Gaz naturel: la saga Nord Stream 2 au coeur des tractations européennes
Le projet Nord Stream 2 consiste à doubler le gazoduc Nord Stream 1 qui relie directement la Russie à l'Allemagne en passant sous la mer Baltique. La Commission Européenne ayant décidé de défendre le transit de gaz russe via l’Ukraine pour permettre à ce pays de continuer à percevoir les "péages" payés par Gazprom (plus de 1 milliard d’€ par an), il devenait de facto impossible de soutenir le projet russe Nord Stream 2 dont l’objectif est… de contourner l’Ukraine et d'augmenter la part de marché de Gazprom en Europe (avec plus de 35%, cette part est déjà très importante). La Commission proposa ainsi, en novembre 2017, un projet de nouvelle directive gaz pour obliger les futurs gazoducs venant de l’étranger à respecter les règles européennes, avec l’objectif de repousser la mise en service de Nord Stream 2. Au dernier moment, le 8 février 2019, la France a opté pour une vision européenne au lieu de défendre les intérêts exclusifs d’Engie (ex - GdF Suez) qui était partie prenante dans Nord Stream 2.
Des élections européennes décisives ? Difficile d’expliquer le revirement français mais il est bien possible que l’arbitrage final prenne en compte les élections européennes à venir et la nécessité pour le gouvernement d’avoir une vraie politique pro-européenne… Après l’accord politique du 12 février entre le Conseil de l'UE et le Parlement européen, lorsque cette directive sera définitivement adoptée, elle pourrait, selon sa rédaction finale, obliger Nord Stream 2 à se conformer aux règles européennes et, en particulier, à la séparation (« unbundling ») entre le propriétaire du gaz et celui du gazoduc. Ce projet de 9,5 milliards d’€ est donc à risque, car Gazprom, propriétaire de la molécule gazière ne peut, en droit européen, être aussi propriétaire d’un gazoduc.
Une course d’obstacles La course d’obstacles entre l’adoption de cette nouvelle directive et la mise en service de Nord Stream 2 est donc relancée. Engie qui avait déjà freiné l’adoption de toutes les directives européennes pour la libéralisation des marchés gaziers, est engagé dans ce projet Nord Stream 2 à hauteur de 10 % (950 millions d’€), et l’Etat français détient toujours 24% du capital d'Engie et 35% des droits de vote ! Conflit d'intérêts entre l’Etat actionnaire et l’Etat législateur qui, par sa vision européenne, ne peut laisser le projet aboutir tel quel ? La saga Nord Stream 2 qui a été relancée aura des répercussions en France.