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Droit européen, droit national : quels liens entretiennent-ils ?

Traités, règlements, directives ou décisions de la Cour de justice de l’Union européenne : les Etats membres de l’Union européenne sont tenus d’appliquer le droit communautaire. C’est ce que l’on appelle la primauté du droit européen. En pratique, qu’implique ce principe ?

Si le principe a mis du temps à s’immiscer dans la jurisprudence et les traités européens, la primauté du droit de l’Union européenne sur le droit national est aujourd’hui reconnue de toutes les juridictions. Selon ce principe, le droit européen, primaire (traités et protocoles associés tels que la Charte européenne des droits fondamentaux) comme dérivé (règlements, directives et décisions), bénéficie d’une supériorité sur le droit des Etats membres. A titre d’exemple, si une loi nationale va à l’encontre d’un règlement européen, c’est ce dernier que l’Etat membre devra appliquer et que les citoyens européens pourront faire valoir en cas de litige.


Une reconnaissance progressive de la primauté du droit de l’UE


Sa reconnaissance formelle intervient le 15 juillet 1964 à l’occasion d’un arrêt fondateur de la Cour de justice des communautés européennes, l’arrêt Costa c./ENEL. Celui-ci, premier exemple d’une longue série allant dans ce sens, précise qu’en cas de conflit entre les normes nationales et européennes, ce sont ces dernières qui s’appliquent. Selon la définition apportée par Dalloz, le principe de primauté “bénéficie à toutes les normes de droit européen disposant d’une force obligatoire et s’exerce à l’égard de toutes les normes nationales”. Malgré plusieurs tentatives, le principe ne sera toutefois jamais officiellement consacré dans les traités. Seule une déclaration annexée au traité de Lisbonne de 2007, portant le numéro 17, le mentionne explicitement.


Dans les Etats membres également, le principe est peu à peu reconnu. En France, l’article 55 de la Constitution prévoit dès 1958 les dispositions permettant d’établir la primauté du droit de l’Union européenne. Le texte dispose ainsi que “les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie”. Le Conseil d’Etat le consacrera en 1989, à l’occasion de l’arrêt Nicolo, qui précise qu’il revient aux juridictions administratives de vérifier que les dispositions des lois sont conformes aux traités internationaux.


La Cour constitutionnelle fédérale allemande a également reconnu le principe outre-Rhin. Se fondant sur l’article 24 (1) de la Loi fondamentale, l’équivalent de la Constitution française, l’instance basée à Karlsruhe “affirme depuis longtemps la suprématie du droit communautaire”, explique une publication du Conseil constitutionnel français.


Un principe plusieurs fois remis en cause dans l’UE


Si l’Allemagne reconnait depuis de nombreuses années le principe de primauté du droit de l’UE, une décision rendue par sa Cour constitutionnelle a fait grand bruit le 5 mai 2020. A l’époque, l’instance fédérale considérait que le programme de rachat de dette publique de la Banque centrale européenne violait, en partie, la Constitution allemande. Une décision qui allait à l’encontre de celle de la Cour de justice de l’UE (CJUE) qui avait validé ce programme en 2018. Gardienne des traités, la Commission européenne a ouvert en juin 2021 une procédure d’infraction à l’encontre de l’Allemagne pour non-respect du principe de primauté du droit européen.

A l’été 2021, cette question s’est de nouveau retrouvée sous le radar de la CJUE. L’enjeu, la réforme judiciaire mise sur pied en Pologne quelques mois auparavant. Dans un arrêt du 14 juillet, la Cour européenne a ainsi affirmé que celle-ci n’était “pas conforme” au droit européen, en raison notamment d’atteintes à l’état de droit. Dès le lendemain, le porte-parole du gouvernement polonais a réagi en affirmant que “l’organisation du système de la justice [relevait] des compétences des pays membres”. Selon ce dernier, Bruxelles outrepasserait ainsi ses compétences. Le Tribunal constitutionnel polonais (TK) a rendu le jour même une décision en ce sens, précisant que l’arrêt de la CJUE n’était “pas conforme” à la Constitution polonaise. Un jugement auquel l’exécutif européen s’est empressé de répondre : “la Commission [européenne] réaffirme une fois encore que le droit de l’Union prime sur le droit national [et que] toutes les décisions de la CJUE, y compris les ordonnances de référé, sont contraignantes pour toutes les autorités et juridictions nationales des Etats membres”.


Le principe d’effet direct des traités


Certains actes législatifs et non législatifs de l’Union s’appliquent directement aux pays de l’Union européenne ainsi qu’aux particuliers. Le principe d’effet direct permet ainsi à ces derniers, indépendamment de l’existence d’une traduction dans le droit national, “d’invoquer directement une norme européenne devant une juridiction nationale ou européenne”. Ce principe a été consacré par la CJUE en 1963 à l’occasion de l’arrêt Van Gend en Loos.


On distingue l’effet direct vertical, permettant aux particuliers de se prévaloir d’une norme européenne vis-à-vis d’un pays, de l’effet direct horizontal, qui autorise un particulier à se prévaloir de cette norme à l’encontre d’un autre particulier.


Si l’ensemble du droit primaire est en règle générale concerné par l’effet direct, celui-ci concerne moins systématiquement les actes du droit dérivé. Une directive, acte pour lequel un délai de transposition par les Etats membres de l’UE est prévu, a un effet direct seulement si “elle est claire, précise, inconditionnelle” et que le délai pour la transposer n’a pas été respecté, explique le portail web du droit européen, EUR-Lex.



Les limites du droit européen


Si le droit européen prime le droit national, le champ d’application du premier est bien plus restreint que celui du second, ce qui écarte l’idée d’une toute-puissance de la législation de l’UE. Ainsi, en vertu du principe d’attribution, l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités.


Conformément au principe de subsidiarité, l’Union n’intervient que si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être suffisamment atteints par les États membres, tant au niveau national qu’aux échelons régional et local.


Enfin, l’Union doit respecter le principe de proportionnalité. En d’autres termes, elle doit veiller à ce que le contenu et la forme de son action n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités.

Source : Toute l’Europe, Valentin Ledroit

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