précédentes. Il s’agissait surtout de montrer que l’attention sur le glyphosate a en quelque sorte « embolisé », terme utilisé par l’intervenant, l’ensemble du débat concernant l’agriculture industrielle, en le conc
entrant sur ce seul produit et en négligeant bien d’autres phytosanitaires et procédés beaucoup plus toxiques que celui-là.
Dans un deuxième temps, il s’agissait aussi de rappeler comment fonctionnent les institutions européennes lorsqu’elles ont à prendre une décision qui sera, sur une question relevant de leur compétence, forcément un compromis, acquis à la majorité qualifiée (l’unanimité n’étant pas nécessaire au cas présent). L’intervenant a rappelé qu’après des aller-retours entre experts et décideurs, et sans oublier qu’il y a sur ce point une différence d’approche entre le Parlement européen et le Conseil de l'UE, ce dernier a tranché le 27 novembre 2017 pour un renouvellement d’autorisation d’une durée de 5 ans[1]. Ce qui n’empêche pas les États de se montrer plus restrictifs, s’ils le souhaitent: c’est le cas de l’Autriche et de la France, celle-ci ayant réduit ce renouvellement à trois ans, même si le flou persiste sur le point de départ de ce délai. Selon toute vraisemblance, le glyphosate sera illégal en France à partir du 1/1/2022.
Surtout, il convenait de rappeler que le règlement REACH[2], adopté en décembre 2006 et suivi dans son application par l’ECHA[3], est un outil précieux entre les mains de la Commission européenne et de l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) , qui ne se privent pas de l’utiliser. Dans le cas présent, le renouvellement de l’autorisation pour 5 ans s’est accompagné à la demande du Parlement européen d’un durcissement significatif des règles encadrant la production et la commercialisation des pesticides.
Après une consultation publique européenne lancée en 2014, une Initiative Citoyenne Européenne visant à interdire les pesticides à base de glyphosate a eu lieu en 2018, en octobre 2019 la Cour de Justice de l'Union Européenne a appuyé le Parlement européen pour le durcissement des conditions de transparence sur les décisions de l’EFSA et les pesticides.
L’autorisation de mise sur le marché européen du glyphosate court jusqu’en 2022. La France, les Pays-Bas, la Suède et la Pologne ont été nommés co-rapporteurs pour une décision de renouvellement ou pas: un débat qui s’annonce encore très médiatique.
Affaire à suivre !
[1] Vote en Conseil : 18 États ont voté pour représentant 65,71% de la population et 64% des États, 7 ont voté contre, dont la France.
[2] Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals
[3] European Chemicals Agency, basée à Helsinki