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Sylvie Goulard retoquée au Parlement européen. Bon, et après… ?

Tout a été dit sur l’épisode Goulard. Le trou dans l’eau va se refermer rapidement, et Sylvie Goulard a rejoint son très lucratif poste à la Banque de France, qu’elle avait eu soin de ne pas quitter avant de connaître le résultat de son examen de passage. Je suis sévère, injuste même ? Certes. Je le revendique, car ma mauvaise foi est à la mesure de ma déception. Une déception à deux volets.


Mais d’abord un souvenir personnel : un jour de mai 2007, j’ai entendu Sylvie Goulard, alors présidente du MEF (Mouvement européen France), parler d’Europe à l’antenne de France Inter. Le lendemain même, je me suis présenté à l’adresse du Mouvement européen du Gard (c’était déjà la même que celle de la Maison de l’Europe) pour prendre ma part de ce militantisme européen auquel Sylvie Goulard appelait. J’attendais ça depuis vingt ans. Une attente active, d’ailleurs, avec une forte implication par des recherches, des publications et une participation professionnelle au programme européen « Jeunesse en action » (aujourd’hui intégré dans Erasmus +). Mais « militer pour l’Europe », voilà une belle idée qui m’a immédiatement convaincu et qui, je le sais, ne me quittera plus. Donc avant tout, merci à Sylvie Goulard d’avoir voulu transformer un MEF national, sympathique mais un peu ronronnant, en une vraie organisation de militants !


D’où une première déception : comment une femme de cette qualité, de cette envergure, de cette compétence, a-t-elle pu imaginer qu’elle échapperait aux radars insistants (et pourquoi ne le seraient-ils pas) de la presse et de l’opinion ? Comment a-t-elle pu penser que les confortables émoluments qu’acceptait de lui verser, sans grande contrepartie, un obscur (mais manifestement richissime) think tank américain, en complément d’une indemnité parlementaire raisonnablement confortable, passerait pour un simple et anodin « ménage » ? Comment a-t-elle pu supposer que le contraste entre son action passionnée au Parlement contre la pauvreté, qu’elle a revendiquée, et son propre enrichissement personnel, même légal, n’apparaîtrait pas pour ce qu’il est : aussi consternant que ridicule ? Force est de constater une fois de plus que ceux qui parviennent dans les hautes sphères du pouvoir, le plus souvent parce qu’ils en ont les capacités, deviennent vite la proie de deux démons bien dangereux : l’arrogance et la confiance dans l’impunité. Beaucoup résistent, heureusement ! Ceux qui succombent n’en sont que plus critiquables.


Et c’est sans doute là que gît ma deuxième déception : c’est que Macron lui-même ait pu croire que celle dont il avait dû, certainement à regret, se séparer en 2017 pour cause de menaces de poursuites pourrait sans dommage, se « recaser » à la Commission. Ses convictions européennes, et l’énergie qu’il met à faire avancer, du mieux qu’il le peut, l‘Europe à laquelle nous croyons, ne sont pas en cause, non plus que son intégrité personnelle. Mais le fait est là : le Président s’est obstiné malgré les avertissements qui n’ont pourtant pas manqué, même si la version officielle - à laquelle pour ma part je ne crois pas - est que c’est l’insistance d’Ursula von der Leyen à « exiger » Sylvie Goulard qui a eu raison de la réticence macronienne.


Maintenant, quoi ?

D’abord, remarquons que le Parlement a, une fois de plus, joué pleinement son rôle qui, en l’occurrence, était de sélectionner des Commissaires aussi compétents et irréprochables que possible : une procédure, dont, nous le disons souvent ici même, les Parlements nationaux feraient bien de s’inspirer. Certes, de minables calculs politiciens ont aussi pesé dans l’éviction de Sylvie Goulard. Même si cela rapproche l’Europarlement des Parlements « normaux », il n’y a sans doute pas lieu de s’en réjouir. Il n’empêche. La fable d’une Europe « non-démocratique » s’en trouve ainsi un peu plus écornée, et c’est tant mieux.

Ensuite, même si la presse est loin d’être unanime sur l’évènement (le verre est tantôt à moitié vide, tantôt à moitié plein), les regards se tournent vers l’avenir et les pronostics vont bon train. Souhaitons que Thierry Breton, le nouveau candidat de la France, soit autant que Sylvie Goulard - sans les casseroles, il devrait avancer plus vite - en mesure d'occuper efficacement la fonction.


Pour sa part, le MEF national, en la personne de son président, estime que cette affaire nous enseigne une « triple leçon de choses »[1] qui, nonobstant le regret qu’on perçoit en filigrane du texte, invite plutôt à l’optimisme.

Certains considèrent que ce cafouillage, évidemment regrettable, met l’Europe en grand danger, ne serait-ce que parce que l’ambition européenne du président français perd de sa crédibilité. C’est faire peu de cas de ce qui, dans un contexte qu’on n’a jamais connu aussi chaotique, a déjà pu être acquis et sera sans nul doute repris et consolidé par la prochaine Commission, même si elle se met en place avec un peu de retard.


C’est non seulement ce qu’il faut espérer, mais encore ce pour quoi il faut agir, à notre place, modeste mais indispensable, de militants de l’idée européenne.





[1] « Investiture de la Commission européenne : triple leçon de choses pour la France ? » Tribune d’Yves Bertoncini et Olivier Mousson, qu’on peut retrouver sur le site du MEF




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