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Le conflit israélo-palestinien est une affaire européenne

La tentation est grande de regarder le conflit israélo-palestinien comme extérieur à l'Europe : le Moyen-Orient, c'est loin et, pour paraphraser le général de Gaulle, il est difficile de « voler vers l'Orient compliqué avec des idées simples* ».


D'ailleurs, les pays membres de l'Union européenne ont du mal à dégager une position commune sur les récents événements en Palestine**, avec des nuances entre les États les plus pro-israéliens et ceux ayant une position plus nuancée.

La guerre en Ukraine accapare, et à juste titre, notre attention et ce qui se passe en Palestine nous semble périphérique.

Néanmoins, gardons-nous de délaisser ce sujet car sinon il nous reviendra en pleine figure. Une partie de nos compatriotes sont de confession juive et une autre partie se sentent plus ou moins solidaires de ce qui se passe là-bas. Le conflit s'est déjà plus ou moins insinué dans notre espace public avec des risques de réactions violentes.

Certaines prises de positions révèlent des conceptions condamnables des droits humains en considérant que la loi du talion doit s'appliquer et que les torts ne sont que d'un côté et peuvent tout justifier.


Affiche prônant la réconciliation : drapeaux israélien et palestinien et le mot paix en arabe et en hébreu - Source wikipedia commons

L'histoire doit nous éclairer et confirme que nous, Européens, avons toujours été partie prenante de ce qui s'est passé en Palestine et que nous sommes en partie responsables de ce qui s'y passe actuellement. Je ne remonterai pas au royaume hellénistique des Séleucides (-333 à -134), ni à l'occupation romaine (-63 à 324) puis byzantine (324 à 638), ni au royaume latin de Jérusalem (1099 à 1291), ni à la campagne de Bonaparte qui depuis l’Égypte a fait une incursion en Palestine (1799) car, à ces différentes époques, la cohabitation entre les populations locales et les Juifs, très minoritaires, ne posait pas de problèmes.


Par contre, le sionisme (référence au Mont Sion à Jérusalem) est né à la fin du XIXe siècle en Europe.

Face aux persécutions dont ont été victimes les Juifs au cours des siècles sur notre continent, des intellectuels ont imaginé créer un foyer national en Palestine pour les abriter des persécutions.

Lors de la Première guerre mondiale, les Britanniques étaient soucieux de se trouver des alliés contre l'Empire ottoman qui gouvernait la Palestine. Donc, son gouvernement a fait des promesses à tout le monde : aux Arabes d'avoir un royaume propre après la chute de l'empire turc, aux Juifs d'avoir un foyer national en Palestine. Cette dernière promesse se matérialisa par la fameuse déclaration (1917) de lord Balfour, secrétaire d’État britannique aux affaires étrangères ; la même année, le général anglais Allenby entre dans Jérusalem.


Après la défaite et le démantèlement de l'Empire ottoman, la toute nouvelle Société des Nations, ancêtre de l'O.N.U, accéda (1922) à la demande du Royaume-Uni d'obtenir un mandat *** sur la Palestine. A peine installés, les Britanniques ont eu à faire face à une immigration massive de Juifs européens en Palestine qui a provoqué de violentes réactions des Palestiniens (1929, 1936-1939). Très vite, les Anglais ont dû faire marche arrière et restreindre l'entrée des Juifs.

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, les pauvres hères qui avaient survécu à la Shoah ont afflué d'Europe vers la Palestine, encouragés par l'Agence juive. Les Britanniques sont allés jusqu'à renvoyer des Juifs en Europe dans des bateaux prisons. Un terrorisme anti-anglais organisé par des organisations secrètes juives a vu le jour. Dépassés par les événements, le gouvernement britannique confia le problème à la toute nouvelle O.N.U qui vota, difficilement, un plan de partage le 29 novembre 1947 ; il ne pouvait satisfaire les Palestiniens car la répartition des territoires n'était pas proportionnelle à la population : un État juif (14 000 km² pour 560 000 Juifs et 400 000 Arabes), un État arabe (11 500 km² pour 800 000 Arabes et 10 000 Juifs) et une entité administrée par l'O.N.U comprenant les villes de Jérusalem, ville sainte pour les trois religions monothéistes, et de Bethléem (environ 100 000 Juifs et 100 000 Arabes).

Les conséquences furent le déclenchement d'une guerre civile entre Juifs et Palestiniens dès le lendemain du vote de l'O.N.U, la proclamation de l’État d'Israël le 14 mai 1948, puis le départ précipité des Britanniques, et enfin une guerre entre le nouvel État d’Israël, et ses voisins arabes (Transjordanie, Égypte, Syrie, Liban, Irak).

Grâce aux armes fournies par certains États européens, Israël repousse les armées arabes et constitue un État plus vaste que celui prévu par le plan de partage, dont Jérusalem ouest. Les Palestiniens émigrèrent en masse dans tous les pays arabes voisins ; certains sont encore aujourd'hui dans des camps gérés par l'O.N.U.


L'ingérence des puissances européennes ne cessa pas après 1948 : les Français sont des fournisseurs d'armement (notamment avions de chasse) à Israël.

La nationalisation du canal de Suez (sous administration franco-britannique) par le dirigeant égyptien Nasser en 1956, entraîna une intervention armée en Égypte de la France et du Royaume-Uni, appuyés par Israël. Cette intervention fut stoppée sous la pression des États-Unis et de l'U.R.S.S.


Israël est, à l'origine, un État calqué sur le modèle européen.

La majorité de sa population vient de notre continent, son organisation politique est démocratique et parlementaire et il a été gouverné pendant longtemps par un gouvernement travailliste et laïc. On y parle l'hébreu mais toutes les langues européennes y sont pratiquées. Son style de vie, en dehors des communautés orthodoxes, et son niveau de développement le rapproche de l'Europe. D'ailleurs, l'O.N.U le range dans le groupe des États d'Europe occidentale et autres.


La France se détachera d'Israël à la suite de la guerre préventive menée par cet État contre ses voisins arabes en 1967 (guerre des six jours) et décrétera l'embargo sur les livraisons d'armes.

Les États-Unis remplacent désormais la France comme principal soutien de l’État hébreu ; celui-ci s'éloignera progressivement du modèle européen pour devenir un État où la religion y occupe une place de plus en plus prépondérante, devenant en 2018 « l’État-nation du peuple juif ».


La radicalisation progressive des Palestiniens aura des conséquences en Europe sous forme d'un terrorisme sporadique entre 1968 et 1989 : les villes les plus frappées pendant cette période furent Munich, Athènes, Paris, Rome, Vienne, Bruxelles, Anvers, Londres, Berlin.... Les compagnies aériennes européennes furent l'objet de plusieurs détournements ou attentats sanglants.


Dès juin 1980, la Communauté européenne, par la déclaration de Venise, se prononça en faveur du droit à exister pour tous les États de la région et reconnut les droits du peuple palestinien.

Les Européens ont contribué à l'élaboration des accords d'Oslo **** (1993), dernière tentative en date pour résoudre le conflit israélo-palestinien, malheureusement torpillée par les extrémistes des deux bords. Certes, le président américain Clinton est apparu comme le tuteur de cet accord en encourageant la fameuse poignée de main entre le dirigeant de l'O.L.P (Organisation de libération de la Palestine), Yasser Arafat, et le premier ministre israélien, Yitzhak Rabin mais, dans les coulisses, les diplomates européens furent à la manœuvre (Espagne et Norvège).


L'Union européenne devient le premier bailleur de fonds de l'Autorité palestinienne, créée à la suite des accords d'Oslo. Parallèlement, l'Union, dans le cadre de sa politique de voisinage, a signé des accords d'association avec l'Autorité palestinienne (1997) et Israël (2000). Ces deux entités sont d'ailleurs membres de l'Union pour la Méditerranée (créée en 2008) qui regroupe les États de l’U.E et ceux des rives de la Méditerranée.

Depuis les accords d'Oslo, les Européens sont marginalisés car Israël ne fait confiance qu'aux États-Unis pour défendre ses intérêts et les États arabes se sont désintéressés du sort des Palestiniens.


Par « l’effet papillon », ce qui se passe là-bas a un écho en Europe, mobilisant les personnes se sentant concernées soit par le sort des Juifs soit par celui des Palestiniens et risquant de nous soumettre à une nouvelle vague d'attentats.


Frédéric Bourquin


* « Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples ». Réflexion du Général de Gaulle se rendant en 1941 en Syrie (mandat français à l'époque) où s'affrontaient des Français vichystes et Français gaullistes appuyés par des Britanniques.

** Dans ce texte, le terme de Palestine est entendu dans son sens géographique et historique ; il recouvre Israël, les territoires occupés par Israël et les territoires administrés par les Palestiniens (Cisjordanie et Gaza).

*** Le mandat consistait, pour la S.D.N puis ultérieurement, pour l'O.N.U (sous le nom de tutelle) à confier l'administration d'un territoire à un État en attendant que sa population soit jugée apte à se gouverner elle-même. Ce statut n'existe plus depuis l'indépendance de la Namibie.

**** Il prévoyait la reconnaissance de l’État d'Israël par l'O.L.P et l'établissement de l'Autorité palestinienne, embryon d’État palestinien.

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