top of page

La désinformation, c’est aussi un enjeu européen


Vers la fin de l’année 2017, la Commission européenne alors dirigée par Jean-Claude Juncker avait jugé à propos de charger un Comité d’experts de proposer un plan d’action contre la désinformation. À l’approche des élections européennes de 2019, l’idée semblait plus qu’opportune, au vu de ce qui venait de se passer, qu’on pense à l’élection de Trump ou au Brexit, pour ne citer que ces deux exemples. Il s’agissait d’ailleurs bien de désinformation et non de "fake news" : une des premières tâches du Haut Comité d’Experts fut précisément de distinguer les deux notions, de manière à cerner celle dont il avait à traiter en en proposant une définition claire.


Pour le Comité d’experts, présidé par la néerlandaise Madeleine de Cock-Buning, universitaire de haut niveau, « la désinformation comprend toutes les formes d’information fausse, inexacte ou visant à induire en erreur, conçue, diffusée et promue dans le but de causer un dommage public ou de générer un profit. Cette notion n’inclut pas les contenus illégaux créés et mis en ligne (diffamation, discours haineux, incitations à la violence, etc), lesquels relèvent d’autres solutions règlementaires dans le cadre des lois européennes ou nationales, ni les autres déformations de faits, volontaires mais pas mal intentionnées, telles que la satire ou la parodie ».


Le rapport du Comité d’experts, rendu dès mars 2018 (saluons la rapidité…)(1), prévoyait un calendrier d’initiatives et de mesures. Sans doute l’approche des élections de 2019 et un agenda européen déjà très chargé n’ont-ils pas permis de faire de ce sujet une priorité. Qui plus est le rapport, tel qu’on le lit, fait des propositions dont certaines paraîtront utopiques ou bureaucratiques. Certes, les rédacteurs prennent la précaution de recommander une approche à la fois « multi-dimensionnelle » (donc reposant sur l’engagement des acteurs et leur aptitude à l’auto-régulation autant que sur un encadrement règlementaire et juridique) et prudente à l’égard de cette matière sensible que constitue la liberté d’expression. Mais force est de constater, deux ans plus tard, qu’elles n’ont guère connu de traduction concrète.


Néanmoins, au-delà de certaines clarifications de termes et de méthode sur la situation actuelle et ses dangers pour la démocratie, on peut noter, pour ne parler que de la France, que la loi dite « antifox » du 22 décembre 2018 s’en inspire directement. Un an plus tard, le CSA a suscité à son tour son propre Comité d’experts afin de suivre la mise en pratique de ces bonnes intentions législatives.(2)


Sans doute d’autres initiatives comparables sont-elles nées ailleurs en Europe ; on sait que le Bundestag s’est également ému de la question. Et dans des pays comme la Hongrie ou la Pologne, nul doute que des acteurs locaux sauront se saisir de ces recommandations pour agir contre les tentatives de mise au pas des Orban et autres Kaczynski.


Même si les priorités sont pour l’instant ailleurs, l’affaire est donc à suivre. Nous ne manquerons pas, quand nous pourrons le faire de vive voix, d’interroger nos députés européens sur les suites qu’ils comptent donner aux préconisations du Haut Comité d’Experts, comme celle qui vise à la création d’un Centre européen de recherche sur la désinformation.




(1)Publié en anglais, et semble-t-il toujours pas traduit. Ceci est une autre question. Pour le lire : https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/news/final-report-high-level-expert-group-fake-news-and-online-disinformation

(2)Cf pour en savoir plus : https://www.lemonde.fr/blog/huet/2018/03/11/lunion-europeenne-sattaque-aux-fake-news/

à l'affiche
Posts récents
Lettres Europe
bottom of page