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L’euro fête ses 20 ans


L'euro a été créé le 1er janvier 1999 mais, dans le grand public, cela est passé inaperçu car il s'agissait alors d'une monnaie purement scripturale, utilisée seulement pour des règlements entre banques et institutions financières. Certes, les relevés de comptes bancaires, les étiquettes indiquaient déjà la contrevaleur en euros mais cette nouvelle monnaie n'avait pas de réalité tangible puisqu'on continuait à payer en francs, marks, lires, etc...

Ce n'est que le 1er janvier 2002 que nous avons utilisé des billets et des pièces en euro. C'est maintenant la monnaie officielle de 19 Etats membres de l'Union européenne (voir la carte ci-dessus) et de 6 Etats non membres (Andorre, Kosovo, Monaco, Monténégro, St Marin, Vatican); 3 devises européennes (couronne danoise, lev bulgare, franc suisse) sont liées à l'euro ainsi que les devises de plusieurs Etats africains (notamment le franc C.F.A.) et le franc C.F.P des territoires français du Pacifique.

Pratiquement en même temps que les 20 ans de l'euro (mais c'est une coïncidence), les Banques centrales des Etats de la zone euro cessent d'émettre des billets de 500 €, très utilisés en Allemagne, en Autriche ou au Luxembourg mais très peu dans les autres pays... et accusés de faciliter l'écoulement des profits de trafics illicites. Pas d'inquiétude si vous en avez: ils continueront à pouvoir être utilisés, mais au fur et à mesure de leur usure ils seront récupérés et détruits par les Banques centrales.

LES ANCETRES

Ce n'était pas la première fois qu'une monnaie commune était créée par plusieurs Etats souverains. Au XIXe siècle, la France de Napoléon III avait été à l'origine de la création (1865) de l'Union latine dont la monnaie commune était le franc français dit « franc germinal » car sa création puis sa valeur en or et en argent avaient été définies par deux lois votées en germinal (mars-avril) an III (1795) et an XI (1803).

Suite à une crise monétaire internationale (déjà), une convention monétaire (l'Union latine) avait été signée en 1865 par la Belgique, l'Italie, la Suisse puis la Grèce (1868). Un certain nombre de pays européens (Empire d'Autriche-Hongrie, Russie, Suède, Finlande, Roumanie, Espagne, Serbie, Bulgarie, Luxembourg ainsi que des colonies des pays membres et quelques pays d'Amérique latine) s'étaient ensuite ralliés au système. L'intercirculation des monnaies ne concernait que les pièces qui, à l'époque, étaient en or ou en argent ; il n'y avait pas de banque centrale commune. Ce système s'est effondré avec la Première guerre mondiale et l'inflation qui en a résulté.

Le franc C.F.A est un autre système monétaire supranational liant des Etats souverains. Un certain nombre d'anciennes colonies françaises d'Afrique, indépendantes depuis les années 1960, ont conservé l'ancienne monnaie coloniale (franc des colonies françaises d'Afrique). Le france CFA est désormais utilisé par huit Etats d'Afrique de l'Ouest (Communauté financière d'Afrique) et six Etats d'Afrique centrale (Coopération financière d'Afrique centrale). Le franc C.F.A, à l'origine lié par une parité fixe au franc français, l'est maintenant à l'euro.

LE LONG CHEMIN VERS L'EURO

Le projet d'une monnaie commune ou d'une monnaie unique dans la Communauté européenne remonte à loin.

Un point de vocabulaire : une monnaie commune ne remplace pas les monnaies nationales mais sert pour les échanges entre les pays adhérents ou encore d'unité de mesure; une monnaie unique remplace les monnaies nationales.

Les turbulences monétaires (années 60 à 80)

Les fondateurs de la Communauté Economique Européenne (C.E.E.) n’imaginaient pas, en 1957, créer une monnaie unique. A l'époque, le système monétaire international mis en place par les accords de Bretton Woods (1944) fonctionnait encore correctement. Mais les remous monétaires qui perturbèrent le fonctionnement du Marché commun à la fin des années 60 démontraient la nécessité d’une monnaie commune. Le long chemin vers cette monnaie commune a été jalonné par les étapes suivantes :

  • Le 15 novembre 1960, est créée l’Unité de Compte européenne (U.C.E.) dont la valeur est fixée à 0,888 g d’or, valeur identique au $ ; elle fut utilisée pour exprimer les prix agricoles et comptabiliser le budget des Communautés. En mars 1975 la valeur de l’U.C.E. fut redéfinie par un panier de 9 monnaies européennes (FRF, DEM, GBP, ITL, NLG, BEF, LUF, DKK, IEP).

  • Au Sommet de La Haye, décembre 1969, les six pays de la C.E.E. se donnèrent pour objectif l'Union économique et monétaire, pour approfondir le Marché commun. Un plan, proposé par le commissaire européen Raymond Barre, servit de travail préparatoire.

  • A partir de 1970, les Six organisèrent un soutien de leurs monnaies respectives contre les fluctuations désordonnées du marché des changes. En octobre 1970, le Plan Werner proposa de faire converger les économies nationales en vue de la monnaie unique à l'horizon 1980. Il fut remis en cause par l'instabilité des monnaies européennes. Le 21 mars 1972, le Serpent monétaire européen fut créé pour essayer de contrôler les fluctuations monétaires et le 3 avril 1973, fut constitué le Fonds Européen de Coopération Monétaire (F.E.CO.M.), permettant de défendre les parités contre la spéculation. Néanmoins, les turbulences monétaires eurent raison du Serpent. Le 13 mars 1979, la mise en place du Système monétaire européen (S.M.E.) donna à chaque monnaie un cours officiel de change par rapport à une nouvelle unité de compte commune, l'E.C.U. (European Currency Unit) qui remplaça l'U.C.E. Malgré des sorties intempestives de certaines monnaies, le S.M.E survécut aux assauts spéculatifs

  • En février 1986, l'Acte Unique inscrivit l'objectif de réalisation progressive de l'Union économique et monétaire (U.E.M.) ; ce devait être la clé de voûte du grand marché européen. Au 1er juillet 1990, la libre circulation des capitaux constitua la première étape de cette union.

  • Le 17 avril 1989, un Comité composé de gouverneurs des banques centrales et présidé par Jacques Delors, président de la Commission européenne, présenta un rapport préconisant la création d’une monnaie unique. Ce rapport sera approuvé par le Conseil européen de Madrid (juin 1989)

  • Le 7 février 1992, le traité de Maastricht précisa les critères de la convergence entre les économies nationales, préalable à la monnaie unique. Le Royaume-Uni et le Danemark obtinrent une exemption leur permettant de conserver leur monnaie nationale.

1994 - 1998 la phase préparatoire

Les gouvernements et les institutions communautaires préparèrent le passage à la monnaie unique; ce fut la phase de convergence des politiques économiques nationales.

Au plan monétaire, les préparatifs techniques furent assurés par l'I.M.E., Institut monétaire européen, créé en 1994 en tant qu’embryon de la future Banque Centrale Européenne et qui remplaça le Comité des gouverneurs des banques centrales. L’I.M.E. s’installa à Francfort pour rassurer les Allemands qui, ayant la monnaie la plus solide, étaient les plus réticents au changement de monnaie.

Une période de discussions s’ouvrit entre l’I.M.E., la Commission, les gouvernements, les banques centrales et le Conseil des Affaires économiques et financières ; elles portèrent notamment sur les critères de convergence, demandés par l’Allemagne mais critiqués par certains de ses partenaires parce que trop rigides. Les Etats, menacés de ne pas être sélectionnés en raison de leur déficit public et de leur endettement, durent mener des politiques de rigueur. Seul le Luxembourg réussit à respecter les critères de convergence pendant toute la phase préparatoire.

Les gouvernements européens durent consacrer par la loi l’indépendance de leurs banques centrales nationales, ce qui signifiait que les ministres des Finances renonçaient à influencer la fixation des taux d'intérêt directeurs.

La phase préparatoire fut marquée par les étapes suivantes :

  • Le Conseil européen de Cannes (26 & 27 juin 1995), devant la difficulté d’avoir un nombre suffisant d’Etats respectant les critères de convergence, exclut un passage à la monnaie unique pour le 1er janvier 1997 et reporta cette étape au 1er janvier 1999.

  • Sous la pression des Allemands, la dénomination d’ECU, peu satisfaisante en allemand, fut changée par le Conseil européen de Formentor à Majorque (22 et 23 septembre 1995) contre celle d’euro.

  • Les 13 et 14 décembre 1996, le Conseil européen de Dublin adopta un pacte de stabilité et de croissance prévoyant des sanctions financières contre les Etats qui ne respectent pas le critère de déficit public limité à 3% du P.I.B.

  • Le 2 mai 1998, le Conseil européen extraordinaire de Bruxelles, dressa la liste des 11 pays admis dans la zone euro: Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Portugal.

  • Le 3 mai 1998, les Ministres des finances réunis en Conseil de l'Union européenne ECOFIN, arrêtèrent les taux de conversion bilatéraux entre les monnaies des Etats participants applicables à partir du 1er janvier 1999. Ils adoptèrent les dispositions réglementaires fixant le cadre juridique du passage à l'euro.

  • Le 1er juin 1998, fut créée la Banque centrale européenne, B.C.E., qui constitua avec les banques centrales nationales (par exemple la Banque de France) le Système européen de banques centrales (S.E.B.C.), chargé de veiller à la stabilité des prix et de mettre en œuvre la politique monétaire européenne.

  • Le 4 juin 1998, première réunion du Conseil de l'euro, réunissant les ministres des finances des 11 pays participant à l'euro.

1999 - 2001, la phase de transition

Au 1er janvier 1999, ce fut le véritable démarrage de l'Union économique et monétaire:

  • L'U.E.M. entra en vigueur et l'euro devint sa monnaie unique. L'écu fut remplacé par l'euro, 1 écu pour 1 euro. Le taux de conversion fut fixé irrévocablement entre l'euro et les monnaies nationales (1 euro = 6,55957 francs);

  • Un nouveau mécanisme de change européen lia à l'euro les monnaies des pays de l'Union européenne ne participant pas encore à la zone euro;

  • Les milieux financiers adoptèrent les premiers l'euro ; à partir du 4 janvier 1999, les transactions se firent en euros sur les marchés de capitaux. L'euro fut coté par rapport aux autres monnaies, dollar, yen et monnaies des pays européens hors zone euro.

  • La période 1999-2001 fut une période transitoire pour les entreprises, administrations et particuliers qui passèrent progressivement à l'euro, selon des plans nationaux. Le plan français se déroula comme suit :

  • A l’automne 2001, les distributeurs automatiques de billets furent adaptés et en décembre, les commerçants furent approvisionnés en euros pour pouvoir rendre la monnaie dès janvier 2002.

  • En France, à partir du 15 décembre 2001, les particuliers qui souhaitaient se familiariser avec les pièces en euros, se virent proposer des "kits euro" proposant 40 pièces pour un montant de 100 francs (15,24 euros).

  • Le 31 décembre 2001 fut la date limite d'utilisation des monnaies nationales sous leur forme scripturale (chèques, virements, opérations par carte bancaire, avis de prélèvement, télépaiement...).

2002 l'achèvement du passage à l’euro

Le 1er janvier 2002, les billets et les pièces en euro furent mis en circulation, parallèlement aux pièces et billets nationaux (en France jusqu'au 17 février 2002). Les particuliers purent continuer à échanger leurs francs contre des euros auprès des banques jusqu'au 30 juin 2002. Au-delà, le Trésor Public et la Banque de France acceptèrent d'échanger les pièces pendant 3 ans et les billets pendant 10 ans. Tous les paiements sous forme scripturale se firent exclusivement en euros à partir du 1er janvier 2002 et les comptes bancaires furent convertis, sans frais pour le client. Cette transition historique a été une réussite technique.

2007: DEBUT DE LA CRISE FINANCIERE ET RENFORCEMENT DE LA ZONE EURO.

La crise de 2007 a montré les failles de l'eurozone. Différents projets ont été mené plus ou moins à bien pour la renforcer, malgré les divergences d'appréciation entre les Etats « vertueux » de l'Europe du Nord et les Etats « laxistes » du Sud : mise en place d'une surveillance des budgets des Etats membres, création du Mécanisme européen de stabilité et du Fonds européen de stabilité financière pour secourir les Etats en difficulté, renforcement du Pacte de stabilité et de croissance et Pacte pour "l'euro plus". D'autre part, il est apparu qu'il fallait mieux surveiller les banques européennes d'où la création d'une Union bancaire. Un budget (bien modeste) de la zone euro devrait voir le jour tandis qu'un projet de véritable gouvernement de la zone euro revient régulièrement sur le tapis.

ZONE EURO (OU EUROLAND) : PAYS AYANT L'EURO COMME MONNAIE

C’est une zone monétaire regroupant 19 pays membres de l’U.E participants à l’euro, désignés par une décision du Conseil en mai 1998 : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Portugal (11 pays) ou ayant accédé depuis : Grèce (2001), Slovénie (2007), Chypre et Malte (2008), Slovaquie (2009), l'Estonie (2011), Lettonie (2014) et Lituanie (2015). La Bulgarie pourrait être le prochain membre.

L’euro a également cours :

  • Dans des micro-Etats qui partageaient la même monnaie que leur grand voisin : Monaco, Andorre, St Marin et Vatican.

  • Dans les départements français d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Mayotte, Guyane, Réunion), les collectivités françaises d’outre-mer (St Barthélemy, St Martin, St Pierre & Miquelon), les territoires portugais (Madère, Açores) et espagnols (Canaries).

  • Au Monténégro et au Kosovo qui avaient choisi le deutsche mark pour se prémunir contre la dépréciation du dinar yougoslave et adoptèrent “ de facto ” l’euro comme monnaie.

AVANTAGES ET INCONVENIENTS DE L’EURO

La monnaie unique fait l'objet depuis l'origine de polémiques virulentes entre adversaires et partisans.

Les détracteurs pointent les inconvénients suivants :

  • L’euro entraîne la perte de la souveraineté monétaire et au-delà, la perte de souveraineté économique, obligeant les Etats membres à caler leur politique sur l’Etat le plus puissant (en l’occurrence l’Allemagne).

  • En cas de crise économique grave chez eux, les Etats sont dépourvus de moyens de lutte. Ils ne peuvent pas utiliser l’arme de la dévaluation, ni jouer sur les taux d'intérêt. Le budget de l’Union étant relativement peu important (1% du PIB total européen), il ne lui est pas possible d’aider un pays ou une région victime d’un choc économique asymétrique. La crise et la période de récession qui ont affecté la Grèce montrent la limite des moyens d’actions de l’Union européenne et de la solidarité entre pays membres de l’Eurozone.

  • Les économies des pays membres de la zone euro n'ont pas encore assez convergé (taux de croissance et d’inflation différents) ce qui ne fait pas de la zone euro une zone monétaire optimale pour le moment.

  • Le Pacte de stabilité introduit une rigidité dans la gestion des finances des pays membres empêchant une relance de type keynésien (relance par la demande). Ce pacte a d’ailleurs dû être amendé et interprété d'une manière souple.

  • En l’absence d’un pouvoir politique européen fort, la monnaie unique n’est pas un instrument de puissance.

  • L’introduction de l’euro s’est traduite, pendant un premier temps, par une perte de repères des consommateurs et une hausse de certains produits de consommation, les commerçants profitant de cette perte de repères pour faire « valser » les étiquettes. Certes, les statistiques ne le démontrent pas mais les consommateurs l'ont ressenti comme tel.

  • Certains pays européens, qui ont fait le choix de ne pas adopter l’euro, s’en sortent mieux sur le plan économique car ils gardent l’instrument monétaire à leur disposition. Mais l’inverse se vérifie également.

Au chapitre des avantages, on trouve les arguments suivants :

  • La disparition des frais de change favorise les échanges et le tourisme entre les pays de la zone euro; les comparaisons de prix sont désormais très faciles.

  • Les dévaluations "compétitives" grâce auxquelles les Etats laxistes se redonnaient une marge de manœuvre (provisoire) au détriment des Etats rigoureux sont désormais impossibles. Certains pays, qui avaient la réputation de mener une politique monétaire laxiste, doivent désormais respecter le Pacte de stabilité et de croissance.

  • La gestion d’une monnaie unique oblige les pays membres de la zone euro à accentuer la coordination de leurs politiques économique, budgétaire, fiscale et même sociale, ce qui aura pour conséquences une progression de l’intégration européenne.

  • Quant à la perte de la souveraineté monétaire, elle était, pour certains pays (dont la France), antérieure à la création de l’euro puisqu'ils liaient leur monnaie au deutschemark.

  • Les taux d’intérêt ont baissé à des niveaux que certains pays de la zone euro n’avaient jamais connus. Cela a permis de baisser considérablement la charge des dettes publiques et privées.

  • L’euro a protégé les Etats membres et leurs citoyens de turbulences monétaires que n’auraient pas manqué de créer les différentes crises internationales. La politique audacieuse de la B.C.E depuis la crise de 2007 nous a épargné une récession profonde.

  • L’euro est un symbole fort et tangible de l’Union européenne.

  • L’euro commence à battre en brèche la suprématie du dollar dans les transactions internationales et prend une part croissante (actuellement 20%) des réserves des banques centrales du monde entier.

Cette extraordinaire construction mérite d'être consolidée par l'achèvement de l'Union bancaire, la transformation du Mécanisme européen de stabilité en Fonds monétaire européen et la mise en place prévue d'un budget de la zone euro pour compenser les trous d'air en cas de crise. D'ailleurs, les partis populistes, lorsqu’ils arrivent au pouvoir dans un pays de l'Eurozone, abandonnent (ou « diffèrent ») leur projet de rétablissement d'une monnaie nationale. En effet, les Européens n'ont guère envie de se retrouver avec une monnaie instable dans leur poche et une inflation qui ronge leur pouvoir d'achat. En effet, la longue période des dévaluations dites "compétitives" qu'ont connue certains pays (dont la France) avant l'euro a montré que ce n'étaient que des remèdes fugaces qui masquaient peu de temps les problèmes durables de compétitivité économique.

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