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ET NOUS CESSONS LE COMBAT A LA 48e HEURE !

Encore une lubie des Eurocrates ! Nos militaires doivent respecter les 48 heures de travail et cesser le combat dès que cette limite est atteinte !

Pour illustrer cette folie bruxelloise, il suffit de relire le savoureux passage d’ « Astérix chez les Bretons » 1 lorsque les (Grands) Bretons cessent le combat face aux Romains parce que c’est l’heure du thé !


Vrai ou faux ? Décryptons cette information :

Tout commence en 2014, avec un litige entre un sous-officier de l’armée slovène et sa hiérarchie. Après avoir été de garde pendant sept jours d’affilée, il demande à être rémunéré en heures supplémentaires. L’affaire arrive devant la Cour suprême de Slovénie qui se tourne alors vers la Cour de justice de l’U.E. pour savoir si la question du temps de travail définie par une directive de 2003 s’applique ou non à l’armée.

La directive 2003/88/CE détermine les seuils à ne pas dépasser : un repos minimal de onze heures d’affilée par tranche de vingt-quatre heures ou une durée maximale de quarante-huit heures de travail par semaine.

Dans son arrêt du 15/07/2021 Ministivo Za Obrambo, la Grande chambre de la C.J.U.E. estime que « les activités liées à des services d’administration, d’entretien, de réparation, de santé, de maintien de l’ordre ou de poursuite des infractions ne présentent pas, en tant que telles, des particularités s’opposant à toute planification du temps de travail respectueuse des exigences imposées par la directive 2003/88, à tout le moins tant que ces activités ne sont pas exercées dans le cadre d’une opération militaire ou au cours de sa préparation immédiate . Ladite directive ne s’applique pas aux activités des militaires et, notamment à leurs activités de garde lorsque celles-ci interviennent dans le cadre de leur formation initiale, d’un entraînement opérationnel ou dans le cadre d’opérations impliquant un engagement militaire »


Pour la classe politique française, la décision de la Cour européenne est incompréhensible. Elle viole la « nécessaire libre disposition de la force armée et la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation » ! Nos sous-marins nucléaires devront remonter à la surface au bout de 48 heures !

La décision de la Cour n’a pourtant pas été prise à la légère (c’est la Grande chambre qui s’est prononcée soit la formation la plus prestigieuse de la Cour) et elle s’appuie sur des textes européens vieux de près de vingt ans qui ont été votés à l’instigation de la France.


« En réalité, la Cour de Justice est du côté de la France dans cette affaire. Elle a vraiment essayé d’être dans le compromis avec tout ce que les traités lui imposent » dit un juriste.

Elle autorise aussi une autre exception : le cas où l’organisation du travail est propre à l’armée et où l’on ne peut imposer d’horaires, une citation extrêmement floue qui laisse la possibilité à la France de décider assez librement, des domaines soumis ou non à cette directive.

« Le problème ici, ce n’est pas vraiment la décision de la Cour, cela remonte plus loin, ajoute un chercheur en droit européen, en réalité s’il y a une impasse aujourd’hui c’est parce que la directive a été extrêmement mal négociée en 2003. On n’a pas, ou très peu fait d’étude d’impact juridique en amont et c’est souvent le cas avec la France ».


Mais, si les activités purement militaires ne sont pas concernées, qu’en est-il de la gendarmerie, puisque la France fait partie des quelques pays européens ² ayant une police militarisée. Un gendarme allait-il cesser de poursuivre les voleurs et les assassins au bout de 48 heures ?

Le Conseil d’État a été saisi par un gendarme et son jugement était attendu : est-ce que la plus haute juridiction administrative française allait mettre ses pas dans ceux des juridictions polonaises et invoquer une clause de sauvegarde permettant d’échapper au droit européen ? Les juges ont déterminé si les gendarmes étaient concernés par la directive sur le temps de travail et ont conclu que oui. Ensuite, ils ont examiné si l’organisation du travail de la gendarmerie départementale contrevenait à la directive. Dans leur jugement du 17 décembre ((décision n°437125), ils ont ainsi estimé, au regard des spécificités de cette organisation et du logement des gendarmes en caserne, qu’il n’y avait pas lieu d’inclure les astreintes dans ce décompte du temps de travail. Ils ont par ailleurs rappelé que celui-ci pouvait être apprécié en moyenne sur six mois et que la limite de 48 heures n’était pas applicable en cas de circonstances exceptionnelles. Rejetant la requête du gendarme, ils n’ont pas eu à vérifier si les exigences constitutionnelles de libre disposition de la force armée risquaient d’être compromises par l’application du droit européen.



Donc, il n’est pas nécessaire de jeter le droit européen aux orties !

Cette affaire est emblématique : avant de pousser des cris d’orfraie, les hommes politiques (et les commentateurs) devraient s’astreindre à deux choses :

1) Lorsqu’on propose un texte à l’Union européenne, il faut bien étudier au préalable ses impacts, ce que n’ont pas fait les instigateurs français de la directive de 2003.

2) Face à une décision de la justice européenne, l’étudier à fond avant de crier au viol de la souveraineté nationale !


1 « Astérix chez les Bretons » dessins de Uderzo, texte de Goscinny, Dargaud édition 1966

² La Bulgarie, la Hongrie, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal et la Roumanie sont les seuls États de l’Union européenne ayant une force de gendarmerie ou assimilée.

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