Lettre Europe Novembre 2016
Réfugiés, demandeurs d’asile, migrants, personnes déplacées…
…quel que soit le nom qu’on lui donne, ce drame aura bel et bien été, et est encore, selon le mot de la députée européenne Sylvie Guillaume, un « crash test » pour l’UE. Un crash test avec son cortège de turbulences néfastes, même s’il amène aussi des réformes salutaires que les fédéralistes ne peuvent que saluer (cf ci-après). Rien ne dit d’ailleurs qu’au final ce ne sera pas un crash test réussi, même si les apparences ne sont pour l’instant guère prometteuses.
En effet le constat est navrant. En fin de compte, l’Europe hérite quasiment seule (avec le Liban, la Jordanie et la Turquie, qui sont en première ligne) d’un problème dont les États-Unis (de Bush Junior) et le Royaume-Uni (de Tony Blair) portent la responsabilité principale, ainsi que le démontre un ouvrage récent : dans « Sous le drapeau de Daesh », Joby Warrick considère que Daesh est, à proprement parler, une création de Bush. On ne saurait mieux dire.
Pourtant, face à ce désastre, aucune réponse des pouvoirs publics ne trouve grâce aux yeux de l’opinion, alors même que la lucidité et l’intelligence de la situation ont été tout de suite du côté de l’Europe, voir le programme proposé par Jean-Claude Juncker en mai 2015. Soutenu par le Conseil de l'UE, ce plan avait toutes les chances de faire face à l’urgence tout en conservant aux désespérés en quête d’un abri la possibilité de rentrer chez eux par la suite. C’était sans compter avec la réaction du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, Slovaquie, République tchèque), encouragé par le silence des États baltes, pas vraiment enthousiastes, par la mollesse de notre propre gouvernement, et c’était surtout sans compter avec la fermeture du Royaume-Uni, qui voyait là la parfaite justification de son refus de Schengen. Ce qui nous amène à la jungle de Calais (à la longue, on a fini par retirer les guillemets…).
La jungle de Calais, c’est bien l’intransigeance du Royaume-Uni qui en a fait comme on l’a souvent dit, non sans quelque complaisance dans le verbiage bien-pensant, « un scandale », « une honte », etc. Aujourd'hui reconnaissons que le gouvernement a su en assurer le démantèlement avec ce qu’il fallait de préparation, de fermeté et de bienveillance. Ce qui n’empêche pas certains, toujours les mêmes (heureusement peu nombreux), de dénoncer la démolition réputée « brutale » de ce qui était réellement devenu non pas un no man’s land, mais au contraire une poudrière humaine. Comprenne qui pourra.
Pour notre part, nous ne pouvons que rappeler inlassablement que la seule voie ouverte, sinon pour l’UE entière (puisque certains pays ont oublié qu’en adhérant à l’UE ils adhéraient à ses valeurs et à ses procédures) du moins pour les États qui s’engageraient dans une coopération renforcée (encore à construire), consiste à prévoir que les mouvements migratoires, quelles qu’en soient les causes, ne sont pas près de se tarir. La seule solution est de les anticiper, condition sine qua non, tant pis pour le gros mot, de leur maîtrise.
Jean-Luc Bernet,
président du Mouvement Européen Gard
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