Ukraine : Instruments de protection des populations civiles
Devant les exactions constatées sur la population en Ukraine, on parle de crimes de guerre, de tribunal international, de poursuite des criminels. Quels sont les instruments juridiques et les procédures pour poursuivre et juger les présumés criminels ?
Un peu d’histoire : les conventions de Genève (1864, 1949, 1977) protègent chronologiquement les blessés, les malades, le personnel soignant, les prisonniers et les populations civiles.
Si les organisations internationales, ONU en tête, ont établi des traités pour mettre la guerre hors-la-loi, ces règles ont été mises en place pour -tenter de- laisser un espace pour un peu d’humanité dans le chaos de la guerre. Elles constituent le droit humanitaire international.
Entre temps, les horreurs de la seconde guerre mondiale ont entrainé la création du tribunal de Nuremberg puis du tribunal de la Haye.
Tribunaux de Nuremberg (1945) et de Tokyo (1946)
Les crimes commis durant la Seconde Guerre mondiale par les nazis et les Japonais constituent les premiers crimes internationaux jugés comme tels. Le premier tribunal est celui de Nuremberg, créé par les Accords de Londres du 8 août 1945, qui établit la jurisprudence des notions de crimes contre la paix, crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.
La Cour pénale internationale à la Haye
Source : Wikipédia
La Cour pénale internationale de la Haye (2002) juridiction pénale internationale permanente à vocation universelle est chargée de juger les personnes accusées de crimes contre la paix, de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.
123 États sur les 193 États membres de l'ONU acceptent la compétence de la CPI (dont tous les États de l'Union européenne). Ce n’est le cas ni de la Russie ni des Etats-Unis.
Ces deux juridictions ainsi que les conventions de Genève définissent plusieurs notions juridiques dont on en parle aujourd’hui pour l’Ukraine. De quoi s’agit-il ?
Crime d’agression ou crime contre la paix : est le recours illégal à la guerre reconnu comme tel par le Conseil de sécurité de l’ONU. L'article 39 de la Charte des Nations unies prévoit que « le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux Articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales »
Les personnes visées par des poursuites sont alors les dirigeants et hauts responsables du pays agresseur, Poutine et son état-major dans le cas présent.
Le crime de guerre est une violation d'une gravité particulière des lois et coutumes de la guerre codifiées par les conventions de Genève.
Ceci inclut principalement les cas où une des parties en conflit s'en prend volontairement à des objectifs non militaires, aussi bien humains que matériels c’est-à-dire les civils, les prisonniers de guerre et les blessés, les hôpitaux, les habitations ; l’utilisation d’armes prohibées qui frappent sans discrimination : bombes à fragmentation, mines antipersonnel, armes chimiques, bactériologiques et nucléaires (depuis 2021). Les actes interdits sont notamment les meurtres, mutilations, traitements cruels et actes de torture, prises d'otages, pillages, viols, l’enrôlement des enfants…
Habitations bombardées
Crime contre l’humanité: En 1945, le tribunal de Nuremberg a ajouté une nouvelle incrimination de crime contre l'humanité.
À la différence du crime de guerre, le crime contre l'humanité peut être proféré en temps de guerre comme en temps de paix. Il cible une population dans son ensemble, et ce quelles que soient les nationalités des civils. Il se traduit par des actes barbares et interdits, comme des violences sexuelles, de la torture, des persécutions, des déportations de population ou l’esclavage et les exécutions.
En règle générale, le responsable des crimes contre l'humanité est généralement l'État ou des forces armées ou paramilitaires. Tandis que pour les crimes de guerre, toute personne ayant commis un des actes prohibés est considérée comme responsable. Dans les deux cas, ils constituent des crimes imprescriptibles qui peuvent être jugés par les tribunaux nationaux ou internationaux.
Agence de coopération judiciaire européenne Eurojust à la Haye
crédits Eurojust
Rôle de l’UE et des instances internationales
Jamais jusqu’à présent la décision d’établir l’existence et de punir les exactions causées pendant une guerre n’a été aussi rapidement mise en place. Dès le 2 mars, la Cour pénale internationale a lancé les procédures nécessaires. Le 8 avril 2022, l’Union européenne a annoncé mettre à disposition tous les moyens en sa possession pour participer aux enquêtes ouvertes pour crimes de guerre par l’Ukraine.
Parmi ces outils, l’agence de coopération judiciaire européenne Eurojust basée à la Haye (Pays-Bas) regroupe les Etats membres de l’UE, mais également des pays partenaires comme l’Ukraine. Depuis sa création en 2002, elle a pour mission de coordonner les Etats membres face au crime organisé, au trafic de drogue, au trafic d’êtres humains, au blanchiment d’argent et d’apporter un soutien logistique et financier aux enquêtes menées par les Etats membres et associés. Elle ne peut en revanche ni recueillir ni conserver elle-même des éléments de preuves, or en période d’hostilités, il est impossible de conserver les éléments de preuve en toute sécurité en Ukraine.
Le 25 mai 2022, le Conseil a officiellement adopté de nouvelles règles permettant à Eurojust de traiter, d’analyser et de partager des preuves relatives à des crimes de guerre, en collaboration avec Europol, ainsi que de les conserver.
Soyons réalistes. Est-ce que Poutine et ses officiers vont se retrouver devant un tribunal, on peut en douter … mais face à une volonté générale des pays occidentaux, les poursuites et les procès des militaires responsables d’atrocités ne font que commencer.
Isabelle Roussy
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