L’adoption de l'euro par la Croatie
La Commission européenne a donné son accord pour que la Croatie adopte l'euro le 1er janvier 2023, ce qui portera à vingt le nombre d'États membres de la zone euro.
Source : représentation de la Commission européenne
La Commission européenne a conclu le 1er juin que la Croatie était prête à adopter l'euro le 1er janvier 2023. Et le 12 juillet, le Conseil de l’Union européenne a formellement approuvé l’intégration de la Croatie à la zone euro à partir du 1er janvier 2023. Elle deviendra alors le 20e pays à abandonner sa monnaie pour l’euro. Le taux de change a été fixé à 7,5345 kunas – la monnaie actuelle de la Croatie – pour 1 euro. Il s’agit pour le pays d’un long processus débuté avec son entrée dans l’Union européenne le 1er juillet 2013 et marqué notamment par son intégration au mécanisme de change européen (MCE II) au cours de l’été 2020.
Tous les membres de l’Union européenne, à l’exception du Danemark, ont vocation à intégrer la zone euro, à condition de respecter les « critères de convergence ».
Ces derniers portent sur l’état des finances publiques ainsi que les niveaux d’inflation, du taux de change et du taux d’intérêt à long terme. Ils sont supposés assurer une certaine homogénéité entre les différents pays destinés à participer à une zone monétaire unique, dans laquelle, par définition, une seule politique monétaire est possible.
La Croatie satisfaisait l’ensemble des critères requis
Premièrement, le déficit public de la Croatie a atteint, selon Eurostat, 2,9 % du produit intérieur brut (PIB) en 2021, le pays ne connaît donc pas de déficit « excessif », au sens des critères européens. Ensuite, les fluctuations du change entre la kuna et l’euro sont restées dans les bandes prévues par le MCE II au cours des deux dernières années. En ce qui concerne l’inflation et le niveau des taux d’intérêt à long terme, la Croatie se situe, enfin, à la limite supérieure fixée par les critères de convergence.
D’autre part, la législation du pays et le fonctionnement de sa banque centrale ont été jugés « compatibles » avec les règles de l’Union européenne et de l’Eurosystème.
Évaluation globale du degré de préparation
Le rapport de convergence 2022 constate que, dans tous les États membres hors zone euro examinés à l'exception de la Croatie, la législation nationale dans le domaine monétaire n'est pas pleinement compatible avec la législation relative à l'Union économique et monétaire et avec les statuts du ystème européen de banques centrales et de la BCE.
Dans ses conclusions, il juge insuffisants les progrès accomplis par la Bulgarie, la Tchéquie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et la Suède sur la voie de l'adhésion à la zone euro. Il s'agit des six autres États membres n'appartenant pas à la zone euro qui se sont juridiquement engagés à adopter la monnaie unique mais ils devront encore attendre.
Avantages économiques importants mais des craintes demeurent
L'adhésion à l'euro devrait donner un boost à l'économie croate, essentiellement basée sur les services. La fin du change pour les touristes pourrait donner un coup d'accélérateur aux services de l'économie croate tournés vers le tourisme ou le commerce extérieur. Déjà en grande partie intégrée à l'union bancaire, la Croatie devrait également bénéficier d'une baisse des coûts de financement et de transaction, d'une augmentation des flux de capitaux, de la fin des risques de change dans le système bancaire et d'une plus grande transparence et stabilité en ce qui concerne l'évolution et le niveau des prix.
source : strasbourg-europe.eu
Cependant, l'entrée de la Croatie dans la zone euro se fait à un moment historique particulièrement difficile et complexe. Les économies européennes sont encore fragilisées par la pandémie et se sont fortement endettées, s'engageant pour la première fois dans un emprunt bancaire commun. S'ajoute à ce contexte déjà compliqué, l'invasion russe de l'Ukraine et l'explosion des prix de l'énergie et des denrées alimentaires que ce conflit induit. La situation politique dans les Balkans reste aussi particulièrement instable en raison de la montée du séparatisme et du nationalisme en république serbe de Bosnie et de la menace que fait peser l'invasion russe sur le difficile accord de paix trouvé en ex-Yougoslavie.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s'est exprimée en ces termes : « Moins d'une décennie après son adhésion à l'UE, la Croatie est maintenant prête à rejoindre la zone euro le 1er janvier. Cela rendra l'économie croate plus forte et profitera à ses citoyens, aux entreprises et à la société dans son ensemble. L'adoption de l'euro par la Croatie rendra également l'euro plus fort. Vingt ans après l'introduction des premiers billets, l'euro est devenu l'une des monnaies les plus puissantes au monde, améliorant les conditions de vie de millions de citoyens dans toute l'Union. L'euro est un symbole de la force et de l'unité européennes. Félicitations à la Croatie !»
Isabelle ROUSSY
Un autre événement a été célébré en Croatie pendant l’été :
Le 26 juillet, le territoire continental de la Croatie a été « unifié » géographiquement, avec la mise en circulation du pont de Peljesac qui permet d’aller à Dubrovnik, sans devoir passer par une petite partie de la côte qui fait partie de la Bosnie-et-Herzégovine.
Jusque-là ce franchissement de deux frontières en moins de 10km de route était d’autant plus gênant qu’il fallait ainsi sortir de l’Union européenne (dont ne fait pas partie la Bosnie-et-Herzégovine) puis y rentrer.
Le pont, long de 2,4 km et culminant à 55 m au-dessus de l’eau pour laisser passer les bateaux fréquentant le port bosnien de Neum (le seul du pays), a pris du temps pour se réaliser : d’abord étude de plusieurs solutions (pont, tunnel, ferry, corridor autoroutier « étanche » sur le territoire bosnien), début des travaux arrêtés par manque de fonds, et enfin en 2017 financement européen de 357 millions d’€, soit 85 % du coût de l’ouvrage, et achèvement.
La Bosnie-et-Herzégovine a longtemps essayé de s’y opposer, craignant que le pont gêne son unique accès à la mer, acquis il y a plus de trois siècles à l’époque de l’empire ottoman… pour éviter de mettre en contact la République de Venise et sa rivale la République de Raguse (Dubrovnik).
Le pont de Peljesac, lien à la fois économique et politique, est plus positif que le « pont de Crimée » construit par la Russie pour relier son territoire à la presqu’île ukrainienne de Crimée qu’elle occupe illégalement. Le « pont de Crimée », routier et ferroviaire, franchit en 17 km le détroit de Kertch qui relie la mer d’Azov à la mer Noire. Il a été décidé très vite après l’occupation de la Crimée en mars 2014, et c’est Poutine lui-même, au volant d’un camion, qui l’a inauguré en mai 2018. C’est dire son importance politique et stratégique pour le président russe !
Jean-Jacques SMEDTS
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