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Rencontre à Nîmes avec l’ambassadeur de République tchèque en France


La Maison de l’Europe de Nîmes et le Mouvement européen du Gard invitent toujours un représentant du pays qui préside pendant 6 mois le Conseil de l’UE à venir présenter le bilan de ces 6 mois. Depuis le 1er juillet ce pays est la République tchèque, qui a pris le relais de la France et passera le relais à la Suède le 31 décembre.

Nous avons eu la chance de pouvoir profiter d’un passage dans le sud de la France de Monsieur Michal FLEISCHMANN, ambassadeur de la République tchèque en France, pour organiser le 22 novembre une rencontre privilégiée avec lui, au lycée Alphonse Daudet à Nîmes.


Pourquoi au lycée Daudet, que nous remercions pour son accueil dans sa belle salle d’expositions (l’ancien parloir des internes) ?

Chaque année scolaire, ce lycée accueille quatre jeunes filles tchèques, qui viennent y faire leurs trois années, immergées dans les classes… où elles trustent les premières places ! Il y a donc en permanence douze jeunes filles tchèques à Nîmes. Une adulte tchèque est là pour les encadrer et les aider matériellement, et en même temps donner des cours de langue tchèque au lycée ; c’est actuellement Mme Blanka Studnicka qui a ce rôle.

Le drapeau tchèque flotte en permanence sur la façade du lycée Daudet. Cet accueil d’élèves tchécoslovaques, puis tchèques après la séparation de la Slovaquie et de la Tchéquie, a débuté en 1923, avec des interruptions dues à la situation politique en Tchécoslovaquie ou à la guerre.

La Ville de Nîmes est jumelée depuis 1967 à Prague 1, le centre historique de Prague.

L’origine de ces liens remonte à la 1ère guerre mondiale : Ernest Denis, historien né à Nîmes en 1849, s’est passionné pour les peuples slaves de l’Europe centrale et a aidé à la création d’une Tchécoslovaquie indépendante après la 1ère guerre mondiale. Il y a un monument avec son buste place d’Assas, côté rue Gaston Boissier. Le même buste orne une place à Prague.



La rencontre avec l’Ambassadeur.

Une quarantaine de personnes, à l’invitation de la Maison de l’Europe, étaient venues pour rencontrer et écouter l’ambassadeur le 22 novembre à 17h30 au lycée Daudet, où M. Lorblanchet, proviseur, les a accueillies. Parmi elles, Mme Barbusse, adjointe au maire de Nîmes, M. Campello, conseiller municipal délégué aux jumelages, M. Jacques Denis, arrière-petit-neveu d’Ernest Denis, et Mme Depierre du lycée Paul Langevin de Beaucaire : ce lycée est labellisé « lycée ambassadeur du Parlement européen », ses élèves ont réalisé un « flambeau pour l’Europe » qu’ils ont transporté à vélo en petites équipes (par étapes bien sûr) de Beaucaire à Prague en juin… arrivée le 1er juillet. Bien sûr les élèves tchèques du lycée et Mme Studnicka étaient aussi présentes.


Après les mots de bienvenue du proviseur et de la Maison de l’Europe, Monika Oszmaniec, chargée des stages professionnels à la Maison de l’Europe, a présenté les stages en cours actuellement à Prague pour un petit groupe de jeunes de Nîmes-Métropole et de Vauvert – Petite Camargue.


M. Fleischmann a ensuite fait une présentation des actions menées pendant la présidence tchèque du Conseil de l’UE, souvent avec une touche très personnelle, assez éloignée des prudences du langage diplomatique : il a d’ailleurs indiqué ne pas être diplomate, mais plutôt homme de médias.


Il a rappelé qu’il avait passé quelques mois comme lycéen au lycée Daudet, avant de devoir le quitter : son père ayant demandé l’asile politique en France, lui-même ne pouvait plus être envoyé officiellement par le gouvernement tchécoslovaque.


Il a ensuite évoqué un fait très peu connu : le 17 novembre est la Journée internationale des étudiants, créée par la République tchèque pour commémorer l’écrasement d’une manifestation d’étudiants le 17 novembre 1939 : 1 200 ont été arrêtés, 9 ont été exécutés et les autres ont été envoyés dans des camps de « rééducation » nazis. Le 17 novembre 1989, 8 jours après l’ouverture du Mur de Berlin, plus de 50 000 personnes ont manifesté aux cris de « Liberté, démocratie », il y a eu des arrestations… c’était le point de départ de la « Révolution de velours » (le sang n’a pas coulé !). En 1999 la Tchéquie a rejoint l’OTAN et en 2004 l’Union européenne.


Puis M. Fleischmann a abordé les 6 mois (pas terminés) de la présidence tchèque du Conseil de l’UE. Il a insisté sur le rôle de cette présidence : aider à trouver des consensus, ne rien imposer.

Au départ les priorités pendant ces 6 mois, définies en accord avec la France qui précédait la Tchéquie et la Suède qui la suivra, composant ainsi un « trio », étaient :

- la crise migratoire déclenchée par la guerre en Ukraine

- la nécessité de ne plus dépendre des énergies fossiles russes

- la lutte contre la désinformation et la défense des valeurs démocratiques.

L’éventail des priorités s’est enrichi au fil des mois et il y a eu de nombreuses discussions entre États de l’UE sur ces sujets.

1 – Accueil des réfugiés d’Ukraine. La Tchéquie a accueilli 400 000 réfugiés, ce qui est beaucoup moins que la Pologne ne l’a fait, mais en proportion des populations c’est comme si la France devait en accueillir 3 millions ! Il a fallu répartir équitablement les aides de l’UE pour l’accueil de réfugiés.

2 – Sécurité énergétique. La Tchéquie a, comme la Pologne, beaucoup de mines de charbon, mais aussi des centrales nucléaires. Modifier en profondeur la structure de la production d’énergie demande du temps. Normalement il y a un Conseil des ministres européens par an sur ce sujet, il y en a déjà eu 3 en 6 mois et un Conseil européen doit également en traiter : l’objectif est de se passer le plus possible de la Russie, sans trop impacter les économies. Des plafonds de prix sont en discussion pour le pétrole et le gaz, une réussite est que les stocks de gaz sont pleins avant l’hiver à plus de 90 %, même s’ils ne représentent que 3 mois au plus de consommation.

3 – Défense. Il y a eu beaucoup de retards dans les investissements. Les entreprises qui produisent les matériels de défense sont souvent des entreprises privées, les aider à accélérer par de l’argent public nécessite des précautions. L’Allemagne a décidé de développer sa défense, certains craignent que son armée prenne trop d’importance en Europe.

4 – Cyberespace, cybersécurité. Tout ne repose pas sur les États, il faut faire pression sur les entreprises pour qu’elles prennent elles-mêmes des mesures responsables de protection.

5 – Résilience de l’économie de l’UE. Il faut diminuer la dépendance de l’économie européenne par rapport à la Chine et aux USA.

6 – Résilience des institutions démocratiques en Europe. « Certains États de l’Europe centrale ont un regard différent sur la démocratie, qui est une nécessité absolue pour l’UE ». Pas de noms, mais tout le monde a compris...

Il a cité quelques changements réglementaires qu’il a fallu trouver vite pour aider les pays victimes de la guerre en Ukraine : reconnaissance par l’UE des permis de conduire ukrainiens (sauf ceux délivrés par les autorités pro-russes d’occupation !), accroissement des importations de fruits de la Moldavie qui avait des difficultés à écouler ses fruits habituellement vendus à l’Ukraine.


L’ambassadeur a poursuivi avec des sujets moins liés à la présidence du Conseil de l’UE.

Il espère que le Conseil européen du 13 décembre permettra que plusieurs États de l’UE rejoignent l’espace Schengen de libre circulation : la Bulgarie, la Croatie, la Roumanie.

Pour lui il ne faut pas décevoir les pays qui attendent depuis longtemps d’entrer dans l’UE et auxquels on dit « Ce n’est pas encore le moment » : pays des Balkans, Moldavie, Ukraine. Il y a eu des progrès mais il ne faut pas les faire attendre trop longtemps à chaque étape.


Et surtout il a abordé avec beaucoup de passion la question des relations avec la Russie.

Pour lui (et pour son pays la Tchéquie) il faut interdire totalement que des Russes sortent de Russie pour faire du tourisme en Europe : il faut durcir les « facilités de voyage » accordées à des Russes.

Il trouve que la Communauté politique européenne proposée par le président Macron est une bonne idée, bien qu’elle soit très floue puisque le président Macron ne veut pas l’institutionnaliser. 44 pays ont répondu à l’invitation à la première réunion qui s’est tenue à Prague : la Russie a ainsi pu prendre conscience de la force et de la cohésion de l’Europe.

La Tchéquie est pour la création d’un tribunal extraordinaire pour juger les crimes de guerre de la Russie en Ukraine. Cette guerre est un problème mondial et pas seulement un problème européen.

Pour lui la diplomatie sert à assurer une coexistence pacifique entre les peuples, elle doit aussi défendre les faibles et même les perdants. « La guerre est une politique, elle n’est pas une diplomatie». Même si en diplomatie on doit toujours dire la vérité et être toujours prêt à négocier, difficile de discuter avec quelqu’un comme Poutine qui ne respecte ni les règles ni ses engagements !

L’ambassadeur constate avec plaisir que, si en 1968 aucun pays n’avait bougé contre les chars russes à Prague (il avait alors 16 ans…), pour l’Ukraine les Européens se sont unis.


Il a développé quelques idées fortes personnelles sur la Russie :

  • pour lui, qui dans son enfance sous le communisme a été imprégné d’anti-occidentalisme, il faut que les Européens apprennent ce qu’est vraiment la Russie, qui « depuis 1917 n’est plus en Europe ».

  • il considère que la Russie a toujours été impérialiste : elle est persuadée que seuls les Russes sont les « vrais slaves » et méprise les autres peuples slaves. Vaclav Havel a dit : « Un problème avec la Russie est qu’elle ne sait pas où elle commence ni où elle finit » : avec sa réaction à la guerre en Ukraine, l’UE a montré sa limite à la Russie !

  • les Russes sont persuadés d’être la conscience morale du monde, et l’Église orthodoxe russe les entretient dans cette opinion.


Face à cela, l’Europe doit persévérer dans la défense des droits de l’homme et de l’État de droit, sans compromission.



Enfin l’ambassadeur a volontiers répondu à des questions.

  • Les changements nécessaires dans l’agriculture et la protection des espaces naturels ont-ils été abordés ces derniers mois au Conseil de l’UE ? La guerre en Ukraine a retardé les choses de ce côté-là. Les objectifs pour 2035 restent les mêmes, mais pour le moment on n’a pas les solutions et « c’est la grandeur de l’Union européenne que de les chercher ensemble ».

  • Faut-il bien faire la distinction entre la population russe et les actions de ses dirigeants ? La population russe doit assumer ses responsabilités : s’opposer à ses dirigeants, manifester ! Beaucoup de Russes pensent que leur vie s’est améliorée avec Poutine, il faut qu’ils comprennent que c’est grâce au progrès général et pas à Poutine. Les industriels européens doivent quitter la Russie, sinon ils perdront tout, comme en 1938 en Tchécoslovaquie.

  • La Tchéquie doit-elle entrer dans la zone € ? Elle devrait le faire : elle remplit les conditions et son économie est à 90 % liée à l’€ !

  • Etes-vous favorable à l’entrée de l’Ukraine dans l’UE ? La Tchéquie défend ce point de vue, sur lequel il n’y a cependant pas unanimité dans l’UE. L’Ukraine est un grand et riche pays, même si beaucoup de choses seront à reconstruire.

  • Les centrales nucléaires de votre pays sont de conception et fourniture russes, d’un type qui ne pose d’ailleurs pas de problèmes de sûreté. Avez-vous des difficultés à obtenir de la Russie des pièces de rechange et du combustible ? Pas de difficultés, les échanges commerciaux fonctionnent, mais « les Russes ne nous ont pas transféré les technologies ». Nos prochaines tranches nucléaires ne seront pas russes (un appel d’offres international est en cours : USA – France – Corée) et pour le combustible nous faisons maintenant appel à l’industrie française.

  • Qu’allez-vous laisser à la Suède pour son semestre de présidence ? Beaucoup de choses, ils ne manqueront pas de travail !! 6 mois c’est très court quel que soit le pays qui assure cette présidence.

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