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" De l'Europe de la défense à une défense européenne? "


" De l'Europe de la défense à une défense européenne? " avec Françoise Dumas, députée du Gard, vice-présidente de la Commission "Défense nationale et forces armées" de l'Assemblée nationale

Le 31 janvier Mme Françoise Dumas est venue à la Maison de l'Europe, à notre invitation, échanger sur ce sujet avec le public présent.

En préliminaire la députée s'est attachée, à partir de son exemple personnel, à combattre l'idée que les députés "ne travaillent pas, puisqu'ils sont souvent absents de l'hémicycle lors des votes":

- elle est vice-présidente de la Commission "Défense nationale et forces armées" et membre de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. Pour mieux assumer ces responsabilités, elle suit une formation accélérée (1 an) à l'IHEDN (Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale). Elle est en outre colonel de la Réserve citoyenne de défense et de sécurité[1] (armée de terre puis maintenant marine). Elle a partagé pendant plusieurs jours la vie des soldats français au Mali

- elle est membre de la Commission des affaires européennes, dont elle regrette qu'elle ne soit pas une Commission permanente, tout comme la Délégation aux droits des femmes

- elle est également membre de la Délégation aux Outre-mer, ce qui est important au point de vue de l'espace maritime français, le 2ème du monde

- le précédent ministre de l'intérieur lui a confié une mission qu'elle poursuit et lui demande des recherches, des auditions et du temps.

Elle est souvent en Commission "dans les sous-sols" de l'Assemblée nationale et ne peut donc pas toujours être en séance.

Il faut ajouter les nécessaires contacts avec les électeurs et les collectivités, associations et entreprises de la circonscription.

Les menaces pour l'Union européenne sont pour elle les suivantes:

- le terrorisme

- des types d'attaques non conventionnels qui pourraient venir de très petits Etats: cyber-attaques, attaques chimiques ou bactériologiques,...

- l'isolationnisme croissant des USA: le président Trump ne veut plus de l'article 5 de l'OTAN, qui dit "si un pays de l’OTAN est victime d’une attaque armée, chaque membre de l’Alliance considérera cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l’ensemble des membres et prendra les mesures qu’il jugera nécessaires pour aider le pays attaqué"

- la très forte et inquiétante montée en puissance de la Chine, tant dans son voisinage que dans des régions lointaines comme l'Afrique: puissance économique et commerciale mais aussi puissance militaire et politique, appuyées par une propagande idéologique contre la démocratie (illustrée par des vidéos de "désordres" et de déclarations extrémistes en Europe) et en faveur d'un "nouveau modèle, la nouvelle route de la soie".

- longtemps la plupart des Etats de l'UE ont pensé que la Défense ne servait plus à rien après la fin de la guerre froide: seuls 4 Etats de l'UE ont une part de plus de 2 % du PIB consacrée à la Défense (Estonie, Grèce, Pologne et Royaume-Uni). Pour la France c'est 1,8 % et pour les USA 4 % (35 % des dépenses mondiales de défense)

- depuis le rejet de la CED (Communauté européenne de défense) en 1954 (par la France, qui avait lancé cette initiative!), la Défense est presque un sujet tabou pour les institutions européennes. La PESC (Politique étrangère et de sécurité commune) de l'UE n'a pas les résultats qui étaient espérés

- l'industrie des équipements de défense est très fragmentée en Europe (175 équipements différents en Europe, 13 aux USA!). Cette industrie est donc peu compétitive sur le marché international

- dans "industrie de défense" l'Allemagne pense surtout "industrie" (en Allemagne cette industrie est privée, sans intervention publique) et la France "défense".

Il y a eu récemment des éléments positifs en direction d'une défense européenne autonome, non seulement pour les équipements mais aussi pour l'interopérabilité des équipements et pour des capacités d'action par une stratégie opérationnelle commune:

1 - La Coopération structurée permanente qui a été créée en noivembre 2017 et rassemble la quasi-totalité des Etats de l'UE

2 - La proposition par la Commission européenne en juin 2018 de la création d'un Fonds européen de la défense doté de 13 milliards d'€ pour la période budgétaire 2021-2027

3 - Une Revue annuelle coordonnée de défense permettant aux Etats européens de confronter au niveau des ministres leurs besoins, leurs carences, etc.

4 - L’Initiative européenne d’intervention (IEI) lancée le 25 juin 2018 par la signature d’une lettre d’intention par les ministres de la défense de 9 (maintenant 10) pays européens, parmi lesquels l'Allemagne et le Royaume-Uni. Initiative ambitieuse à caractère opérationnel, l’IEI vise à favoriser l’émergence d’une culture stratégique européenne commune et à créer les conditions pour de futurs engagements coordonnés et préparés conjointement sur tout le spectre de crises possibles. Construite autour d’un socle restreint d’États européens ayant démontré leur volonté politique et leur capacité militaire d’assumer un engagement en opérations au service de la sécurité européenne, l’initiative pourra être élargie à d’autres États européens remplissant ces mêmes conditions. A noter que l'IEI est en dehors du cadre de l'Union européenne, ce qui permettra au Royaume-Uni de continuer à en faire partie même après sa sortie de l'UE.

La députée voit qu'il reste des obstacles importants sur la voie d'une défense européenne mais elle estime que la France est "une grande nation en matière de défense car elle a toutes les composantes de la défense, y compris l'arme nucléaire, des sous-marins et le spatial. Le meilleur allié de la France pour la défense est le Royaume-Uni, qui lui aussi a toutes (ou presque) les composantes et a la même culture de la défense que la France. L'Allemagne, par son histoire et son organisation politique, ne peut pas décider une intervention en quelques heures: il lui faut un vote du Parlement et cela demande environ 3 semaines".

Principaux obstacles:

- des besoins particuliers exprimés par certains pays, d'où des types différents d'équipements militaires et moins d'économies d'échelle que prévu (exemple: la France est sortie du projet Eurofighter et a développé le Rafale)

- les exigences de "retours industriels", à répartir entre les pays participant à un programme: ainsi l'aile droite de l'Eurofighter est faite en Espagne et l'aile gauche en Italie...

- certains Etats, en particulier en Europe centrale et orientale, ne font pas confiance à l'Europe pour les équipements de défense et achètent aux USA, qui exercent d'ailleurs parfois sur eux un chantage à la protection par le "parapluie américain";

Les voies possibles pour crédibiliser l'Europe de la Défense:

- consolider la coopération franco-allemande, surtout dans les matériels terrestres

- poursuivre la coopération avec le Royaume-Uni après le Brexit, qui a priori ne dvrait pas changer grand'chose dans pour la défense

- faire des projets bilatéraux avec des pays qui ont des compétences dans un ou plusieurs domaines (sous-marins avec l'Italie, cyber-défense avec les Etats baltes)

En conclusion, pour Mme Dumas "l'Europe de la Défense est une nécessité, une armée européenne est une perspective lointaine mais c'est un cap à tenir".

[1] La réserve citoyenne de défense et de sécurité est constituée de volontaires agréés auprès d’autorités militaires en raison de leurs compétences, de leur expérience, mais aussi de leur intérêt pour les questions relevant de la défense nationale. Son rôle principal est de diffuser l’esprit de Défense et de contribuer au renforcement du lien entre les armées et la société civile. Les réservistes citoyens de défense et de sécurité, n'ayant pas vocation à porter une arme, ne font pas partie de la garde nationale.

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