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DU FRANC CFA A L’ECO OU COMMENT AFRICANISER UNE MONNAIE !


Pourquoi parler du franc C.F.A dans la Lettre Europe ? Parce quecette monnaie est liée à l’euro par une parité fixe. De plus, les liens historiques, linguistiques et commerciaux entre l’Afrique et l’Europe, en particulier la France, sont nombreux. Enfin, l’actualité s’invite dans ce domaine symbolique puisque les présidents Macron et Ouattara (Côte d’Ivoire) ont très récemment annoncé le remplacement du franc de la Communauté financière d’Afrique par une nouvelle monnaie commune et unique, l’ECO. Sur les traces de l'ECU européen devenu Euro?

Un point d’histoire : en 1945, le gouvernement provisoire de la République française, présidé alors par le Général de Gaulle, crée officiellement (il existait officieusement depuis 1939) le franc des colonies françaises d’Afrique (C.F.A.). A l’indépendance des territoires africains, C.F.A change de signification et devient franc de la Communauté française d’Afrique puis se divise en deux... plus le franc comorien :

  • Le franc de la Communauté financière d’Afrique (de l'ouest, code XOF) est la monnaie commune du Bénin, du Burkina–Faso, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée-Bissau, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo qui forment l’Union économique et monétaire ouest-africaine; ce franc est émis par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). On remarquera que la Guinée-Bissau, ex colonie portugaise, a rejoint cette union en 1997 alors que d’anciens territoires français de l’Afrique occidentale (la Mauritanie en 1973 et la Guinée dès 1960) l’ont quittée. Seul ce franc C.F.A "de l'ouest" serait remplacé par l’ECO.

  • Le franc de la Coopération financière d’Afrique centrale (code XAF) est la monnaie commune du Cameroun, de la République centrafricaine, de la République du Congo, du Gabon, de la Guinée équatoriale et du Tchad qui forment la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale; ce franc est émis par la Banque des États de l’Afrique centrale. La Guinée équatoriale, ex colonie espagnole, a rejoint le franc C.F.A. en 1985 mais Madagascar l'a quitté en 1973.

  • Le franc comorien, émis par la Banque centrale des Comores pour les seuls besoins de l’Union des Comores (les trois îles Grande Comore, Anjouan et Mohéli; Mayotte est un département français)

A noter que les collectivités et régions d’Outre-mer de St Pierre et Miquelon, de la Réunion et de Mayotte ont successivement, dans les années 70, abandonné le franc C.F.A pour le franc français puis pour l’euro.

Les deux francs C.F.A (et le franc comorien) fonctionnent de la même façon :

  • Ils sont liés par une parité fixe avec l’euro qui a remplacé le franc français en 1999 ; ils sont librement convertibles à l’intérieur de leurs zones respectives. La parité avec l’euro et la libre convertibilité sont garanties par la France.

  • La Banque de France s’engage à fournir des devises aux trois banques centrales africaines et comorienne en cas de besoin. En contrepartie, les pays membres doivent déposer 50% de leurs réserves de change sur des comptes d’opérations rémunérés ouverts par chacune des banques centrales auprès du Trésor français; des administrateurs français siègent aux conseils des deux banques centrales africaines.

  • Les billets sont imprimés par l'imprimerie de la Banque de France à Chamalières (Puy de Dôme).

  • Les deux francs C.F.A ont la même valeur mais ne sont librement convertibles qu’à l’intérieur de leurs zones monétaires respectives.

Ce fonctionnement a attiré les critiques avec des arguments dont la valeur est inégale :

  • Le franc C.F.A avantagerait les entreprises françaises et, depuis le rattachement à l’euro, les entreprises européennes. La place que la Chine occupe maintenant en Afrique montre la faiblesse de cette critique!

  • Le franc C.F.A, en raison d’une parité fixe avec une monnaie trop forte, l’euro, handicaperait les économies africaines: les États membres ne peuvent pas dévaluer leur monnaie. On connaît les limites des politiques de dévaluations « compétitives », largement utilisées sans succès durable en Europe et en particulier en France. Le franc C.F.A a apporté une grande (trop grande ?) stabilité monétaire à des États souvent instables politiquement.

  • Le regroupement d’États africains très dissemblables dans une même zone monétaire n’est pas pertinent car ils commercent peu entre eux et l’intégration économique régionale est embryonnaire. Il ne s’agit pas, effectivement, d’une zone monétaire optimale car les États africains exportent essentiellement des matières premières vers les pays occidentaux et l'Asie (surtout la Chine). Néanmoins, l’absence d’intégration économique n’est pas due au franc C.F.A mais aux fondamentaux des économies africaines.

  • Un certain nombre de symboles de la « Françafrique » deviennent insupportables pour certains Africains : l’appellation franc qui rappelle la période coloniale, l’obligation de déposer 50% des réserves de change auprès du Trésor français qui fait l’objet de fantasmes sur leur utilisation, la présence d’administrateurs français, soupçonnés d’ingérence, dans les institutions monétaires africaines.

  • Les géants économiques anglophones (le Ghana et surtout le Nigéria) sont absents de cette zone monétaire ouest-africaine ; pour y entrer, ils ne pourraient accepter les conditions dans lesquelles fonctionne actuellement le franc C.F.A.

L’Eco aurait les caractéristiques suivantes :

  • Il n’aurait plus de parité fixe avec l’euro mais probablement un ancrage vis-à-vis d’un panier de monnaies (euro, dollar…). Certains plaident pour un régime de change flexible (comme le naira du Nigéria) qui s’adapterait mieux aux fluctuations du prix des matières premières, principales exportations des Etats de la région. Dans un premier temps, la parité fixe avec l’euro serait maintenue.

  • Le compte auprès du Trésor français serait fermé et les réserves de change rapatriées à la BCEAO.

  • L’impression des billets pourrait être confiée à un autre fournisseur que la France.

  • Il serait ouvert aux États membres de la zone monétaire d’Afrique de l’Ouest Z.M.A.O (Nigéria, Ghana, Sierra Leone, Liberia, Gambie, Cap-Vert, Guinée). Sont-ils vraiment tous intéressés ?

Sa mise en circulation était prévue pour 2009, puis 2015 et enfin mi-2020 mais cette date semble peu crédible: la pluralité des parties prenantes, le caractère symbolique de ce changement et la nécessité de maintenir la confiance des utilisateurs exigent une préparation sans failles.

En résumé, l’Eco est encore dans les limbes et, pour le moment, le franc C.F.A de l’Afrique centrale n’est pas concerné. Le débat n’est pas clos car certains considèrent que la rupture avec la France ne serait pas assez radicale quand d’autres souhaitent plutôt une transition en douceur...

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