Le glyphosate fait à nouveau débat
Qu’est-ce que le glyphosate ?
Le glyphosate est une molécule utilisée dans des herbicides, et surtout le Roundup de Monsanto (aujourd’hui Bayer). Fonctionnant par pulvérisation, le glyphosate tue l’ensemble des plantes, qui l’absorbent jusqu’aux racines. Devenue inactive une fois au sol, la molécule permet de semer ou de replanter rapidement. Son utilisation répandue est due à deux causes principales : son prix peu élevé au regard de son efficacité et son utilisation une seule fois par an. Le glyphosate est utilisé, en agriculture, pour éliminer les végétaux des parcelles avant semis et sans travailler le sol, ou pour détruire la flore difficile : plantes vivaces, invasives, allergènes ou toxiques. Obtenir des résultats comparables nécessiterait pour l’essentiel d’utiliser davantage d’autres produits, de temps et de main d’œuvre. Produit uniquement par Monsanto dans un premier temps, sous le nom commercial de Roundup, il est depuis 2000 tombé dans le domaine public.
Source : Toute l’Europe
L’impact du glyphosate sur la santé
La question des impacts du glyphosate sur la santé est au cœur de nombreux débats et d’études contradictoires. L’herbicide Roundup, est accusé d’entraîner des troubles parfois graves. Le glyphosate est considéré comme « cancérogène probable » chez l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).
En 2015, The Lancet a souligné que le glyphosate pourrait également être à l’origine du cancer lymphatique (du sang) et avoir des effet délétères sur les organes chargés de détoxifier l’organisme, tels les reins et le foie.
En 2016 toutefois, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que ce caractère cancérogène du glyphosate était improbable.
La Mutualité sociale agricole (MSA) a pour sa part mis en lumière la maladie de Parkinson et le cancer lymphatique comme les deux maladies professionnelles découlant de l’utilisation de pesticides, mais sans incriminer le glyphosate seul. D’autres études ont tenté d’écarter les dangers du glyphosate, mais la révélation des « Monsanto Papers* » a durement impacté la crédibilité et l’indépendance de certaines d’entre elles.
Au-delà de la santé humaine, une étude menée en 2018 par l’université du Texas a conclu qu’à l’instar des néonicotinoïdes, le glyphosate serait aussi responsable d’une hausse de la mortalité au sein des colonies d’abeilles.
En 2017, l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) a remis aux ministres concernés un rapport** sur les usages et les alternatives au glyphosate dans l’agriculture française. Il propose notamment des mesures d’accompagnement de la transition vers des systèmes de production sans glyphosate.
Les enjeux
La question de l’interdiction du glyphosate divise. Les agriculteurs français, ainsi que leur principal syndicat, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), considèrent que le risque sanitaire n’est pas réellement avéré et permet par ailleurs d’améliorer leur rendement.
Au niveau politique, la Commission européenne a renouvelé en 2017 l’autorisation d’utiliser la molécule pour cinq ans, puis l’a prolongée d'un an jusqu’au 15 décembre 2023. Le procès gagné contre Monsanto aux États-Unis par le jardinier Dewayne Johnson ainsi qu’en France, l’attaque d’une famille contre Monsanto après que leur fils Théo soit né avec de graves malformations maintiennent les questionnements et les appels à la prudence sur le glyphosate. Cependant il faut noter que la toxicité du « Roundup », est principalement liée aux additifs qui sont ajoutés au glyphosate afin de fixer le produit sur les feuilles des plantes pour qu’il soit absorbé et non au glyphosate lui-même. La bataille pourrait donc bien se déplacer du glyphosate aux additifs dans les mois prochains.
En France, en novembre 2017, le président de la République française voulait arriver à une interdiction du glyphosate en 2021. Mais la concrétisation de cette promesse, dans un pays agricole comme la France qui est un gros consommateur de ce désherbant, n'est pas si simple. L’Assemblée nationale a refusé, en mai 2018, d’inscrire son interdiction dans la loi. Néanmoins, en matière d'usages non agricoles, l'utilisation du glyphosate par les particuliers et par les collectivités dans les espaces ouverts au public est interdite en France depuis le 1er janvier 2017.
Aujourd’hui la Commission propose de reconduire pour dix ans l’autorisation du glyphosate dans l’Union européenne, elle l’a toutefois assorti de quelques garde-fous comme la mise en place de ‘bandes tampons’ de cinq à dix mètres pour éviter la contamination des champs proches ou l’interdiction de l’utiliser comme moyen de déshydratation accélérée de la plante afin d’en faciliter la récolte.
Pour le reste, charge à chaque Etat d’autoriser à leur échelle les produits contenant du glyphosate, en fixant les règles d’utilisation selon les cultures, conditions climatiques et spécificités géographiques locales. La balle leur est également renvoyée quant à la nécessité d’apporter une attention particulière aux effets sur l’environnement et la biodiversité, ou encore d’évaluer l’exposition des consommateurs aux résidus. Autrement dit, une autorisation sur une longue durée sans réelles contraintes pour les états.
L’avenir
Les Etats membres de l'UE réunis au sein du comité permanent sur les végétaux (Scopaff), une instance technique, ne sont pas parvenus à s'entendre sur la proposition de Bruxelles de reconduire l'autorisation du glyphosate. La majorité qualifiée, soit quinze Etats représentant au moins 65 % de la population totale de l'UE, requise pour un feu vert, n'a pas été atteinte.
Les Vingt-Sept sont donc appelés à se revoir, dans un mois. Si ils ne parviennent pas à s'entendre, c'est la Commission qui tranchera. Si le glyphosate obtient un nouveau « go » au niveau de l'UE, chaque Etat restera chargé d'autoriser les produits qui en contiennent.
De nombreux pays de l'Est, emmenés par la Pologne, et des pays du sud de l'Europe attendent fermement le renouvellement du désherbant. A l'inverse, d'autres comme l'Autriche et le Luxembourg avaient indiqué qu'ils voteraient contre le projet. En s'abstenant, l'Allemagne, dont la coalition au pouvoir est divisée, et la France, première puissance agricole du bloc, ont donc fait pencher la balance. La proposition de la Commission européenne a été jugée insatisfaisante par Paris, qui prône une approche selon laquelle l’usage du glyphosate doit être restreint aux seuls usages pour lesquels il n’existe aucune alternative viable. « La France demande que cette démarche soit harmonisée au niveau européen », a souligné le ministère de l’Agriculture. Reste à voir si Paris parviendra à orienter dans cette direction le débat qui s’ouvre à la Commission européenne.
Pour proposer de la reconduire jusqu'en décembre 2033, l'exécutif européen s'est, lui, appuyé sur les conclusions publiées en juillet par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Tout en pointant du doigt un manque de données, le régulateur a estimé que le niveau de risque ne justifiait pas d'interdire la substance.
Une position qui ne fait pas l’unanimité. Au sein des associations de défense de l'environnement Greenpeace a appelé « le gouvernement français à s'opposer fermement à la ré-autorisation du glyphosate dans l'Union européenne, « en raison de ses probables impacts sur la santé humaine et l'environnement ».
* « Monsanto papers » : L’enquête du « Monde » sur les pratiques de la firme Monsanto a rencontré en 2017 un grand écho dans le débat public : Manipulation de données scientifiques, dissimulation d’informations aux autorités, rémunération de spécialistes pour rédiger des tribunes et études scientifiques favorables (ghostwriting), opération de propagande, menaces et intimidation de scientifiques et d’organisations publiques chargées d’étudier le cancer…,
** Rapport de l'Irae https://www.inrae.fr/actualites/usages-alternatives-au-glyphosate-lagriculture-francaise
Isabelle ROUSSY
Source principale : Toute l'Europe
Comentarios