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Royaume-Uni : La défaite de Liz Truss est la défaite du Brexit

En 45 jours, « Liz Truss a réussi à enterrer la reine, à enterrer la livre sterling et à enterrer le parti conservateur », ironise Dominique de Villepin, « elle paie une addition qui la dépasse ».


En démissionnant le 20 octobre, Liz Truss enterre l’un des mythes constitutif du Brexit, celui aussi d’une certaine identité britannique depuis plus d’un quart de siècle, celui du thatchérisme alors entravé par le carcan européen de Bruxelles, désormais libéré pour donner sa pleine mesure.


Liz Truss - source : wikipedia


L’expérience d’un thatchérisme pur n’aura duré que 43 jours, comme le reconnaissait « baby Thatcher » : « Nous avons défini une vision pour une économie à faible taux d’imposition et à forte croissance – qui tirerait parti des libertés du Brexit (…). Je reconnais cependant que, compte tenu de la situation, je ne peux pas réaliser le mandat pour lequel j’ai été élue ».

Cette fois, ce n’est pas Bruxelles, mais les marchés financiers qui n’ont pas reconnu la voie « néo-thatchériste » comme sortie par le haut du Brexit. Le plan de Liz Truss dévoilé fin septembre prévoyait notamment la suppression de l’impôt sur le revenu sur les hautes tranches, au profit des plus riches, soit une perte d’environ 50 milliards de livres pour le trésor britannique, financé par de la dette et une coupe drastique des contributions à la sécurité sociale.

Cette promesse a semé la panique sur les marchés financiers.

Son départ de Downing Street plonge un peu plus encore l’économie du pays dans la crise et l’inconnu.


C'est la pire crise économique des 40 dernières années à laquelle est confronté le Royaume-Uni. Poussée par les prix de l'alimentation, l'inflation britannique a atteint un sommet en septembre, à 10,1% sur un an. La livre sterling a atteint le plus bas taux de son histoire, presque à parité avec le dollar américain. La Bourse de Londres a perdu 5 %. Le prix des hypothèques, lui, a augmenté considérablement. En revanche les salaires n’ont augmenté que de 5% en moyenne. En conséquence, deux fois moins rapide que le rythme de l’inflation. Et si l’on en croit Philippe Chalon, secrétaire général du think tank Cercle d’outre-Manche, « la crise ne vient pas de la guerre en Ukraine ou de la déconfiture du gouvernement, mais du Brexit, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le 1er février 2020, ce qui a profondément changé la donne »


Source : economie.gouv.fr


Plus que l’échec personnel de Liz Truss, c’est l’impossibilité de faire du Brexit un succès qui est en cause aujourd’hui dans la crise politique britannique.

Les six dernières années ont montré que les électeurs britanniques ont sans doute commis une grave erreur en votant « oui » lors du référendum de 2016. Ils ont adhéré majoritairement à un projet idéologiquement séduisant, « reprendre le contrôle » selon le slogan des « Brexiteurs » mais qui a du mal à coller avec la réalité du pays, et du monde.

Le Brexit l’a emporté sur une double illusion : celle du slogan mensonger sur les bus londoniens, qui promettait de réinjecter dans le système de santé les sommes faramineuses censées être versées à l’Union européenne.

L’autre illusion était celle de vouloir créer une place financière déréglementée qui attirerait les capitaux repoussés par la bureaucratie bruxelloise. L’illusion a été plus grande encore, car elle reposait d’abord sur une mauvaise lecture du monde, et s’est heurtée à deux chocs imprévus, la Covid et la nouvelle guerre froide - ou chaude - selon les régions.

Dès lors, les premiers ministres conservateurs se sont évertués à faire fonctionner un plan irréaliste, incapables de reconnaitre qu’ils se sont trompés.

Les indicateurs sont tous en berne : le Royaume Uni fait moins bien que tous les pays comparables placés dans les mêmes circonstances ; et il n’y a qu’une seule explication possible : le Brexit.


Et après ?

L'ancien ministre des Finances britannique, ancien banquier et « Brexiter » de la première heure, Rishi Sunak, devient le troisième Premier ministre en moins de deux mois.


Rishi Sunak, le nouveau Premier ministre britannique - Crédits : Pippa Fowles, n° 10 Downing street


La Commission européenne a appelé le 28 octobre Rishi Sunak à pleinement respecter les accords conclus avec l'UE après le Brexit, notamment les dispositions douanières en Irlande du Nord.

"En ces temps difficiles pour notre continent, nous comptons sur une relation solide avec le Royaume-Uni pour défendre nos valeurs communes, dans le plein respect de nos accords", a insisté Ursula von der Leyen, dans un tweet de félicitation.

En effet, L'ancien premier ministre Boris Johnson était revenu sur le texte clé de l'accord de Brexit, le protocole nord-irlandais, signé et ratifié par les deux parties, et avait remis en cause de manière unilatérale le statut douanier post-Brexit de l'Irlande du Nord. Mais le cas de Belfast n’est pas son seul problème. Il hérite d’une économie en plein désarroi, de nombreuses grèves en perspective, une crise énergétique imminente et un système de soins de santé sous tension. Dans son premier discours, il a promis de « réparer les erreurs » de Liz Truss, et de restaurer « le professionnalisme, l’intégrité et la responsabilité » à Downing Street.

Isabelle ROUSSY

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