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Avril 1966 : En marche vers la fusion des exécutifs communautaires

A l'occasion des 50 ans de la Maison de l'Europe, un article de notre Lettre Europe sera dédié à un événement qui s'est déroulé il y a 50 ans, en 1966, mois par mois. Voici ce qu'il s'est passé en Mars 1966.

Par Frédéric Bourquin,

Président de la Maison de l'Europe de Nîmes

Le mois d’avril 1966 voit la ratification par les parlements de la Belgique (le 5 avril) et de l’Italie (le 29 avril) du traité de Bruxelles. Ce traité avait été signé par les gouvernements le 8 avril 1965 et avait déjà été ratifié par les parlements de la France (le 26 juin 1965) et de l’Allemagne (le 30 juin 1965). Donc il ne restait plus à venir que les ratifications des parlements du Luxembourg (qui aura lieu le 30 juin) et des Pays-Bas (qui interviendra le 25 octobre). En résumé, en ce mois d’avril 1965, les parlements de la majorité des Etats membres et des plus importants avaient accepté ce traité. D’ailleurs, l’entrée en vigueur officielle aura lieu le 1er juillet 1967.

Mais qu’est-ce que ce traité de Bruxelles ?


Ce traité proposait de fusionner les institutions des 3 Communautés :

  • La Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (C.E.C.A.) créée par le traité de Paris du 18 avril 1951 ;

  • La Communauté Economique Européenne (C.E.E.) et la Communauté Européenne de l’Energie Atomique (C.E.E.A. ou Euratom) créées par le traité de Rome du 25 mars 1957.

Rappelons que la France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg étaient, à l’époque, les Etats fondateurs et uniques membres de ces trois organisations.



LE CONTEXTE HISTORIQUE


Le projet de fusion des institutions des trois Communautés intervient dans un climat politique européen difficile. Le général de Gaulle est au pouvoir en France depuis 1958. Il respecte la lettre des traités communautaires mais refuse toute évolution vers la supranationalité. Pour lui, l’Europe doit être celle des patries et sauvegarder la souveraineté des Etats. Les exécutifs communautaires (Commissions de la C.E.E et de l’Euratom, Haute Autorité de la C.E.C.A.) doivent, de son point de vue, être subordonnés aux gouvernements et ne servir que de secrétariats techniques. D’ailleurs, son projet d’union politique de 1962 (plan Fouchet, du nom du président français du groupe de travail l’ayant élaboré) cantonnait les exécutifs communautaires dans ce rôle secondaire.

Ce plan fut repoussé vigoureusement par nos partenaires (17 avril 1962) qui avaient une vision plus supranationale de l’organisation de l’Europe.

Une deuxième source d’irritation s’ajouta lorsque De Gaulle repoussa la candidature britannique aux Communautés au cours d’une conférence de presse (14 janvier 1963), sans même consulter nos partenaires, partisans de cette adhésion.

Dans le domaine institutionnel, nos partenaires étaient demandeurs d’une fusion des institutions mais également d’un renforcement des pouvoirs du Parlement européen et d’une élection de ce dernier au suffrage universel direct. La fusion était censée rationaliser le fonctionnement des Communautés tandis que l’élection au suffrage universel direct devait renforcer la légitimité démocratique d’un Parlement dont les pouvoirs étaient augmentés par ailleurs.

La France refuse le principe de l’élection de « l’Assemblée parlementaire européenne » (Le nom de Parlement européen est récusé par le gouvernement français) au suffrage universel comme étant une dérive supranationale inadmissible. Elle est également hostile à des institutions uniques.

Pour calmer le jeu, elle accepte finalement la fusion des exécutifs moyennant la fusion des traités. Elle espère ainsi supprimer l’aspect supranational du traité de Paris qui régit la C.E.C.A. (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier) et liquider l’Euratom qui limite (un peu !) la souveraineté nucléaire de la France.

Le Conseil des ministres des 6 pays adopte le 23 septembre 1963 le principe de la fusion des exécutifs comme première étape d’une fusion des traités.



CONTENU DU TRAITE


Le traité qui avait été signé à Bruxelles le 8 avril 1965 n’entre en vigueur que le 1er juillet 1967 après ratification par les parlements des Etats membres :

  • Il instaure une Commission unique de quatorze membres, ramenée au terme de trois ans à neuf membres. Elle remplace les Commissions de la C.E.E, de la C.E.E.A. (Euratom) et la Haute Autorité de la C.E.C.A. qui comprenaient chacune 9 membres. Cette Commission unique prend ses fonctions au 1er juillet 1967 sous la présidence du belge Jean Rey ; c’est une occasion, pour la France, de se débarrasser du remuant président Walter Hallstein qui était à l’origine de la crise de la chaise vide (faire un lien vers le compromis de Luxembourg) !

  • Il crée un Conseil des ministres unique, avec une composition variable selon des sujets (Agriculture, affaires étrangères, industrie, etc…). Le Conseil spécial des ministres de la C.E.C.A. disparaît.

  • Il officialise le Comité des Représentants permanents (CO.RE.PER), qui réunit les ambassadeurs des pays membres pour préparer les décisions du Conseil, en tant qu’institution à part entière. Ce comité existait d’une façon informelle depuis la création de la C.E.E.

  • Il maintient le Comité consultatif de la C.E.C.A. qui reste la seule institution spécifique à la C.E.C.A., en raison de son mode de désignation original et différent de celui du Comité Economique et Social. En effet, en son sein sont associés des représentants des producteurs, des travailleurs et des négociants et utilisateurs de charbon et d’acier. Il ne disparaîtra que lors de l’arrivée à échéance (2002) du traité de Paris régissant la C.E.C.A.

  • Il unifie la procédure d’élaboration du budget en donnant au Conseil le pouvoir de décision finale.

La répartition des compétences en fonction des traités reste identique, sauf en matière financière. Par exemple, lorsque la Commission unique se réunit au titre de la C.E.C.A., elle exerce les pouvoirs de l’ancienne Haute autorité.

Le débat sur le siège de ces institutions ressurgit. Finalement, Bruxelles est choisie provisoirement. Luxembourg, qui perd la Haute Autorité, gagne l’installation de la Banque Européenne d’Investissement, le service statistique et l’Office des publications. De plus, le Conseil des ministres y siègera trois mois par an.

La fusion des traités était prévue au 1er janvier 1970 mais elle n’aura finalement pas lieu. Il faut rappeler que depuis la création de la C.E.E. et de l’Euratom par les traités de Rome (25 mars 1957), l’Assemblée parlementaire et la Cour de justice étaient communes aux trois Communautés.

En définitive, malgré la tension entre la France et ses partenaires, une réforme non négligeable des institutions communautaires est mise en place. Elle se traduit néanmoins par un recul de la supranationalité (non-transfert des particularités supranationales de la Haute Autorité vers la Commission unique) au profit de la méthode intergouvernementale (Poids accru du COREPER).

Le traité de Bruxelles sera abrogé par le traité d’Amsterdam (signé le 2 octobre 1997 et entré en vigueur le 1er mai 1999) qui en intègre les éléments.



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