Sécurité et défense : qu'est-ce que la boussole stratégique de l'Union européenne ?
- ciednimes
- 25 janv. 2022
- 4 min de lecture
Assurer la protection des Européens face à la multiplication des menaces dans le monde : c’est l’ambition de la boussole stratégique, un “livre blanc” visant à définir les grandes orientations de la sécurité et de la défense européennes jusqu’en 2030.

Le projet de boussole stratégique prévoit par exemple la création d'une "Capacité de déploiement rapide de l'Union européenne" qui compteraient jusqu'à 5 000 militaires - Crédits : Lukasz Kobus / Commission européenne
“Notre analyse des menaces globales montre clairement que l’Europe est en danger”. Le constat du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, est sans appel.
Pour le diplomate en chef de l’UE, et plus généralement pour les 27 Etats membres de l’Union européenne, il n’est aujourd’hui plus possible de faire l’économie d’une définition claire des menaces pesant sur l’Europe et des moyens pour les prévenir et les combattre.
Pourquoi l’Union européenne se dote-t-elle d’une boussole stratégique ?
La dernière feuille de route en termes de sécurité et de défense, appelée “Stratégie globale”, date de 2016. Mais en plus de cinq ans, les choses ont bien changé.
Plusieurs facteurs portent en effet atteinte à la place de l’Europe dans le monde. Son poids dans l’économie et la démographie de la planète recule. Son influence est contestée par un nombre croissant de puissances. Une contestation qui se manifeste en particulier dans le voisinage immédiat de l’UE à l’est du continent, où la Russie, la Chine et la Turquie essayent d’asseoir leurs positions. Et de plus en plus souvent, des acteurs étatiques ou non s’en prennent aux intérêts européens par le biais de techniques dites hybrides (cyberattaques, désinformation…), livrant ainsi des guerres incomplètes ou qui ne disent pas leur nom. L’instrumentalisation de demandeurs d’asile par la Biélorussie à sa frontière polonaise en 2021 en est un exemple frappant.
Recalibrer la doctrine militaire de l’UE apparaît donc essentiel pour Josep Borrell, qui alerte sur le risque de “rétrécissement stratégique” de cette dernière. Pour protéger ses citoyens, l’UE doit ainsi être en mesure d’identifier avec précision les périls qui guettent son avenir et être à même de répondre efficacement à ses ennemis.
Que contient-elle ?
La boussole stratégique présentée en novembre 2021 est articulée autour de quatre piliers.
Le premier pilier concerne la gestion de crise afin d’améliorer la capacité de réaction rapide des Européens face aux situations d’urgence. Parmi les mesures proposées, celle qui a fait le plus couler d’encre consiste en la création d’une “Capacité de déploiement rapide de l’Union européenne”, à savoir 5 000 militaires mobilisables lorsque les circonstances l’exigeraient et qui agiraient sous drapeau européen.
La deuxième dimension concerne la résilience. Face aux menaces hybrides, l’objectif est de mettre en œuvre les moyens de s’en prémunir et d’y répondre. A cet effet, une “boîte à outils” de l’UE face aux menaces hybrides doit être mise en place, pour que les Etats membres puissent collectivement y faire face, en faisant appel aux instruments qui existent déjà et en en créant d’autres. Ce même pilier couvre aussi la sauvegarde des intérêts européens en matière de sécurité en mer et dans l’espace.
Le troisième volet du projet de boussole stratégique est lié au développement des capacités : augmenter les investissements dans les industries militaires clés pour agir sur ciel, mer, terre, espace et cyberespace. Encourager par des financements conséquents la recherche dans les technologies disruptives, et réduire ainsi les dépendances vis-à-vis des autres puissances, est une piste soutenue dans le document.
Enfin, le quatrième pilier vise à renforcer les partenariats des Européens pour améliorer la portée de l’action de l’UE en matière de sécurité et de défense. Des coopérations qui concernent des organisations internationales, telles que l’Otan, l’OSCE ou encore l’Union africaine, ou bien des pays seuls tels que les Etats-Unis et le Canada.
Ces quatre piliers ont ainsi vocation à renforcer l’autonomie stratégique de l’UE.
Comment est-elle élaborée ?
En juin 2020, les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept ont confié la rédaction de la boussole stratégique au Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Placé sous l’autorité du haut représentant Josep Borrell, il a réalisé une analyse des menaces de l’UE, achevée en novembre 2020 .Ce document, classé secret, a été écrit en collaboration étroite avec les services de renseignement des Etats membres.
Le SEAE, en collaboration avec les pays de l’UE, a rédigé l’analyse des menaces. Par ce travail il s’est ainsi assuré du soutien de tous et a pu tenir compte des différentes sensibilités nationales en matière de sécurité et de défense.
Quand deviendra-t-elle réalité ?
Maintenant que la première version de la boussole stratégique a été présentée en novembre aux ministres des Affaires étrangères et de la Défense, les discussions se poursuivent entre Etats membres pour apporter leurs modifications. L’adoption finale du texte doit être effectuée par les chefs d’Etat et de gouvernement lors du Conseil européen des 24 et 25 mars à Bruxelles, l’un des principaux rendez-vous se déroulant pendant la présidence française du Conseil de l’UE (PFUE).
Le contenu de cette boussole ne sera pas gravé dans le marbre : il pourra être mis à jour en fonction de l’évolution des menaces et des réponses à y apporter. Mais quelle que soit sa trajectoire, ce document vise à devenir une référence pour la sécurité et la défense de l’UE.
Source : toute l’Europe
10.01.2022 par Boran Tobelem
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