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26 juin 2023 : l’ambassadeur de Suède en France était à la Maison de l'Europe

L’ambassadeur Åkesson a convaincu son auditoire que la Suède, qui présidait pour la troisième fois le Conseil de l’UE, a gagné son pari qui était de rendre une Europe plus sûre, plus libre et plus verte à l’issue de ses six mois de présidence.

Fidèle à sa tradition consistant à saluer chaque fin de semestre de présidence du Conseil de l’Union européenne, le MEF-30 s’est adressé à l’ambassade de Suède en France. C’est cette fois l’ambassadeur en personne que nous avons eu le privilège de recevoir le 26 juin pour nous présenter le bilan de la présidence du Conseil de l’UE assurée par son pays du 1er janvier au 30 juin 2023.


Privilège : le mot n’est pas trop fort car nous avons eu le plaisir de rencontrer un homme élégant, attentif, curieux de tout et de tous et surtout parfaitement à l’aise sur tous les dossiers dont il a rendu compte ou sur lesquels nous l’avons interrogé ; il y a souvent ajouté de l’humour, soulignant malicieusement par exemple que la Suède était en pointe dans le streaming musical : Spotify est suédois. Et de notre côté, nous l’avons remercié en rappelant à quel point, pour beaucoup, la Suède constituait un modèle sur le plan des valeurs et de la réussite, ce qui rend d’autant plus inquiétante la poussée d’extrême droite qu’on y observe.


Les lecteurs qui se satisferont d’une information assez générale sur le bilan de cette présidence peuvent arrêter là leur lecture ; il se satisferont sans doute de savoir que la Suède avait entamé ce semestre en affichant quatre priorités : sécurité et unité, compétitivité, transition écologique et transition énergétique, valeurs démocratiques et État de droit. Et pour en savoir plus, plusieurs sites sont disponibles, constamment mis à jour, notamment


Le présent article s’attache plus particulièrement à deux aspects de la présidence suédoise: le paquet «migrations/ droit d’asile » et le paquet « climat/énergie ».

Sur ces deux aspects, on trouvera beaucoup d’informations ici :


Mais celle ou celui qui veut en apprendre un peu plus est invité/e à poursuivre sa lecture, elle redonne confiance dans la résilience de l’Europe -au cas où on en douterait.


Il est vrai que le bilan de cette présidence suédoise est particulièrement conséquent. Sans doute était-ce le rôle de l’ambassadeur que de le revendiquer, mais la liste des acquis de ce semestre est impressionnante, et ce sur des sujets de première importance. C’est d’autant plus remarquable que certains de ces thèmes encombraient les ordres du jour européens sans qu’une vraie décision soit prise : c’est le cas notamment de la question des migrations et du droit d’asile en Europe, qui « traînait » depuis 2016, et sur laquelle un accord a enfin pu être trouvé.


Un accord : le mot est à prendre au sens européen, c’est-à-dire qu’il ne peut s’agir que d’un compromis, même s’il est passablement contraignant ; il faudra ensuite suivre sa mise en œuvre concrète et quotidienne. C’est le rôle de la Commission européenne, « gardienne des traités » et donc chargée de contrôler l’application des décisions.

Pour résumer, un effort sera entrepris pour soulager les pays de premier accueil -essentiellement l’Espagne, la Grèce, l’Italie et Malte), où les demandes d’asile sont obligatoirement enregistrées à l’arrivée ; c’est la procédure que prévoit le règlement de Dublin puisque l’asile est la voie utilisée par quasiment tous les migrants (sauf pour les étudiants et les demandeurs de rapprochement familial, et de plus en plus rarement les signataires de contrats légaux dits d’« introduction de main-d’œuvre »). Une relocalisation vers des pays moins directement impactés sera faite, et les États récalcitrants qui voudraient se soustraire à cette obligation devront verser une certaine somme (20 000 euros par migrant « refusé », ce n’est pas rien) au profit du budget de l’Union européenne affecté à ces programmes. En corollaire de ce volet « généreux », des mesures plus strictes sont arrêtées pour éconduire et même reconduire dans des délais raccourcis les personnes dont les demandes d’asile seront manifestement infondées.


Certains ne manqueront pas de dire que c’est l’Europe « forteresse » qui se barricade ainsi. C’est faire peu de cas de la réalité, qui conduit, dans l’intérêt même de certains demandeurs d’asile, à les décourager d’entreprendre un périple périlleux et souvent voué à l’échec. Cette décision doit de toute façon passer sur le gril du Parlement européen qui ne manquera pas de la discuter et peut-être de la remodeler. Cela se fera de toute façon dans le cadre de ce qu’il est désormais convenu d’appeler le « trilogue », la Commission devant prendre en compte les textes adoptés au Conseil, puis discutés au Parlement, pour aboutir à une rédaction définitive et réellement applicable.


La vérité oblige donc à dire que même lorsqu’on crie victoire, il faut se méfier d’un effet d’annonce : une décision publiée n’est pas toujours, tant s’en faut, immédiatement exécutoire. C’est évidemment le cas ici.


Tout autres sont les avancées en matière de Pacte vert, transition énergétique, accompagnement du changement climatique, etc. Il est vrai que sur ce point les choses avancent depuis l’entrée en fonctions de la Commission von der Leyen, il était donc relativement plus facile de mettre la touche finale à des démarches déjà engagées, parfois sous présidence française ou tchèque (les deux présidences précédentes). Les acquis n’en sont pas moins considérables, et encourageants, qu’on en juge. Même si on n’en fait jamais trop …


La liste en serait longue et fastidieuse, mais il suffira sans doute, à ce stade, d’évoquer la question des « quotas carbone » pour comprendre que les décisions seront d’application rapide et spectaculaire. De quoi s’agit-il ? Les « quotas carbone », concept dont le nom complet est « système d'échange de quotas d'émission de dioxyde de carbone et des autres gaz à effet de serre », en abrégé SEQE, consiste à faire payer les producteurs d’émission en fonction des tonnes de CO2 (et autres gaz) que leur activité produit. Pour faire simple, c’est donc un système dit de « pollueur-payeur » : il récompense les vertueux qui font des efforts et pénalise les négligents : ceux-ci, moins compétitifs, sont donc voués à perdre des parts de marché.


Ce système existe déjà, il fonctionne, même si les choses ne vont jamais assez vite, mais les décisions prises sous présidence suédoise en ont renforcé les dispositions de manière assez draconienne : en abaissant les plafonds de déclenchement du paiement des pénalités, en étendant le système à des secteurs qui en étaient jusqu’ici exonérés en tout ou partie (par exemple le transport maritime, gros pollueur, et bien sûr le transport aérien, largement épargné jusqu’ici).


Dans le même esprit, un système d’ajustement aux frontières, dans les tuyaux depuis plusieurs années, a été adopté sous présidence suédoise sous son nom complet de Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ou MACF. L’idée étant bien sûr non seulement de décourager les industries qui voudraient délocaliser leur activité pour échapper aux quotas d’émissions, mais aussi de porter les coûts des importations marquées par une forte empreinte carbone au niveau (presque au niveau, n’exagérons pas) des coûts européens supportant la taxe carbone. Au hasard, l’acier chinois -et peut-être aussi l’acier coréen ou américain- perd ainsi son avantage en termes de compétitivité-prix : qui s’en plaindra ? Encore faut-il que la sidérurgie européenne soit, ou redevienne compétitive ; mais c’est évidemment une façon de l’y encourager.


Du reste, sur ce plan, la Suède dame le pion aux autres pays de l’UE, avec son aciérie de Kiruna, dans le grand nord du pays, entièrement décarbonée : l’acier -certes à partir d’un minerai de qualité exceptionnelle- y est fabriqué avec de l’hydrogène produit par des sources d’énergie entièrement renouvelables. Qui dit mieux ? Soulignons que le Fonds européen pour l’innovation a apporté 143 millions d’€ à cette réalisation.


Mais s’agissant d’accompagnement du changement climatique, la Suède, bonne élève comme souvent, a aussi permis l’accouchement d’un Fonds social pour le climat, abondé précisément par ces fameux quotas carbone, dont le rôle sera de financer concrètement -au-delà donc des fortes paroles de la présidente de la Commission européenne- une transition « juste » pour atténuer les effets du nouveau système d'échange de quotas d'émission sur les ménages vulnérables, les micro-entreprises et les usagers des transports.


Bien d’autres décisions encore ont été prises en matière d’énergies renouvelables, de transition énergétique, dont on pourra dans un proche avenir vérifier le caractère à la fois ambitieux et réaliste. Encore une fois, c’est le rôle de la Commission d’y veiller.


Et bien sûr, au-delà des objectifs en quelque sorte « internes » liés à la construction européenne proprement dite, la Suède a été, comme nous tous, confrontée à la situation dramatique et en constante évolution entraînée par la guerre de la Russie à l’Ukraine. Comme les autres pays et même un peu plus, puisque la Suède a demandé, dès les premiers jours de la guerre, à être admise dans l’OTAN.


Un auditoire attentif suit la conférence de l’ambassadeur Åkesson.



L’ambassadeur Åkesson a d’abord rappelé que la Suède, autrefois grande puissance militaire, protégeait sa neutralité depuis 1814. Et il a ensuite sidéré son auditoire en indiquant dans quelle proportion et avec quelle rapidité l’opinion publique en Suède, jusque-là très majoritairement hostile à tout engagement atlantique, a viré de bord et souhaite désormais ardemment la protection, qui n’est pas que symbolique, que représente l’appartenance à l’OTAN. La Finlande, également demandeuse, a été définitivement intégrée le 4 avril 2023. La Suède, jusqu’ici blackboulée par la Turquie qui voulait la punir pour avoir -entre autres- « laissé faire » une manifestation (d’extrémistes minoritaires, certes) au cours de laquelle un Coran avait été brûlé devant l’ambassade de Turquie, semble avoir désormais bon espoir (malgré ou grâce à la réélection d’Erdogan), de voir ce veto levé. Il a fallu pour cela que le gouvernement annonce des mesures qui, sans attenter à la liberté d’expression, sacrée en Suède comme ailleurs, pourraient lui permettre d’interdire les démonstrations de ce type au motif d’atteinte à l’ordre public. La Suède a-t-elle pour autant mangé son chapeau ? « Paris vaut bien une messe » disait un jour (à ce qu’on raconte) un certain Henri IV.


Quoi qu’il en soit, il est certain que, sous présidence suédoise, la cohésion européenne face à la Russie et aux côtés de l’Ukraine ne s’est ni délitée ni affaiblie. Au contraire, l’ambassadeur a souligné l’extension et le renforcement des sanctions prises à l’encontre de la Russie, et la détermination des États-membres à soutenir l’Ukraine sur tous les plans. Cela vaut notamment pour la Suède, qui pour protéger sa neutralité a très tôt créé une industrie de défense, y compris dans le secteur de l’aviation (avec Saab).


Bref, sur un plan général, l’ambassadeur Åkesson a convaincu son auditoire que la Suède, qui présidait pour la troisième fois le Conseil de l’UE (après 2001 et 2009), a gagné son pari qui était de rendre une Europe plus sûre, plus libre et plus verte à l’issue de ses six mois de présidence. L’Espagne prend le relais au 1er juillet, dans des conditions à la fois favorables compte tenu de ce bon bilan, mais sans doute aussi un peu compliquées, du fait des élections législatives convoquées pour le 23 juillet. Bon courage !


Jean-Luc BERNET

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