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L’Europe sociale est-elle encore un sujet ?

Oui, bien sûr, et on n’a pas fini d’entendre des âneries sur la soi-disant faillite de l’Union européenne en matière de santé (ou autre). Récemment encore, Pierre Jacquemain, directeur de la revue Regards (considérée comme d’extrême gauche), s’est fait moucher rudement sur le plateau de 28 Minutes par Jean Quatremer, connaisseur hors pair des questions européennes : il avait cru pouvoir tenter une bien hasardeuse comparaison entre les stratégies vaccinales des États-Unis et de l’Union européenne - dont il a fallu lui rappeler qu’elle n’était pas un État fédéral. Du reste, comme cela a été également rappelé, les 750 milliards du plan de relance, ajoutés aux sommes fournies par les États pour compléter le financement de l’après-Covid, seront sans doute au moins au niveau, voire au-delà, des intentions, au demeurant très louables, de l’administration Biden. On est donc bien loin d’une quelconque « faillite » européenne.

Cela dit, la question n’est plus aujourd’hui « comment rendre visible la dimension sociale de l’Europe ?», tant celle-ci est évidente à toute personne de bonne foi, mais bien « comment la prolonger et l’approfondir ? ». Il est clair que la pandémie est pour beaucoup dans ce changement de perspective. Mais on observe aussi que, dans le prolongement de la problématique sanitaire stricto sensu, apparaissent de nouveaux thèmes relevant du champ social - lequel reste toujours, en principe, hors compétence européenne. Outre l’impact social du plan de relance, des idées relativement anciennes refont surface et rencontrent un écho qu’on aurait à peine imaginé voici encore un an.


Ainsi du programme SURE (encore un acronyme dans un anglais qui nous collera longtemps aux basques : Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency - Soutien pour atténuer les risques de chômage en cas d'urgence), adopté le 17 avril 2020 et activé le 22 septembre 2020 (note 1). Le principe est celui d’obligations sociales (le terme lui-même est innovant) émises par la Commission sur les marchés financiers et prêtées à tout État-membre se trouvant en situation d’urgence pour le règlement des indemnités de chômage liées à la crise sanitaire.


Dans le prolongement de ces réponses de court terme, on voit émerger d’autres thématiques qui pourraient acquérir par la suite une dimension européenne : soit en entrant de plain-pied dans le processus de co-législation (par lequel le Conseil de l’UE et le Parlement légifèrent à partir des propositions de la Commission), soit en suscitant des expériences qui peuvent ensuite donner lieu à des coopérations renforcées, puis, dans un deuxième temps, à des directives ou des règlements.


Par exemple : il est établi que des formes de revenu minimum, voiture-balai de la protection sociale, (à distinguer du salaire minimum), existent désormais dans la plupart des États-membres (note 2). Mais sous des formes très disparates, tant dans les montants que dans les groupes-cibles. Cependant, des expérimentations, limitées dans l’espace et dans le temps, ont été mises en place dans plusieurs pays (Allemagne, Finlande, Pays-Bas, France, Espagne), et l’analyse de leurs résultats peut alimenter une réflexion à l’échelle européenne sur la faisabilité de tels dispositifs, leur coût, leur efficacité, etc. Des voix s’élèvent pour que ces expérimentations soient analysées, reprises, popularisées, et que l’UE s’en saisisse à une échelle plus large (note 3). Parmi ces voix, notons celle d’Ana Mendes Godinho, ministre portugaise de la solidarité. Le Portugal assurant jusqu’au 30 juin la présidence du Conseil de l’UE, et ayant prévu d’ores et déjà un important « sommet social » à Porto en mai, on peut supposer que cette question sera sur la table.


À plus long terme, ces questions peuvent être reprises au titre de la Méthode Ouverte de Coordination (MOC), qui est un des outils que l’UE développe et encourage depuis les années 90 pour progresser dans des domaines qui ne sont pas de sa compétence (note 4). Le programme ERASMUS, grande réussite européenne, en est un exemple abouti même si sa mise en place (1987) est encore antérieure à la formalisation de la MOC.


Un groupe de travail s’est mis en place au sein du Mouvement Européen France, sous l’impulsion de Jessica Chamba, ancienne présidente des Jeunes Européens France et vice-présidente du Mouvement Européen International (MEI), afin de déboucher sur des propositions et d’alimenter le programme de la future présidence française du Conseil de l’UE (1er semestre 2022), notamment dans le champ social.


En bref, non seulement l’Europe sociale reste, malgré tout, un sujet, mais on n’a pas fini d’en parler.


Notes

(2) Peu d’études sur le sujet pour l’instant. En voici néanmoins une qui remonte à 2010 : https://www.pourlasolidarite.eu/fr/publication/revenu-minimum-en-europe

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