L’après Brexit aujourd’hui : de l’apaisement… et des regrets ?
Trois ans après le Brexit, les rapports entre l'Union européenne et le Royaume-Uni s'améliorent.
Aujourd’hui on est bien loin des déclarations de Boris Johnson, aux accents presque guerriers, vantant le futur radieux du Royaume-Uni « enfin débarrassé du carcan européen » et « retrouvant le contrôle total de ses lois et de ses frontières »…
Charles III a succédé à Elisabeth II, mais les souverains n’interviennent pas dans la conduite politique du pays. Après une Première ministre éphémère, Liz Truss, qui se rêvait Margaret Thatcher, c’est Rishi Sunak qui est au 10 Downing Street. Plus réaliste, il cherche l’apaisement dans les relations avec l’Union européenne et avec la France.

Trois ans après le 31 janvier 2020, date de la mise en place effective du Brexit, l'adoption du "cadre de Windsor" a ainsi mis fin au différend avec l’UE à propos du statut particulier de l'Irlande du Nord, sans doute la question la plus épineuse lors des négociations du Brexit entre 2016 et 2019. Comment éviter de rétablir une frontière physique entre l’Irlande du Nord, qui fait partie du Royaume-Uni, et la République d’Irlande, membre de l’UE ? Une interrogation vitale face au risque de voir ressurgir les violences entre communautés protestante et catholique.
Pour y répondre, Britanniques et Européens s’étaient entendus en octobre 2019 sur une solution censée éviter ces difficultés liées au Brexit : le protocole nord-irlandais. Un texte qui maintient de fait l’Irlande du Nord dans le marché unique européen pour les marchandises. La province doit ainsi continuer de suivre un certain nombre de règles de l’UE. Et les produits transitant entre la Grande-Bretagne et elle devaient subir des contrôles douaniers.
Sauf que le protocole nord-irlandais n’a jamais été pleinement appliqué par Londres. Ce qui a valu au Royaume-Uni le déclenchement de plusieurs procédures d’infraction de la part de la Commission européenne, avec de lourdes sanctions financières si ces procédures aboutissaient. En cause pour le gouvernement britannique, des vérifications trop contraignantes fragilisant l’économie de l’Irlande du Nord et suscitant la colère des unionistes, favorables au maintien de la province dans le Royaume-Uni. La principale force politique unioniste, le parti DUP, refusait d’ailleurs de participer au gouvernement local tant que le protocole nord-irlandais ne serait pas supprimé, provoquant la paralysie politique de l’Ulster depuis mai 2022.
Conclu le 27 février 2023 et officiellement adopté le 24 mars à la fois par le Royaume-Uni et l’Union européenne, le “cadre de Windsor” a vocation à régler ce différend. Il prévoit en effet un important allègement des contrôles pour les produits en provenance de Grande-Bretagne et qui sont uniquement destinés à l’Irlande du Nord : ils auront un étiquetage particulier leur ouvrant la « voie verte ». Les marchandises destinées à être exportées vers la République d’Irlande, et éventuellement d’autres pays de l’Union européenne, continueront à subir des contrôles douaniers aux points d’entrée en Irlande du Nord, ports et aéroports.
Le « cadre de Windsor » donne aussi la possibilité au parlement local de bloquer l’application de nouvelles règles de l’UE s’appliquant au commerce des biens dans la province : un “frein de Stormont” (“Stormont brake”), du nom du bâtiment abritant l’assemblée nord-irlandaise, prévu pour n’être utilisé que de manière exceptionnelle et qui pourra être rejeté par la Cour de justice de l’UE, qui conservera le dernier mot.
Sur d’autres dossiers également il y a eu un rapprochement entre le Royaume-Uni et l’UE, en particulier pour faire face à la guerre en Ukraine déclenchée par la Russie.
Cependant il reste des difficultés dans plusieurs domaines, notamment la pêche en mer. Sujet brûlant lors de la négociation de l’accord de commerce post-Brexit, la pêche avait fait l’objet d’un compromis entre Londres et Bruxelles : les pêcheurs de l’UE ont conservé un accès aux eaux très poissonneuses du Royaume-Uni mais doivent renoncer à 25 % de leurs captures dans ces eaux d’ici à l’été 2026.
Des difficultés sont cependant apparues après l’entrée en vigueur de l’accord en janvier 2021, affectant notamment les pêcheurs français. Les autorités britanniques leur imposent des licences pour pêcher dans les eaux du pays, et ces licences sont souvent attribuées au compte-gouttes par le Royaume-Uni. D’autres pays proches du Royaume-Uni, en premier la République d’Irlande, sont évidemment concernés. Les discussions entre l’UE et le gouvernement britannique sont donc appelées à se poursuivre.
Dans le domaine de la lutte contre l’immigration illégale à partir de la France, le Royaume-Uni a accepté d’accroître de façon importante sa contribution financière aux dispositifs à mettre en place le long de la côte française la plus proche de la Grande-Bretagne, pour endiguer le flux croissant des traversées de la Manche sur des embarcations précaires et surchargées.
Sur le plan de l’économie et de leur vie quotidienne, les sujets de Sa Très Gracieuse Majesté découvrent petit à petit que le Brexit n’avait aucun fondement et que les miracles annoncés étaient une illusion. Une majorité de l’opinion semble être passée du Brexit au Bregret, autre néologisme et mot-valise exprimant le regret du Brexit…
Enfin, pour terminer sur une note positive, il faut reconnaître à nos voisins d’outre-Manche une grande ouverture au choix de dirigeants issus de l’immigration: le premier ministre à Londres, Rishi Sunak, est d’origine indienne et en Écosse c’est Humza Yousaf, d’origine pakistanaise et indienne, qui vient de succéder à Nicola Sturgeon, démissionnaire, à la tête du parti indépendantiste et devrait bientôt devenir premier ministre de l’Écosse.
Jean-Jacques SMEDTS
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