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Nouvelle approche de la construction européenne et énième structure supranationale ?

Il aura fallu le conflit ukrainien, la première guerre d’agression opposant deux Etats souverains sur le Vieux-Continent depuis la seconde guerre mondiale, pour que 44 pays européens se retrouvent réunis autour de la même table.


À l’occasion de la journée de l’Europe, le Président Macron a proposé la création d’une « Communauté politique européenne » espace politique européen, au-delà de l’Union européenne, qui peut être une première étape vers l’adhésion ou, selon la volonté des pays, une alternative à celle-ci.



La Communauté politique européenne (CPE) s’est réunie pour la première fois à Prague en République tchèque, jeudi 6 octobre 2022 avec les 27 Etats membres de l’Union européenne, les pays candidats à l’adhésion (Albanie, Moldavie, Monténégro, Macédoine du Nord, Serbie, Turquie et Ukraine), de la Bosnie-Herzégovine et de la Géorgie (candidatures déposées), du Kosovo (“candidat potentiel” pour l’UE), des Etats membres de l’Espace économique européen (Islande, Liechtenstein, Norvège) ainsi que de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan, de la Suisse et du Royaume-Uni. Les 44 pays membres se sont de nouveau donné rendez-vous au printemps 2023 en Moldavie. Les réunions suivantes auront ensuite lieu en Espagne, puis au Royaume-Uni, afin d’établir une alternance entre Etats membres de l’UE et pays n’y appartenant pas.


En réaction à la guerre en Ukraine, la question de l’élargissement redevient un enjeu politique majeur pour l’Union européenne. Dès le début du conflit le Président Zelensky a demandé l’adhésion de son pays à l’UE avec une procédure accélérée pour répondre à l’urgence de la situation. La Géorgie et la Moldavie, ont à leur tour déposé leurs demandes d’adhésion.

Dans ce contexte exceptionnel, les Européens ont l’obligation morale de donner une réponse claire à ces pays.

Outre la longue procédure pour être -ou non- reconnu comme pays candidat, il existe la possibilité d’autres types de relations à l’Union : Espace économique européen avec la Norvège et l’Islande ; série d’accords bilatéraux avec la Suisse; union douanière avec la Turquie ; accords d’association avec l’Ukraine ; accord commercial avec le Royaume-Uni, à la suite du Brexit.


Le contexte exceptionnel dans lequel se trouve aujourd’hui le continent européen demande une réponse beaucoup plus politique et plus rapide et invite à définir un nouveau modèle d’adhésion.

L’Union européenne dispose aujourd’hui d’une offre structurée et crédible pour les États qui souhaitent et sont en mesure de profiter de l’intégration économique, sans vouloir souscrire à la dimension politique du projet européen. En revanche, elle ne possède pas d’outil permettant de satisfaire la demande inverse : répondre aux États qui ont la volonté de rejoindre le projet politique, sans avoir – en tout cas à court et moyen termes – la capacité de s’insérer dans le marché unique.


Ces demandes d’adhésion demandent de faire l’effort de penser précisément ce type de démarche. Soit, une forme d’adhésion rapide aux dimensions politique et institutionnelle de l’UE et une adhésion très progressive à sa dimension économique, selon la reconstruction et mise aux normes et standards de ces pays. C’est tout l’objet de la réflexion amorcée sur une Communauté politique européenne.

C’est pourquoi le nouveau projet doit être défini, comme soit une alternative à l’adhésion à l’UE, soit la première étape de cette dernière, la décision appartenant aux pays candidats, non pas des États membres. Autrement dit, la question d’adhésion ne se poserait plus en termes de « si », mais en termes de « quand ». Celle-ci ne serait plus monolithique (on doit adhérer à l’ensemble des dimensions et engagements qui définissent l’UE), mais graduelle (on adhère par « paquets » successifs). Cette approche par tranches faciliterait une appropriation plus aisée de l’UE par les dirigeants des pays aspirants et par leurs opinions publiques et une meilleure intégration de ces pays, permettant de bâtir progressivement une connaissance et une confiance mutuelles, en dépassant le clivage entre les « membres » et les « candidats ».


Plus fondamentalement, la Communauté politique européenne (CPE) favoriserait de part et d’autre le sentiment d’appartenance à un même espace démocratique, de valeurs et de destinée communes. Le terme de Communauté fait référence à la Déclaration Schuman, la reprise de ce mot inscrit la nouvelle Communauté dans le droit fil de la construction, la création de ce nouveau cercle ne réclame pas a priori d’institutions ou de traité propres mais d’un sommet fondateur.

Pour entrer dans la Communauté politique il faudra réunir trois conditions : être un pays du continent européen, respecter pleinement le premier des « critères de Copenhague » (État de droit, système démocratique stable et protection des minorités) et ratifier la Charte européenne des droits fondamentaux, qui exprime les valeurs communes de l’Union et engage le pays qui y souscrit.


Les états membres seraient investis dans la vie institutionnelle de l’UE : la tenue régulière d’un sommet de la Communauté politique européenne, réunissant les dirigeants des Vingt-Sept et leurs homologues des pays concernés. Les formations politiques de ces pays pourraient intégrer les partis politiques européens. Au Parlement européen, ils pourraient siéger aux sessions plénières en observateurs, contribuer aux travaux des commissions parlementaires mais sans droit de vote.

Le but est d’assoir rapidement l’appartenance européenne des pays et de favoriser un sentiment d’appartenance à un socle de valeurs communes, ainsi qu’une convergence des pratiques politiques et des visions stratégiques.

Toujours dans une logique de gradation, cette première entrée politique devrait être suivie d’étapes de coopération thématiques dans les champs d’intérêt immédiats communs : énergie, infrastructures, santé, sécurité. La participation active à ces coopérations devrait être encouragée et servir de paramètres à une future adhésion. En revanche, l’entrée dans la Communauté politique européenne doit être réversible : un pays qui viole manifestement la Charte européenne des droits fondamentaux devrait être tenu de quitter la CPE.


Des questions demeurent :

  • Défense : Quelles garanties de sécurité pourrait apporter la Communauté politique à ses membres qui n’ont pas rejoint l’Otan ?

  • Frontières : comment intégrer un pays en conflit et partiellement occupé ?

  • Balkans : La participation des six pays des Balkans occidentaux à la CPE les arrimerait à l’Union sans préjuger de l’octroi du statut de pays candidat, qui obéit à ses propres conditions.

  • Royaume-Uni/Turquie : La CPE peut aussi associer à l’Union deux puissances qui ont une histoire et une relation très singulières avec elle.



Les chefs d’état et de gouvernement et les représentants de l’UE réunis à Prague, jeudi 6 octobre 2022. Crédits : Conseil européen


Dans un contexte géopolitique des plus mouvants et tendus, il en va, par la création de cette Communauté politique, de l’affirmation d’un bloc européen soudé par de mêmes valeurs et un destin commun. Au risque sinon que les pays non-membres de l’UE soient attirés vers des alliances qui déstabiliseraient l’Europe, dans les enjeux que fait apparaitre la guerre en cours.

Source principale : Institut Jacques Delors

Isabelle ROUSSY

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