La Bulgarie va-t-elle nous étonner ?
Ce pays d'un peu plus de 7 millions d'habitants, arrivé en 2007 seulement dans la famille européenne, reste encore à la porte de Schengen et de l’euro. Cela pour bien des raisons, bonnes et moins bonnes, qu’il n’est pas question de détailler ici. Toujours est-il qu’il a pris son tour dans la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, cette survivance institutionnelle dont même les mieux intentionnés ont parfois du mal à voir l’intérêt - et dont se délectent tous ceux qui soutiennent, parfois au mépris du bon sens, que le système institutionnel européen est « incompréhensible ». Mais ceci est une autre histoire.
Le fait est que le système en question a quand même l’avantage de permettre à tous les pays, grands ou petits, de mettre les mains dans le cambouis. De toute façon, il est prévu de le maintenir au moins jusqu’à fin 2020, le calendrier des présidences étant fixé jusque-là - et même jusqu’en 2030, mais le dit calendrier reste étrangement introuvable alors qu’il est censé être disponible sur le site du Conseil de l’UE[1].
Revenons à la Bulgarie. La voilà donc à son tour en charge de faire tourner la machine européenne, du 1er janvier au 30 juin 2018. Dans le contexte actuel, il serait étonnant que cette présidence soit un long fleuve tranquille, même si le premier ministre bulgare, Boïko Borissov, est un vieil animal politique qui a survécu à toutes les crises. D’ailleurs les premiers jours de la présidence bulgare ont été marqués en Bulgarie même par quelques manifestations, certes éphèmères (l’hiver bulgare est rude), dirigées pêle-mêle contre la corruption, les violences faites aux femmes, la pauvreté.
Quel bilan sera tiré de cette présidence sur le fil du rasoir, alors que l’Italie vacille, que le Brexit patine, que la menace migratoire continue de peser, que la Grèce commence tout juste à voir le bout du tunnel, que le lyrisme pro-européen du président français peine à créer l’élan attendu ? Il est de toute façon un peu tôt pour le dire, et nous espérons pouvoir poser la question à un représentant de l’ambassade de Bulgarie en France qui devrait honorer de sa présence la soirée que nous voulons consacrer à ce pays et à sa présidence du Conseil de l'UE:
lundi 25 ou mardi 26 juin, à la Maison du Protestantisme, de 18h à 21h
(la date initialement prévue du 29 juin a dû être modifiée en raison d’un voyage en France, annoncé in extremis, du président bulgare Roumen Radev du 28 au 30 juin. Scoop!)
Le programme complet de cette manifestation sera communiqué ultérieurement mais elle s’inscrit dans une tradition désormais établie de soirées à la fois informatives et conviviales, marquant la fin de ces présidences tournantes, en mettant à l’honneur le pays qui rend son tablier après ses six mois réglementaires.
Pour finir sur une note optimiste, il est quand même un domaine sur lequel oui, la Bulgarie nous étonne : c’est l’économie. Évidemment, l’Europe y est pour beaucoup, et les transferts au titre des Fonds structurels, moins massifs que d’aucuns se l’imaginent mais néanmoins conséquents, jouent leur rôle redistributeur et catalyseur. Mais la Bulgarie, comme d’autres pays récents dans l'UE (pensons à l’Estonie) a aussi su se saisir de toutes les opportunités de l’économie numérique (dont elle fait d’ailleurs une des priorités de sa présidence[2]) pour lever certains freins, notamment bureaucratiques qui continuent de peser ailleurs (inutile d’aller très loin pour en trouver des exemples). La Bulgarie est ainsi un pays où la création d’entreprise s’avère particulièrement facile et rapide, ce qui est sans doute un des ingrédients de l’insolente croissance à 3,4%. Un autre est bien sûr le SMIC le plus faible d’Europe. MAIS : c’est aussi le pays où il a le plus augmenté (juste après la Roumanie), avec un quasi-doublement entre janvier 2010 et juillet 2017, de 122 à 235 euros. Et le chômage est à 6% ! Qui dit mieux ?
Donc, rien n’est parfait, mais sachons, malgré tout, voir le verre à moitié plein quand l’occasion s’en présente. Et puis un pays dont la capitale est à moins d’une heure d’une belle station de ski (Vitocha) ne peut pas être entièrement mauvais…
Juste après avoir écrit ces lignes, j’ai lu dans l’Obs un article qui donne un éclairage beaucoup moins optimiste sur ce pays : la Bulgarie, qui se vit depuis longtemps comme le « petit frère » de la Russie, serait travaillée en sous-main par des forces qui cherchent à en faire un « cheval de Troie » de Moscou en Europe. Et il est vrai que Poutine a aujourd'hui, autant que l’UE, les moyens d’offrir beaucoup d'avantages à la Bulgarie, le gaz à bas prix par exemple. Cela dit, le pire n’est pas toujours sûr, l’évolution à venir dépend peut-être aussi de nous. C’est sous cet angle qu’il faut voir la visite improvisée de Radev à Macron.
Rendez-vous le 25 ou 26 juin pour en parler un verre dans une main, une rose[3] dans l’autre avec une personne de l’ambassade de Bulgarie en France (à noter: l'ambassadeur représente aussi son pays auprès de l’UNESCO).
Jean-Luc BERNET
[1] Pour en savoir plus : http://www.consilium.europa.eu/fr/council-eu/. Cependant wikipedia donne un calendrier jusqu'en 2030.
[2] Pour en savoir plus : http://www.consilium.europa.eu/fr/council-eu/presidency-council-eu/. Pas d’angoisse, c’est en français.
[3] La Bulgarie est un grand producteur de roses et d'essence de rose pour la parfumerie