Tribune: Le rat des villes et le rat des champs
Y-a-t-il deux Europe ? Celle des villes et celles des champs ? Quelques élections emblématiques récentes semblent montrer une divergence croissante des votes entre les électeurs des grandes villes et les autres.
En Europe centrale et orientale, Prague, Varsovie, Budapest, Bratislava ont voté contre les partis populistes au pouvoir ou associés à celui-ci. Cela va jusqu'à la constitution d'une « Alliance des villes libres » s'opposant aux gouvernements de leurs pays (voir dans cette Lettre l'article « Vers un bloc contre-populiste centre-européen?», qui développe ce sujet).
A Moscou et à Istanbul, l'opposition a remporté les élections municipales en 2019 au détriment des partis nationalistes qui soutenaient respectivement Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdoğan. Londres a voté massivement contre le Brexit en 2016.
Bien sûr, il faut se garder de toute généralisation hâtive mais les grandes villes européennes semblent plus hermétiques au nationalisme; elles profitent d'une économie ouverte et s’accommodent d'une société multi-culturelle. Mais cela montre aussi que certaines banlieues, petites villes et campagnes n'ont pas assez profité de l'Europe et ont souffert de la concentration de l'activité économique et culturelle dans les grandes métropoles. Les habitants de ces « zones périphériques » ne reconnaissent plus leur pays qui change trop rapidement et dans un sens qu'ils ne souhaitent pas toujours; ils ont l'impression d'être exclus du festin. La tentation est alors grande d'écouter les tenants d'une fermeture, d'un retour vers le passé. Or, il existe des petites villes qui tirent leur épingle du jeu grâce à la mise en valeur de leurs atouts.
Faire en sorte que le rat des villes et le rat des champs puissent rester ensemble autour de la même table, tel est l'un des défis des prochaines années!
Frédéric Bourquin, président de la Maison de l'Europe de Nîmes
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