Le retour au réel
Pendant des décennies, les États de l’Union européenne ont bénéficié des « dividendes » de la paix. La chute du « Rideau de fer », le retrait des forces russes des pays d’Europe centrale et orientale, l’implosion de l’U.R.S.S ont fait penser que le spectre d’un conflit s’éloignait de l’Europe. Il y a eu le rappel à l’ordre de la guerre civile en ex-Yougoslavie mais l’Europe, incapable d’éteindre l’incendie, s’est reposée sur les Américains qui ont imposé les accords de Dayton (1995) tandis que l’OTAN en finissait avec le nationalisme serbe (1999).
Chacun est retourné à ses affaires, trop content de pouvoir rogner sur les budgets militaires et de profiter du gaz russe en abondance.
L’Allemagne est allée très loin dans cette voie et la Bundeswehr est devenue l’ombre d’elle-même. Seules, la France et la Grande-Bretagne ont maintenu une capacité d’envoyer des corps expéditionnaires au Moyen-Orient et en Afrique. Mais l’idée d’une guerre « classique » de haute intensité avec artillerie, chars et infanterie n’était plus dans les plans des États-majors.
Les alertes en Tchétchénie, en Géorgie, dans le Donbass et en Crimée n’ont pas remis en cause l’idée générale qu’un conflit n’était plus d’actualité en Europe.
Le réveil a été brutal en février 2022 mais, dans un premier temps, nous avons été satisfaits que les Américains prennent en charge une part importante du soutien à l’Ukraine contre l’agression russe. Deux ans plus tard, les États-Unis, déchirés par une guerre civile « froide » entre Démocrates et Républicains suspendent leurs livraisons aux Ukrainiens ; les Européens sont incapables de leur fournir en quantités suffisantes les armements et les munitions. Pendant deux ans, ils ont tergiversé pour livrer ce qu’ils avaient et maintenant que les stocks sont vides, leur industrie n’est toujours pas en mesure de produire suffisamment.
Est-ce que l’Union européenne va enfin avoir une puissance militaire à la hauteur de sa puissance économique ? Dans ce monde brutal où le shérif américain se retire dans son ranch, l’Europe doit désormais assurer sa sécurité et celle de ses abords.
F. Bourquin, président de la Maison de l’Europe de Nîmes
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