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Parfois, il y a aussi de bonnes nouvelles européennes…

Prenez cette histoire de redressement fiscal de 13 milliards (une paille) dûs par Apple à l’Irlande. Voilà une PME (Apple, donc), qui « pèse » 513 milliards de dollars de capitalisation boursière, et qui a payé année après année depuis 1991 quelque chose comme 0,005% d’impôts sur les bénéfices. En Irlande. Mais rien ou à peu près dans les autres pays, grâce à une optimisation fiscale particulièrement astucieuse, et grâce à la bienveillance du gouvernement irlandais. Bienveillance intéressée d’ailleurs, le faible taux d’imposition consenti étant une invitation adressée à d’autres sociétés à installer, même fictivement, leur siège social sous le ciel nuageux de la verte Erin.

La Commission ne l’entend pas de cette oreille et, comme écrit Jean Quatremer dans Libération du 31/8, Juncker, jadis fiscalement très accommodant quand il était aux commandes du Luxembourg, se mue aujourd'hui en chevalier blanc. Peut-on le lui reprocher ? Certainement pas, le pire aurait été au contraire qu’il perpétue à la tête de la Commission une pratique certes légale (tout comme le sont, d’ailleurs, les dispositions irlandaises, la compétence fiscale n’ayant toujours pas été transférée à l’UE) mais guère morale.

Ce qu’il y a de réjouissant dans cette affaire, c’est qu’on voit Juncker, épaulé par sa très combattive Commissaire à la Concurrence Marianne Vestager[1] et même par Moscovici qui se révèle plus allant à Bruxelles qu’à Paris, utiliser à son tour une ruse « à la Delors »: à bas bruit, sans bouleversement, sans remettre en cause la compétence fiscale au niveau des États, on peut aussi (quand on veut) faire évoluer les situations vers une forme de fédéralisme rampant, qui ne dit pas son nom mais qui n’en est pas moins efficace ; le respect des conditions d’une concurrence équitable est clairement, le terme est approprié, une compétence fédérale, il appartient donc à la Commission de l’exercer.

En effet, les entreprises qui bénéficient d’une fiscalité arrangeante et dérogatoire à la règle commune sont aidées à l’insu de leur plein gré, pourrait-on dire, par les autres Etats européens et au détriment de leurs concurrents moins bien lotis fiscalement : c’est donc une aide d’Etat illégale, non pas en soi puisque la plupart de ces aides sont légales, mais parce qu’elle n’est ni justifiée ni équitable.

Les GAFA et autres Starbucks ou McDo n’ont qu’à bien se tenir. Nous en tout cas, quand on lit des nouvelles comme celle-là, on biche. Ca nous change des Barroso et compagnie.

Jean-Luc Bernet

Pour en savoir plus : En Irlande, Apple et le fisc prodigue, article de Christophe Alixe, suivi de A Bruxelles, le chemin de Damas de Juncker, commentaire de Jean Quatremer, dans Libération du 31/8/2016. http://www.liberation.fr/futurs/2016/08/30/en-irlande-apple-et-le-fisc-prodigue_1475589

[1] Selon le journaliste, Marianne Vestager, ex-ministre des Finances dans son pays, aurait inspiré la figure de Birgit Nyborg, héroïne de la remarquable série danoise de fiction politique intitulée Borgen. Une série haletante, et qui fait rêver quant à ce que peut être la vie politique dans un pays démocratique lorsque la transparence et le respect des valeurs humanistes sont mises au premier plan (l’arrière-plan des calculs et des ambitions étant, lui aussi, toujours là, bien sûr). Si certains souhaitent visionner ces trente remarquables épisodes, me contacter. J-L B

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