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L’Europe met le nez sur son passé

L’histoire laisse des traces multiples : des écrits, des monuments, des peintures sur les parois des grottes, des œuvres d’art, des musiques, des légendes… Les odeurs, pourquoi pas ?


Appréhender le passé par notre odorat, c’est l’objet de l’ambitieux projet « Odeuropa » dans lequel plus de trente chercheurs de 6 pays européens (*) se sont lancés en janvier 2021, pour 3 ans, avec un financement de près de 3 millions d’€ apporté par la Commission européenne. Un projet européen qui sort vraiment des sentiers battus !


Les spécialités mobilisées sont multiples : historiens, linguistes, chimistes, parfumeurs, cherchent à recenser, décrire, analyser et même parfois reconstituer les odeurs - agréables ou non - qui accompagnaient notre passé.

L’intelligence artificielle est mise à contribution pour repérer ce qui peut se rapporter aux odeurs dans les textes et les images du passé qui constituent une énorme base de données. L’ordinateur apprend à repérer des mots tels que « senteurs, boisé, fruité » et des objets dont les matières sont odorantes : tabac, cuir, fleur, corbeille de fruits…, ou encore des lieux pouvant être chargés d’odeurs : jardin, usine, cabinet de toilette, … Dans les tableaux, sont aussi recherchés des animaux odorants ou des gestes comme se pincer le nez ou le froncer, ou encore les accessoires utilisés pour se protéger des mauvaises odeurs (pendentifs, diffuseurs de parfums).

Les données collectées sont utilisées par les historiens pour constituer et nourrir une vaste encyclopédie en ligne du patrimoine olfactif européen. Les livres anciens ont eux-mêmes des odeurs complexes : le papier, les encres, le cuir de la reliure….

Certaines senteurs peuvent être reconstituées. Ainsi l’odeur de boîtes à tabac anciennes a été analysée à partir des COV (composés organiques volatils) qu’elles ont conservées, puis ces COV ont été assemblés pour reconstituer les senteurs. Plus simplement, des textes donnent des recettes, comme par exemple celles des « pommes d’ambre », pendentifs en forme de sphère ajourée utilisés aux XVIe et XVIIe siècles pour se protéger des mauvaises odeurs et (soi-disant) de maladies comme la peste. Dans ces pendentifs on trouvait du romarin, de la cannelle, du clou de girofle, de la rose et des produits musqués comme la civette (musc produit par des glandes de cet animal) et l’ambre gris (qu’on trouve – à grand prix - dans le système digestif du cachalot).


Le projet vise aussi à développer des politiques de conservation et de protection du patrimoine olfactif européen.

Certes les parfumeurs ont eux-mêmes conservé des parfums qui ont jalonné leurs parcours, mais cela ne remonte guère plus loin que le début du XXe siècle.