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Jacques Delors, un homme d’État… sans État !



Jacques Delors était un homme singulier : il a exercé les plus hautes fonctions sans avoir fréquenté les grandes écoles, il a plaidé le réalisme dans un gouvernement animé par les utopies du programme commun, il était socialiste dans un milieu européen libéral, il avait des préoccupations sociales dans une Europe marchande, il a réussi à faire avancer la construction de l'Europe en dépit des Britanniques, il a promu l'euro malgré les réticences allemandes.

Il n'a jamais cherché à séduire les électeurs par des promesses fallacieuses, il a toujours été fidèle à ses convictions.

C'était un véritable homme d’État, c'est à dire quelqu'un capable de gouverner non pas selon les intérêts d'un clan ou d'un parti, les soubresauts des sondages mais en fonction de ce qu'il considérait comme étant l'intérêt général.

Malheureusement, il n'a jamais eu toutes les manettes d'un État entre les mains pour exercer pleinement ses talents. Il a été ministre dans un gouvernement dont il ne partageait pas les principales orientations, président d'une Commission européenne qui n'était que l'embryon d'un gouvernement européen. Par deux fois, il a refusé le pouvoir : en 1983, Mitterrand lui propose de devenir premier ministre, en 1994, il renonce à la candidature à l'élection du président de la République, estimant à chaque fois qu'il n'aurait pas les moyens de sa politique.

Il prendra place parmi ceux que l'on appelle les pères de l'Europe ; pour le moment, il est le dernier digne d'être accroché au mur de cette longue galerie de portraits.


Frédéric Bourquin, président de la Maison de l'Europe de Nîmes

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