Accords post-Brexit et Irlande du nord : des remises en question ?
Le 5 mai, pour la première fois, les élections à l’Assemblée locale d’Irlande du nord ont donné une majorité au Sinn Féin, parti républicain favorable à une réunification avec la République d’Irlande, quittant ainsi le Royaume-Uni.
Dans la foulée, le bouillant Boris Johnson a annoncé préparer des mesures législatives pour modifier unilatéralement le « protocole nord-irlandais », mis au point laborieusement pour permettre la signature des accords entre le Royaume-Uni et l’UE à la suite du Brexit. Il a déclaré ce protocole « intenable ».
Que cherche BoJo dans cette nouvelle confrontation avec l’Union européenne, alors que le sujet des conséquences du Brexit avait quitté l’actualité européenne, largement occupée il est vrai par la guerre en Ukraine ? Pense-t-il pouvoir profiter d’une période où l’attention des responsables de l’UE est focalisée sur la situation en Ukraine et les sanctions contre la Russie, avec leurs conséquences politiques et économiques ?

Le protocole nord-irlandais a fixé la frontière douanière entre le Royaume-Uni et l’UE en mer d’Irlande (en pratique dans les ports d’Irlande du nord et de République d’Irlande) : l’Irlande du nord reste ainsi dans l’union douanière européenne. Cela a évité de recréer entre les deux parties de l’Irlande une frontière disparue depuis les accords du Vendredi Saint 1988 qui ont mis fin aux émeutes et confrontations meurtrières en Irlande du nord entre « unionistes » (voulant rester dans le Royaume-Uni) et « nationalistes » (voulant rejoindre la République d’Irlande).
En conséquence de ce protocole, les marchandises arrivant en Irlande du nord en provenance du reste du Royaume-Uni sont contrôlées dans les ports d’Irlande du nord. Cela crée quelques difficultés et retards de livraison, et les unionistes sont politiquement très opposés à cette différence de traitement par rapport aux autres parties du Royaume-Uni.
Consciente de ces difficultés d’application, l’UE a proposé dès octobre 2021 certains aménagements pour fluidifier les échanges commerciaux, mais BoJo veut aller beaucoup plus loin. Il prend ainsi le risque de déclencher une véritable guerre commerciale avec l’UE.

Les raisons de ce raidissement extérieur sont sans doute à chercher du côté de la politique intérieure du Royaume-Uni, comme c’est très souvent le cas dans tous les pays. Le parti conservateur du Premier ministre a subi de lourdes pertes aux dernières élections locales et Boris Johnson, qui en est tenu pour responsable, doit donner des gages de fermeté envers l’UE - voire de combativité – à l’aile la plus extrême de son parti, qui rassemble les « brexiteurs » les plus radicaux.
Parmi eux il y a les membres du DUP, le parti unioniste qui était jusque-là à la tête de l’Assemblée de l’Irlande du nord et qui refuse de participer aux institutions locales aux côtés du Sinn Féin tant que le protocole nord-irlandais signé avec l’UE n’est pas profondément modifié. Peut-être aussi BoJo voit-il là aussi une occasion de faire un peu oublier dans l’opinion les violentes critiques contre lui pour avoir participé à des réunions festives dans sa résidence officielle du 10 Downing street pendant des périodes où le Covid interdisait de telles réunions ?
Jean-Jacques Smedts
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