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Les Balkans occidentaux, c’est complexe !

Le relief montagneux favorise-t-il les replis nationaux, voire nationalistes, et les antagonismes ? On le constate dans le Caucase, et aussi dans les Balkans occidentaux, qui se composent des états de l’ex-Yougoslavie et de l’Albanie. Les états des Balkans orientaux, eux, sont dans l’Union européenne : Bulgarie et Roumanie.

Trois exemples de cette complexité.


1 - Tout d’abord la Bosnie-et-Herzégovine, qui concentre à elle seule sur son territoire un résumé des problèmes de cette région de l’Europe. Cette république fédérale est candidate depuis 2016 à l’entrée dans l’UE mais sa candidature n’a toujours pas été agréée, contrairement à celles de : l’Albanie, la Macédoine du Nord, le Monténégro et la Serbie. Un coup de projecteur sur la Bosnie-et-Herzégovine.


Trois composantes ethniques désignées comme « peuples constitutifs » par la constitution et définis par leurs histoires et leurs traditions culturelles et religieuses : les Bosniaques, musulmans sunnites – les Croates, chrétiens catholiques – les Serbes, chrétiens orthodoxes. On est loin de la conception française de la citoyenneté et notamment de la laïcité. Les citoyens du pays, à peine 3,5 millions d’habitants, sont les Bosniens.

Deux entités administratives distinctes, à la suite des accords de Dayton de décembre 1995 (négociés à la base militaire de Dayton aux USA mais signés à Paris), qui se sont traduits par ce qu’il faut bien appeler des déplacements ethniques de populations :

  • La République serbe de Bosnie, aux contours géographiques complexes, au nord et au sud-est du pays, qui a de fortes velléités d’indépendance et éventuellement de rattachement à la Serbie.

  • La Fédération de Bosnie-et-Herzégovine, au centre et à l’ouest du pays.

S’ajoute à cela le Haut représentant international pour la Bosnie-et-Herzégovine, nommé par le Conseil de mise en œuvre des Accords de paix. Il dispose de pouvoirs étendus tels que l'annulation de décisions de l'exécutif et du parlement de Bosnie-et Herzégovine qu’il estimerait contraires à l'esprit des accords de paix de Dayton, dont il est l’autorité d’interprétation. Il rend compte de son action tous les 6 mois au Conseil de sécurité des Nations-Unies.

Trois présidents « réunis dans une présidence collégiale », une expression bien pudique… Ces trois présidents, un par ethnie, sont élus en même temps, mais les électeurs de la République serbe de Bosnie ne choisissent que parmi les candidats serbes alors que les électeurs du reste du pays votent pour l'un ou l'autre des candidats bosniaques et croates. Les trois présidents alternent à tour de rôle à la tête de la présidence collégiale, pour des périodes de huit mois…

Inutile de dire que le pays fonctionne cahin-caha, comment pourrait-il en être autrement avec un tel imbroglio traversé de profondes rivalités ? A côté de ce pays le Liban est un modèle de simplicité, et pourtant…


2 - Ensuite la Croatie, où un recensement de la population vient de se dérouler. La Croatie est membre de l’UE depuis mi-2013.

Par ce recensement, il s’agit de dénombrer les habitants, avec une interrogation : combien ont émigré ces dernières années vers d’autres pays de l’UE, comme l’Allemagne, l’Autriche, l’Irlande ? Certains experts s’attendent à une diminution de plus de 10 % entre 2011 (4,3 millions) et 2021.

Et il s’agit aussi -et cela déchaîne des passions - de déterminer les rapports de force entre la majorité nationale et les minorités reconnues officiellement, minorité serbe (un peu plus de 4 % de la population en 2011) et minorité italienne (0,4 % en 2011, elle est surtout en Istrie). Les droits politiques des minorités dépendent en effet de leurs poids démographiques.

Se mêlent à cela des questions religieuses : une campagne d ‘affichage d’une association d’extrême droite croate a invité les Serbes de Croatie à se déclarer « Croates et membres de l’Église orthodoxe croate » (qui n’existe pas !) … Un moyen, par ce levier trompeur de la religion orthodoxe, pratiquée par beaucoup de Serbes de Croatie, de diminuer l’importance apparente de la minorité serbe dans la population recensée.

Les résultats du recensement seront connus dans 1 an. Imagine-t-on aujourd’hui en France un recensement d’une portée aussi politique ?



3 - Enfin le Monténégro, pays d’à peine plus de 600 000 habitants, où là aussi la religion est utilisée pour diviser la population. Le Monténégro a été la dernière des républiques de l’ex-Yougoslavie à quitter en 2006 la Fédération qu’elle formait encore avec la Serbie. La monnaie du pays est de facto l’euro, sans que le Monténégro fasse évidemment partie de la zone euro : c’est simplement une facilité pratique, sans doute appréciée des étrangers qui fréquentent ce petit pays très touristique.

Le dimanche 5 septembre, à Cetinje, ancienne capitale du pays, l’intronisation du nouveau métropolite de l’Église orthodoxe serbe a déclenché de violentes manifestations, une minorité « agissante » de la population considérant l’Église orthodoxe serbe comme un instrument d’ingérence de la Serbie dans les affaires du Monténégro. Plus de 70 % de la population du pays se déclarent orthodoxes et la plupart se rattachent à l’Église orthodoxe serbe, mais une minorité nationaliste se réclament de l’Église orthodoxe monténégrine… qui n’est pas reconnue canoniquement.

Beaucoup voient derrière ce clivage apparemment religieux une instrumentalisation politique orchestrée par le président Milo Dukanovic, qui a été de 1991 à 2020 l’homme fort du pays avec son parti le DPS (Parti démocratique des socialistes). La défaite du DPS aux élections législatives de 2020 a cantonné le président à un rôle représentatif. Avant le 5 septembre le président et des cadres du DPS avaient appelé la population à « défendre l’intérêt national et arrêter l’impérialisme serbe », accusant le premier ministre actuel et son gouvernement d’être à la solde de la Serbie et de l’Église orthodoxe serbe.

Cette tentative de déstabilisation a cependant été un échec, le gouvernement ayant gardé le contrôle de la situation et l’appel du président à « défendre la patrie » n’ayant pas mobilisé massivement la population.

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