Vignette : L’Union européenne et les États-Unis
Le moins qu’on puisse dire, c’est que les relations entre ces deux grands ensembles n’ont pas été un long fleuve tranquille ces dernières années. L’élection inattendue de Donald Trump y a été pour beaucoup, naturellement, et le retour à la tête des États-Unis d’un homme politique non seulement responsable mais même à certains égards visionnaire, permettait d’espérer un retour à la normale.
D’une certaine manière, c’est ce qui se produit puisque l’invasion de l’Ukraine remet au premier plan l’OTAN, dont on a pu croire et même dire qu’il avait disparu de la scène. Or l’OTAN, c’est depuis sa création, et c’est encore aujourd’hui, une initiative des États-Unis, mais les derniers évènements indiquent que les États signataires du Traité, en particulier européens, sont amenés à y jouer un rôle croissant. Quelle que soit l’issue de l’agression russe en Ukraine, il est clair non seulement que la guerre froide est de retour -et ce depuis déjà quelques années- mais que le risque de la voir se réchauffer augmente chaque jour.
Indépendamment de la situation militaire et de l’angoisse extrême qu’elle suscite, le hasard fait qu’au même moment, les États-Unis et l’Union européenne viennent, le 25 mars, de finaliser les premières lignes d’un accord de principe que certains appellent « du gaz contre des données ». Deux premières négociations sont restées inabouties, en 2015 et 2020, car les autorités de contrôle de ce côté-ci de l’Atlantique avaient considéré que les règles européennes de protection des données n’étaient pas suffisamment respectées. On ne s’en étonnera pas, en considérant que le deuxième round de ces négociations avait été mené sous le mandat de Trump, dont on connaît la considération qu’il accordait à l’Europe.
Il en va différemment avec Joe Biden. Dès son élection le nouveau président a restauré, quoi qu’on en dise, une forme de multilatéralisme dans laquelle le partenaire européen retrouve toute sa place. Du coup, on peut espérer, ou du moins supposer, que ce nouvel accord, qui doit encore être précisé au cours des semaines à venir sera plus respectueux des principes européens, qui opposent régulièrement des obstacles à l’appétit insatiable des plateformes numériques pour obtenir toujours plus de données. Rappelons d’ailleurs qu’il ne s’agit que d’un accord « de principe ».
Mais la question qui se pose est simplement : pourquoi fallait-il rechercher cet accord, qui va, à n’en pas douter, susciter des discussions acharnées dont l’issue est encore incertaine ? Deux raisons à cela. La première, c’est qu’il fallait de toute façon réguler la présence des grandes plateformes -les GAFAM, bien sûr, mais pas seulement- faute de quoi les données continueraient de toute façon à circuler de façon anarchique et surtout problématique pour les libertés individuelles. La deuxième c’est que cet accord prévoit effectivement que les Européens pourront désormais acheter aux États-Unis une partie du gaz dont nous continuerons encore à avoir besoin en Europe, même à titre d’énergie de transition. Or l’urgence à très court terme, c’est de se libérer de la dépendance au gaz russe.
Cette équation étant posée, le résultat apparaît comme une évidence même si cette évidence ne doit à aucun moment faire oublier que la vraie transition dont nous avons besoin, ce n’est pas le gaz qui nous la fournira, mais bien le recours aux énergies décarbonées.
Jean-Luc BERNET
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