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Vignette: L’Europe et les brevets sur les vaccins

Radio système, la radio locale de Vauvert, publie chaque semaine une courte présentation en lien avec l’actualité européenne. Ces « vignettes » radiophoniques tiennent en partie de l’information et en partie de l’analyse. La Lettre Europe en choisit chaque mois une pour vous.


Voilà un sujet sur lequel il est très difficile d’obtenir des informations récentes et fiables. La complexité du sujet sert de prétexte facile pour dénoncer à grand bruit l’égoïsme des pays riches, ou la rapacité des grandes firmes pharmaceutiques. Qu’en est-il réellement ?

À la surprise générale, c’est Joe Biden lui-même qui a lancé le débat sur la levée des brevets, en proclamant que les États-Unis allaient s’engager sur cette voie. Après quoi son administration s’est empressée de ne rien faire. Les Européens ne pouvaient guère que lui emboîter le pas. D’autant que sur le plan juridique, le système de licences dites « d’office », justifié par la situation sanitaire, permettait aux pays moins favorisés de produire à leur tour ces vaccins, en toute légalité.

Mais ces belles intentions se sont vite heurtées à la réalité. La réalité c’est qu’il ne suffit pas d’avoir le droit de produire, encore faut-il avoir la capacité de le faire, et ensuite de distribuer efficacement et équitablement ce qui a été produit. Or cela ne s’improvise pas : il y faut certaines conditions, la première étant de disposer d’un État solide et d’une administration compétente et intègre. Sans parler des technologies et des infrastructures. Or cela n’existe pas partout, et à peu près nulle part en Afrique. Notons que l’Amérique latine, où les structures étatiques sont en général plus robustes, la vaccination n’a pas posé de problème majeur, comme au Chili, où 95% de la population est vaccinée.

Dans le même temps, chaque semaine de l’année 2021 apportait son lot de surprises, toujours mauvaises, dont la déferlante omicron a été la plus dévastatrice.

Du coup, la solution qui est apparue comme la plus rapide a été l’exportation à faible coût des doses produites en Europe même, plutôt que la levée des brevets. Mais même cette solution s’est heurtée à la corruption locale, aux problèmes de distribution, à la faiblesse des systèmes de santé, etc. On a ainsi pu voir plusieurs centaines de milliers de doses livrées au Nigéria perdues faute d’une distribution dans les temps.

Surtout, la solution intelligente à terme est évidemment d’aider les pays africains qui en font la demande et qui offrent des garanties suffisantes contre le gaspillage, à construire leur propre industrie de fabrication de vaccins. C’est le cas du Sénégal, qui construit une usine capable avant la fin de 2022 de produire 300 millions de doses : de quoi se servir et servir ses voisins. L’Europe soutient le projet à hauteur de 75% : qui dit mieux ? Mais pour cela, le président du Sénégal est allé en personne à Bruxelles exiger l‘aide européenne, et celle-ci a pu être accordée en toute sécurité parce que l’Institut Pasteur de Dakar pilote le projet avec toutes les garanties souhaitables.

Cet exemple concentre à peu près toutes les données du problème : l’égoïsme des pays riches n’est pas niable. Encore le trouve-t-on surtout du côté du Royaume-Uni et des États-Unis, alors que l’initiative Covax, lancée par l’Union européenne, a permis d’exporter vers les pays les plus fragiles 20% des doses produites en Europe. Mais force est de constater que les solutions ne se trouvent pas sous le pas d’un cheval, surtout face à une pandémie qui continue de nous surprendre chaque jour : les solutions se construisent avec le temps. Parfois il est possible d’aller vite, la coopération aidant : on l’a vu.


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