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Les enfants ukrainiens dans l’horreur de la guerre

Depuis le début de la guerre, l’actualité a souvent relaté les horreurs commises par Poutine et son armée mais un fait a jusqu’à présent été peu mis en lumière : les déportations d’enfants ukrainiens et pourtant il s’agit d’un crime ressenti comme encore plus odieux que les autres.

Les chiffres sont imprécis mais le phénomène existe bel et bien : depuis le début de l’offensive russe en Ukraine, des milliers d’enfants ukrainiens, orphelins ou pas, ont été forcés de passer la frontière russe.


Photo : Conseil de l’Europe, Declaration on Ukrainian children


Les états et les instances internationales prennent peu à peu la mesure de cette catastrophe humanitaire. Aujourd’hui, l’opinion internationale, en Europe et aux Etats-Unis, de plus en plus avertie, s’émeut du phénomène.

Et les Russes ne s’en cachent pas, bien au contraire, ils qualifient ces mesures d’actions humanitaires !


Combien d’enfants ont-ils été déportés ?

Certaines associations comme « Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre » en ont identifié 19.000 alors que les Russes évoquent eux-mêmes le chiffre de 700.000 enfants. Le site Children of War a été créé à la demande de Volodymyr Zelenski. Il rapporte le chiffre de 12 000 enfants qui ont été déportés vers la Russie. On peut voir leurs photos, noms et prénoms. On peut aussi trouver des informations sur 440 enfants tués, 851 enfants blessés et 328 enfants disparus dont on ignore le sort.

La Cour pénale internationale (CPI) a émis en mars un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine pour crime de guerre de « déportation illégale » d’enfants ukrainiens.


Il s’agit d’une volonté politique. Selon Karolina Hird, analyste de la Russie à l'Institute of the Study of War, les ordres partent de Poutine et passent par Maria Lvova-Belova, commissaire -soi-disant- aux droits de l’enfant qui est devenue le visage d'un système omniprésent dirigé par le Kremlin : la déportation de milliers d'enfants ukrainiens vers la Russie. Des données en "open source" (sources ouvertes à tous) et des réseaux tels que Telegram Messenger éclairent le rôle joué par Lvova-Belova, visage d’une structure opérationnelle composée de camps de rééducation, d'itinéraires de transport et de stratégies de déportation. Plusieurs organisations s'efforcent de lever le voile sur le réseau qui se cache derrière. Les responsables des territoires occupés, des fonctionnaires locaux, des employés d'hôpitaux, des journalistes, du personnel universitaire et des militaires ont été impliqués comme en témoignent des rapports et des témoignages de première main transmis à la CPI. D'autres organisent la logistique des transports, remplissent des papiers et délivrent des passeports.

"Il est très important de comprendre que de nombreuses personnes du gouvernement russe gèrent tout cela", a déclaré Artem Starosiek, PDG de Molfar, une communauté ukrainienne de renseignement open source, qui a enquêté sur Lvova-Belova.

On peut se demander pourquoi le Kremlin a organisé une telle opération.

Il s’agit d’un processus historique. Poutine, ancien membre du KGB, reprend les méthodes staliniennes. Les déportations de masse, systématiques et organisées, sont une des formes de violences étatiques extrémistes du stalinisme. En un quart de siècle, on estime à 7 millions le nombre de personnes qui ont été déportées, c’est-à-dire déplacées de force avec confiscation de leurs biens.

C’est une politique volontariste d’assimilation massive de la part de Moscou qui réitère celle mise en œuvre en Crimée en 2014.

Une autre raison est démographique. Cette guerre est couteuse en vies humaines pour chacun des pays. L’Ukraine se voit ainsi privée de sang neuf au profit de la Russie.


Comment réagit la communauté internationale ?

Beaucoup d’états et d’organisations internationales expriment leur indignation. Mais de quels moyens d’action disposent-ils ? Aucun.

- L'Union européenne va organiser en partenariat avec la Pologne et Kiev une conférence afin d'aider à la localisation des enfants enlevés en Ukraine par la Russie et à leur retour dans leur pays. Son objectif est "d'aider les organes de l'ONU et les organisations internationales concernées à obtenir des informations plus complètes" sur les enfants déportés. "Cela inclut également les enfants qui ont été adoptés ou transférés dans des familles d'accueil russes", a détaillé la présidente de la Commission européenne.

- L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a activé le mécanisme de MOSCOU. Ce mécanisme vise à enquêter sur les allégations de graves violations des engagements pris par les Etats dans le cadre de l’OSCE -dont la Russie est membre- et à identifier des actions pour y remédier.

Les conclusions des rapports des deux Mécanismes de Moscou publiés le 13 avril et le 14 juillet 2022 sur les violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire en Ukraine ont mis en lumière des informations crédibles concernant des transferts forcés et la déportations de civils ukrainiens par la Russie, y compris d’enfants non accompagnés. Le rapport du 5 mai dernier incrimine davantage les opérations russes en déplorant de « multiples violations des droits des enfants » au service d’un « plan pour les assimiler de manière massive». Les autorités russes auraient développé une méthode « systématique », qui vise à intégrer les jeunes ukrainiens dans des familles russes au lieu d’agir en faveur du retour dans leur famille. Ils seraient également soumis à une « campagne d'information pro-russe dans le but de les rééduquer et [seraient] soumis à des formations militaires ».

- Le Conseil de l’Europe lors de son 4e Sommet a adopté une déclaration sur la situation des enfants d'Ukraine.


La seule action utile que peut mettre en place la communauté internationale aujourd’hui est de documenter le plus possible ces actions afin d’identifier ces enfants et de leur permettre un éventuel retour dans leurs familles Et de communiquer des informations nécessaires à une éventuelle inculpation devant la Cour pénale internationale.


De quels crimes peuvent être accusés Poutine et toute la chaine des responsables de ces atrocités ?

Dans son premier rapport rédigé depuis que la Russie a lancé son offensive contre l’Ukraine le 24 février 2022, la Commission d'enquête de l’ONU conclut que les situations qu'elle a examinées concernant le transfert et la déportation d'enfants, à l'intérieur de l'Ukraine et vers la Fédération de Russie respectivement, violent le droit international humanitaire et constituent un crime de guerre.

Si l’ONU n’a pour l’instant pas retenu le chef d’accusation de génocide, elle pointe du doigt les mesures juridiques et politiques prises par des responsables russes concernant le transfert d'enfants ukrainiens, et le décret présidentiel de mai 2022 facilitant l'octroi de la citoyenneté russe à certains enfants.

Le rapport de l’OSCE souligne la forte probabilité d’un crime contre l’humanité dans la mesure où la Russie ne respecte pas l’interdiction d’évacuer « des enfants vers un pays étranger, sauf temporairement pour des raisons impérieuses de santé ou de sécurité ».


Cette tragédie est une volonté de détruire l’avenir d’un peuple. Et nous y assistons, impuissants.



Isabelle ROUSSY

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