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L’OTAN ressuscitée

L'OTAN est en état de « mort cérébrale » voilà ce que déclarait Emmanuel Macron le 7 décembre 2019 : heureusement pour elle, Vladimir Poutine, par son invasion de l'Ukraine, l'a sauvée et elle est désormais bien vivante !



L'OTAN est redevenue tellement attrayante que plusieurs pays se pressent à ses portes : la Finlande (admise finalement le 4 avril 2023), la Suède, et à plus long terme, l'Ukraine, la Géorgie et la Bosnie-Herzégovine.

Comme une adhésion doit obtenir l'accord de tous les membres, la Turquie s'en sert pour régler ses comptes avec la Suède et exiger la livraison de Turcs hostiles au régime. À la suite de la réélection d'Erdogan à la présidence de la Turquie, les gesticulations de la campagne électorale semblent enterrées.

Mais qu'est-ce que l'OTAN ? C'est un enfant de la guerre froide.


« L’OTAN, enfant de Staline» (P.H. Spaak, premier ministre belge)

L’alliance contre l’Allemagne nazi formée par les U.S.A., le Royaume-Uni, la France d’une part et l’U.R.S.S. d’autre part, ne survit pas à la fin de la Seconde guerre mondiale.

Mais Staline, multiplie les avancées hostiles au détriment de l’Occident : en Grèce (guérilla communiste de 1946 à 1949), en Tchécoslovaquie (prise de pouvoir des communistes par la force en juin 1948), à Berlin (blocus des zones d'occupation occidentales de juin1948 à mai 1949).


Les Européens de l'Ouest tentent d'assurer leur sécurité eux-mêmes. Cela donne lieu à la conclusion de différents traités créant des alliances militaires entre eux (traités de Dunkerque le 4 mars 1947 et de Bruxelles le 17 mars 1948), mais ils sont conscients du déséquilibre des forces en faveur de l'U.R.S.S. ; ils recherchent donc un engagement permanent des Américains à leurs côtés.

Le Sénat des États-Unis, par la résolution Vandenberg (Président du comité des affaires étrangères du Sénat) votée le 11 juin 1948, autorise le gouvernement américain à s'engager dans la défense de l’Europe.


«Keep Russians out, Americans in, Germans down*» (Lord Ismay, 1er secrétaire général de l'OTAN)

Le Traité de l'Atlantique Nord, signé à Washington le 4 avril 1949, instaure une alliance de 12 États démocratiques d'Europe et d'Amérique du Nord qui veulent sauvegarder leur sécurité commune par le biais d'une coopération politique et militaire : le Royaume-Uni, la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l'Islande, la Norvège, le Danemark, le Portugal, l'Italie, les États-Unis et le Canada.

L’article 5 du traité (assistance mutuelle des pays membres en cas d’agression) donne pour les Européens l’assurance d’un engagement américain en cas d’agression soviétique en Europe.

En février 1952, la Grèce et la Turquie rejoignent l'Alliance, ce qui permet à l'Alliance de contrôler l’accès à la Mer Noire.

À la suite de l’invasion de la Corée du Sud par les forces communistes, il est décidé, lors du Conseil de l'Atlantique Nord de Lisbonne (février 1952) de transformer l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (O.T.A.N.) en organisation militaire permanente.


"Je veux des Allemands en uniforme" (Dean Acheson Secrétaire d’État U.S.)

Les Américains souhaitent que l'Allemagne contribue à la défense commune contre le bloc communiste, tandis que la France craint un éventuel réarmement allemand.

Les Européens tentent d'intégrer une future armée allemande, devenue inévitable, dans une Communauté Européenne de Défense (C.E.D.). Cette Communauté, pourtant proposée par la France, est refusée par le Parlement français (29 août 1954).

Finalement, la République Fédérale d'Allemagne est admise dans l'OTAN (mai 1955), l'armée allemande est intégrée dans le cadre de l'OTAN et subit des limites dans ses armements, Le seul élargissement jusqu'à la disparition de l'U.R.S.S. ne concernera que l'Espagne en 1982.


"On a tué le vieil ours"

L'arrivée au pouvoir de Gorbatchev permet de détendre les relations entre l'Est et l'Ouest.

La chute du mur de Berlin (9 novembre 1989) provoque une remise en cause des missions de l'OTAN conçues pour un affrontement bloc contre bloc. La dissolution du pacte de Varsovie en février 1991 prive l'Alliance de son adversaire historique et elle peut se considérer comme vainqueur mais sans combat : « De toutes les alliances défensives que l'Histoire a connues, c'est la nôtre qui s'est le mieux acquittée de sa tâche». Le 3 octobre 1990, l'Allemagne réunifiée, incluant l'ex Allemagne de l'Est, devient membre de l'OTAN, au grand dam de l'U.R.S.S.

Le conflit en ex-Yougoslavie laisse les Européens sur la touche et entraîne une intervention de l'OTAN au Kosovo (mars 1999) pour mettre fin à la répression serbe dans ce territoire. Cette intervention irrite la Russie, traditionnelle protectrice de la Serbie et montre que les Européens ne sont pas encore mûrs pour se passer de l'Alliance Atlantique.

L'élargissement de l'Alliance vers l'Est

Mais l'OTAN va réussir à justifier son maintien car, d'un côté les pays d'Europe centrale et orientale désirent bénéficier de la protection américaine contre un éventuel retour en force de la Russie et, d'autre part, les États-Unis souhaitent étendre leur influence politique et militaire vers l'Est. Dès le Sommet de Londres (6 juillet 1990), l'Alliance se propose de développer la coopération politique et militaire avec les pays d'Europe centrale et orientale (P.E C.O.) Iibérés de la tutelle soviétique ; elle crée pour cela le Conseil de Coopération Nord Atlantique (C.C.N.A. ou COCONA), devenu en 1997 le Conseil du Partenariat euro-atlantique (C.P.E.A.), antichambre d'une future adhésion.

Ces tentatives provoquent l'ire de la Russie ; pour lui offrir une compensation « l'Acte fondateur des relations entre l'OTAN et la Russie » est signé à Paris le 27 mai 1997 ; il offre à cette dernière une participation aux activités de l'Alliance mais sans aucune possibilité de veto ; un conseil OTAN-Russie est créé le 28 mai 2002.


La République tchèque, la Hongrie et la Pologne adhérent en avril 1999 puis la Bulgarie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie en mars 2004. Mais, par crainte de la réaction de la Russie, les dirigeants européens refusent le 3 avril 2008 d'accorder le statut de candidat officiel à l'Ukraine et à la Géorgie ; est-ce que cela aurait épargné à ces deux pays les agressions russes, en Géorgie en août 2008 et en Ukraine en 2022 ?

Néanmoins l'élargissement continue avec l'Albanie et la Croatie en avril 2009 et la Macédoine du Nord en mars 2020.

Le 12 janvier 2022, l'OTAN oppose une fin de non-recevoir à Vladimir Poutine qui demandait l'arrêt de son élargissement et le retrait de ses forces des pays ayant adhéré après 1997.


Les conséquences sur l'OTAN de l'agression russe en Ukraine

Le déclenchement de « l'opération militaire spéciale » russe en Ukraine le 24 février 2022 a des conséquences complètement opposées à ce que souhaitait Vladimir Poutine : l'OTAN se trouve de nouveau légitimée comme alliance défensive efficace des pays européens membres et deux pays traditionnellement neutres demandent leur intégration : la Suède et la Finlande. Cette dernière est admise officiellement le 4 avril 2023 ; il faut noter qu'elle partage 1300 km de frontières communes avec la Russie !

La Suède devrait suivre après la levée du veto turc ; la Baltique deviendra alors un lac « otanien », la Russie n'ayant plus que deux petites fenêtres sur cette mer, St Saint-Pétersbourg et Kaliningrad, ce qui est une situation complètement inverse de celle qui prévalait avant 1990 !

Parmi les membres de l'Union européenne, seuls l'Autriche, l'Irlande, Malte et Chypre restent officiellement neutres et ne sont donc pas candidats.

L'OTAN devrait élever deux statues : l'une à Staline qui a contribué à sa naissance en 1949 et l'autre à Poutine qui a provoqué son plus vaste élargissement depuis son arrivée au pouvoir en 1999 : 12 nouveaux membres !


Frédéric BOURQUIN


*Maintenir les Russes à l'écart, les Américains à l'intérieur et les Allemands à terre.






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