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2021 : l'année européenne du rail

Le 1er janvier 2021 a marqué le début de l'Année européenne du rail. Cette initiative de la Commission européenne apportera un éclairage nouveau sur les avantages du rail en tant que moyen de transport durable, intelligent et sûr. Tout au long de l'année 2021 et partout en Europe, des activités donneront un coup de projecteur sur le rail afin d'encourager citoyens et entreprises à utiliser le train et de contribuer ainsi à l'objectif que s'est fixé l'UE dans le Pacte vert pour l'Europe : atteindre la neutralité climatique en 2050.

La Commission a créé un site Internet dédié : https://europa.eu/year-of-rail/index_fr



Un peu d'histoire

Les chemins de fer n'ont pas attendu cette année pour avoir des objectifs européens ; l'histoire du rail le prouve très tôt.

Dès les premiers tronçons, les constructeurs européens s'accordent sur l'écartement anglais de quatre pieds huit pouces et demi (1,435 m) entre deux rails; certes de nombreuses voies seront construites en Europe avec d'autres écartements et cet état de fait demeure aujourd'hui : écartement ibérique (Espagne et Portugal) de 1,668 m, écartement irlandais de 1,6 m , écartement russe (Russie, Finlande, pays baltes, Biélorussie, Moldavie, Ukraine et anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale) de 1,520 m, voies étroites (1 m) de chemins de fer secondaires, et quelques autres écartements plus marginaux. La grande majorité des voies d’Europe occidentale et centrale sont à l’écartement 1,435m, d'ailleurs appelé « standard ». Désormais, l'Espagne, pour ses nouvelles lignes à grande vitesse, a choisi cet écartement, ce qui permet un Paris-Barcelone sans changement de train. Même avec la Russie (et précédemment entre la France et l'Espagne), différents systèmes évitaient aux voyageurs de changer de train (vérins soulevant les voitures pour changer les boggies ou écartement variable des roues).





En 1841 était inaugurée la première ligne internationale européenne de Strasbourg à Bâle (Suisse) tandis qu'en 1842, Lille était reliée à Mouscron (Belgique).

Les premiers trains internationaux allaient naître et connaître un développement exceptionnel grâce à la Compagnie internationale des wagons-lits et des grands express européens (C.I.W.L), fondée par un visionnaire belge, Georges Nagelmackers (1845-1905). Après un voyage ferroviaire aux États-Unis, il a l'intuition de créer à travers l'Europe des express confortables dotés de voitures-lits, de voitures-restaurant et de voitures en places assises de grand confort « Pullman», reliant les grandes capitales sans obliger à descendre du train. Un premier essai réussi a lieu en 1872 entre Paris et Vienne. Bientôt, l'Europe est sillonnée de trains aux belles voitures bleues avec leur grand macaron doré, appartenant à la compagnie et reliant Paris, Londres, Bruxelles, Berlin, Vienne, Bucarest, Rome, Athènes, Istanbul...

La compagnie existe toujours et assure encore des prestations de restauration à bord des trains, même si elle n'a plus de matériel en propre.

D'autres trains internationaux ont été mis en œuvre par les compagnies de chemins de fer nationales avec signatures d'accords entre elles pour gérer la circulation des voitures (voyageurs) et wagons (marchandises) à travers les frontières. D’ailleurs, la plupart du temps, ces voitures et wagons étaient manœuvrés à la frontière pour passer d'un train à un autre, ce qui n'était guère pénalisant compte-tenu des contrôles de douane et de police existants à l'époque.

Ces trains traversent les montagnes par des tunnels toujours plus audacieux : en 1871 le Fréjus entre la France et l'Italie (13,6 km), en 1882 le St Gothard entre la Suisse et l'Italie (15 km) puis en 1906 le Simplon (19,8 km) et 1911 le Lötschberg (14,6 km), en 1915 le Mont d'Or entre la France et la Suisse (6 km) et bien d'autres encore.


La Première guerre mondiale marque une interruption temporaire de la circulation des trains à travers l'Europe, qui reprend ensuite de plus belle pendant les « années folles ». Les vedettes, diplomates, hommes d'affaires et touristes fortunés se déplaçaient en voitures-lits ou Pullman de Londres et Paris à Istanbul (Orient-Express), de Londres à Paris et Nice (Flèche d'Or), de Paris à Nice (Train bleu), à Rome (Rome express), à Amsterdam (Étoile du Nord, Oiseau bleu), à Copenhague et jusqu'à la frontière soviétique (Nord Express), de Paris à la frontière espagnole (Sud Express avec prolongement vers Lisbonne et Madrid ; Barcelona express)...

Les marchandises passaient également d'un pays à l'autre, utilisant éventuellement des ferries (France-Angleterre, Allemagne-Suède...). En 1922 est créée à Paris l'Union internationale des chemins de fer (U.I.C.) qui, à l'époque, ne réunissait pour coopérer et unifier les normes que des réseaux européens ; depuis, elle est devenue une organisation mondiale.

La Seconde guerre mondiale interrompt de nouveau les échanges ferroviaires européens et les réseaux subissent de très graves destructions. De plus, la construction d'autoroutes, la montée en puissance de l'aviation commerciale vont tarir progressivement les flux de voyageurs internationaux tandis que les routiers vont rafler petit à petit les transports de marchandises.

Les compagnies de chemins de fer vont réagir : création des Trans Europ Express (T.E.E.) de première classe entre les grandes capitales occidentales (Paris, Lyon, Marseille, Bruxelles, Amsterdam, Francfort, Munich, Zurich, Milan, Barcelone...), mise en place de régime simplifié d'échange de wagons (Europ), électrification des principaux axes internationaux


La construction de lignes dédiées à la grande vitesse en Italie, en France, en Allemagne, en Espagne puis plus tard dans le Benelux et en Angleterre) va bénéficier aux relations intra-européennes mais sur des distances plus courtes qu'à la Belle époque : plus de Paris-Istanbul ni de Paris-Athènes.On peut voir néanmoins deux trains qui fleurent bon les années 20 et circulent encore de nos jours: Paris-Moscou et Nice-Moscou.


L'action de l'Union européenne

L'Union européenne ne s'est intéressée que tardivement (1991) aux chemins de fer mais son intervention va bouleverser leur organisation. Influencés par la vague libérale des années 80-90, les pays membres veulent, par l'intermédiaire de la Commission, introduire de la concurrence pour améliorer le service et rendre le rail plus compétitif vis-à-vis de la route.

Jusqu'ici, les compagnies étaient essentiellement nationales et régissaient aussi bien l'infrastructure (voies, tunnels, ponts...) que les circulations (trains de voyageurs et de marchandises).

Désormais, l'infrastructure doit être indépendante et mise à disposition de tous moyennant péage; les trains appartenant à différentes compagnies peuvent se concurrencer sur les mêmes relations. D'autre part, pour chaque exploitant, chaque activité (voyageurs à long parcours, trains régionaux, marchandises..) doit avoir son propre compte d'exploitation, ce qui suppose un matériel dédié à chaque activité : locomotives pour trains de voyageurs d'une part, pour trains de marchandises d'autre part, voitures pour trains au long cours, pour trains régionaux.

Dans l'esprit de ses concepteurs, cela devait favoriser la naissance de nouveaux opérateurs se faisant concurrence. Seule l'infrastructure, ne pouvant pas être découpée en tronçons (bien que le Royaume-Uni ait tenté l'expérience avant de revenir en arrière), peut rester entre les mains d'une compagnie nationale ou régionale.

Ce bouleversement est marqué par la publication du Livre blanc sur la politique européenne des transports puis de « paquets ferroviaires » (ensemble de directives) par l'U.E. :

– 1er paquet (2001) : définition du rôle de gestionnaire d'infrastructures.

– 2ème paquet (2004) : ouverture à la concurrence pour les transports de fret international pour 2006 et national pour 2007 ; pour chaque État membre obligation de créer un organisme indépendant pour attribuer les sillons (*) aux opérateurs ; création d'une Agence ferroviaire européenne (devenue depuis Agence de l'U.E. pour les chemins de fer), à Valenciennes, pour établir des règles de sécurité communes.

– 3ème paquet (2007) : ouverture à la concurrence du transport international de voyageurs en 2010 avec possibilité de cabotage (**)

– 4ème paquet (2013) : création d'un espace ferroviaire unique européen avec ouverture à la concurrence des marchés nationaux (appels d'offres pour les trains régionaux, accès libre -Open access- de tous les opérateurs aux réseaux de lignes à grande vitesse).


En conclusion

Avec le recul, on peut conclure, pour le moment, à un échec. La concurrence certes existe sur un même parcours, mais cela n'a pas amélioré la situation : pas de baisse des tarifs, pas de réduction des subventions publiques et pas de hausse de la part de marché du rail face à la route. D'autre part, la prolifération des sigles peut laisser croire à une éclosion de compagnies ferroviaires concurrentes mais la plupart appartiennent à des oligopoles derrière lesquels se retrouvent les grandes compagnies nationales : S.N.C.F, D.B. allemande, Trenitalia, RENFE espagnole....

La séparation des activités induit des absurdités dans un système aussi intégré que celui des chemins de fer. Par exemple, une locomotive en tête d'un train de voyageurs tombe en panne ; une locomotive dédiée à l'activité marchandises est garée inutilisée mais il n'est pas question de l'utiliser au pied levé pour remplacer la précédente : ce n'est pas la même activité et comptablement c'est compliqué !

D'ailleurs, l'U.E. a assoupli son attitude et, par exemple, Réseau ferré de France, créé pour gérer et entretenir les voies, a pu être réintégré dans le groupe S.N.C.F moyennant le maintien d'une séparation comptable.

Le chemin de fer est une horlogerie complexe dont on ne peut pas séparer les rouages sans conséquences ; dans un domaine soutenu à bout de bras par des subventions publiques, la concurrence a peu d'intérêt. Par exemple, lorsque qu'un concurrent gagne l'appel d'offres pour exploiter un réseau de trains régionaux, il est tenu de reprendre le personnel et, souvent, le matériel appartenant à la collectivité qui définit les fréquences des trains et les tarifs. Pour être moins-disant, la tentation est alors de rogner sur la sécurité et sur les conditions de travail !

A la lumière de l'expérience, on peut espérer un assouplissement de cette approche un peu dogmatique.



* Sillons : Dans un ensemble de circulations ferroviaires, zone horaire où il est possible de placer un certain nombre de trains à vitesse semblable et se succédant très rapidement.

** Par exemple, un train allemand Munich-Paris peut prendre des voyageurs entre Strasbourg et Paris.

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