La défense de l'Union européenne et l'OTAN
L’Union européenne doit-elle tendre à assurer elle-même sa propre défense ou continuer à beaucoup compter sur le « parapluie » de l’OTAN ? Pour le moment la réponse n’est pas unanime dans les 27 pays de l’UE, mais la question se pose de façon plus aiguë au lendemain de la désignation pour 5 ans des nouveaux commissaires européens et à quelques semaines de l’élection présidentielle américaine.
Qu’est-ce que l’OTAN ?
Dans les premières années de la guerre froide, une alliance s’est constituée pour défendre le « monde occidental » contre la politique expansionniste du « monde communiste » menée par l’URSS.
Cette alliance a été formalisée en avril 1949 par le Traité de l’Atlantique Nord entre des États européens non communistes et, de l’autre côté de l’Atlantique, les USA et le Canada. Cette alliance est souvent appelée Alliance atlantique.
Rapidement, et surtout après le choc de la guerre de Corée, les pays signataires du Traité ci-dessus ont décidé (fin 1950) de créer une organisation militaire intégrée permanente, l’OTAN : Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, en anglais NATO, North Atlantic Treaty Organization. Les pays membres mettent à disposition des commandements de l'OTAN tout ou partie de leurs forces, dont ils continuent d'assurer directement le coût.
En 1955, après l’adhésion de la RFA (Allemagne de l’ouest) à l’OTAN, une alliance semblable s’est constituée à l’est autour de l’URSS : le Pacte de Varsovie. Face à face...
La France a longtemps eu des relations difficiles avec l’OTAN, notamment à cause de ses guerres post-coloniales et de sa volonté de se doter de façon autonome de l’arme nucléaire. La France, alors dirigée par le général de Gaulle, a ainsi décidé en 1966, tout en restant membre de l'Alliance atlantique, de quitter l'organisation militaire intégrée, dont elle n’est redevenue membre à part entière qu’en 2009. Dès le début des années 60, les États-Unis avaient diminué leur présence militaire en France : je me souviens des longs convois de camions militaires américains, tous feux allumés, sur les routes du nord-est, qui quittaient leurs camps, nombreux en Champagne.
Pourtant l’OTAN était fortement implantée en France : son siège, initialement situé à Londres, avait rapidement été transféré à Paris (dans les locaux désormais occupés par l'université Paris-Dauphine), et son principal commandement militaire pour l’Europe, le SHAPE, avait été installé à Rocquencourt (banlieue ouest de Paris).
Depuis 1966 le siège et le SHAPE sont en Belgique et le Quartier général des forces alliées en Europe centrale, qui était à Fontainebleau, a été transféré aux Pays-Bas.
Plus près de nous.
Après la fin de la guerre froide, la chute du « rideau de fer » et la dislocation de l’URSS, les dépenses de défense des pays européens membres de l'OTAN ont beaucoup baissé jusqu’en 2015. De leur côté à la même période les États-Unis ont maintenu des dépenses en moyenne deux fois plus élevées en pourcentage du PIB que celui de leurs alliés européens de l'OTAN. En 2015 la contribution des États-Unis à l’OTAN représentait plus de 70 % des dépenses militaires de l’OTAN.
Avec l’annexion de la Crimée et d’une partie du Donbass par la Russie en 2014 puis la guerre d’invasion menée par la même Russie en Ukraine depuis février 2022, les pays européens membres de l’OTAN ont accru leurs efforts de défense, avec l’objectif d’atteindre rapidement au moins 2 % de leur PIB.
En 2017 l’administration américaine, sous la présidence de Donald Trump, avait fait fortement pression sur ses alliés européens pour que ces derniers prennent une plus grande part des dépenses de l’OTAN. Les membres européens de l’OTAN ont même craint alors un désengagement américain de l’Europe, au profit de la zone du Pacifique.
Aujourd’hui 23 des 27 membres de l’UE sont aussi membres de l’OTAN, les plus récents étant la Finlande (2023) et la Suède (2024), inquiets de leur voisinage avec la Russie ; dans l’UE seuls l’Autriche, Chypre, l’Irlande et Malte ne sont pas dans l’OTAN. S’ajoutent à ces 23 : États-Unis, Canada, Turquie, Islande, Norvège, Royaume-Uni, plus des États des Balkans : Albanie, Macédoine du Nord et Monténégro. Total 32 États membres de l’OTAN. La Suisse n’est pas membre, ni la Serbie et la Bosnie-et-Herzégovine.
Deux pays ciblés par la Russie seraient évidemment ravis de faire partie de l’OTAN : l’Ukraine et la Moldavie.
A noter que les États d’Europe centrale et orientale qui ont rejoint l’UE lors du grand élargissement de mai 2004 avaient un peu avant cette date obtenu leur entrée dans l’OTAN : ils souhaitaient ainsi que le « parapluie américain » les protège de possibles visées russes. Les membres de l’UE qui constituent sa « façade orientale » sont ceux qui consacrent à la défense le plus gros pourcentage de leur PIB.
Mark Rutte, le nouveau secrétaire général de l’OTAN
Source : Touteleurope, créateur Alexandros Michailidis.
Il y a quelques jours, le 1er octobre, Mark Rutte, ancien premier ministre des Pays-Bas (d’octobre 2010 à juillet 2024), a succédé au Norvégien Jens Stoltenberg (lui aussi ancien premier ministre de son pays) au poste de secrétaire général de l’OTAN.
Faut-il y voir une perspective de plus grande influence de l’Union européenne dans l’OTAN ? Pas sûr...
Défense de l’Europe ou défense européenne ?
Pour le moment bon nombre de membres de l’UE sont partisans de compter surtout sur l’OTAN pour garantir leur défense. La France souhaite, elle, que l’UE ait une plus grande « autonomie stratégique », mais elle est loin d’avoir entraîné les autres pays européens, notamment l’Allemagne. On est encore très loin d’une défense européenne.
Cependant l’éventualité d’un retour de Trump à la présidence des États-Unis n’est pas écartée et avec elle la crainte d’un désengagement américain de l’OTAN. Cela ne peut que faire progresser l’intérêt des Européens pour la mise en commun de leurs forces de défense.
A noter que pour la première fois la Commission européenne qui se mettra en place dans quelques semaines comportera un commissaire à « Défense et espace ». Si le Parlement européen approuve sa nomination, ce poste sera occupé par Andrius Kubilius, un Lituanien : les États baltes, frontaliers de la Russie et intégrés de force à l’URSS jusqu’en 1991, sont particulièrement concernés par les questions de défense !
C’est encourageant pour la prise en main de sa propre défense par l’Union européenne, même si le chemin est encore long.
Jean-Jacques Smedts
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