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Vers un bloc contre-populiste centre-européen?

Depuis le milieu des années 2010, le groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, Slovaquie et République Tchèque) est passé de l'incarnation du libéralisme pro-Atlantique à une forme de laboratoire du populisme au pouvoir. Mais l’histoire continue. Et si l'Europe centrale expérimentait déjà une résistance sous forme d’un bloc contre-populiste?

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Illibéralismes

En Hongrie Viktor Orban incarne à la perfection le passage du libéralisme politique et économique militant au populisme conservateur. L'ancien diplômé d’Oxford est devenu en août 2014 le théoricien du dépassement de l'État de droit par les valeurs traditionnelles hongroises. « L’orbanisation » est désormais synonyme d'un modèle de démocratie illibérale, alliant identité, souverainisme et pratiques érodant l’État de droit, construisant un nationalisme européen nouveau.

En Pologne, le PiS (parti Droit et justice) au pouvoir est régulièrement tancé par les institutions européennes pour le non-respect de l'État de droit, avec des attaques régulières contre la justice et les médias. Ces attaques font l’objet elles-mêmes de vigoureuses manifestations de protestation.

La République tchèque, elle, présente une forme de cohabitation originale entre le président Milos Zeman, social-démocrate populiste anti-immigration, plutôt pro-russe et pro-chinois et son Premier ministre Andrej Babis [issu] du centre droit libéral et populiste, incarnant une forme de gouvernance affairiste.

Enfin, autre configuration, la Slovaquie a élu en mars 2019 une présidente sociale-libérale européenne écologiste, Zuzana Caputova, mais le Premier ministre Peter Pelligrini appartient au mouvement SMER de Robert Fico, connu pour ses critiques contre les politiques migratoires européennes (Fico, rappelons-le, avait été contraint à la démission suite à l’assassinat du journaliste Jan Kuciak en 2018).

Oppositions

Les maires des capitales de ces quatre pays, [en signant] en décembre 2019 un « Pacte des villes libres », ont donné explicitement une réponse transnationale aux régimes nationaux populistes:« Ensemble... ...nous sommes bien mieux informés. Nous devons aussi faire cela pour prévenir toute nouvelle vague de populisme qui fournirait des réponses trop simples ou mauvaises à toutes ces questions complexes », expliquait ainsi Zdenek Hrib, le maire de Prague. Début d'un bloc contre-populiste ou simple effet d’annonce momentané et opportuniste ?

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Face aux régimes divers des États du groupe de Visegrad, l’Alliance des villes libres ne constitue pas un parti. Par-delà la différence des contextes, les signataires, tous nés entre 1972 et 1981, se revendiquent d'un certain nombre de valeurs : la liberté, la dignité, la démocratie, l'égalité, l'État de droit, la justice sociale, la tolérance et la diversité culturelle. Des nuances existent, du fait des particularités des contextes nationaux et locaux, faits d’alternances et de préférences politiques. Leurs tendances politiques sont également différentes: alliance du centre gauche écologiste à Budapest (avec, de manière ambiguë, un soutien du parti nationaliste Jobbik), de centre droit à Varsovie (Plateforme civique), et mouvements moins classables, "pirates" à Prague, indépendants à Bratislava.


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Faut-il voir dans ce "Pacte des villes libres" le fer de lance d’un nouveau « bloc contre-populiste », se confrontant aux populistes au pouvoir ? Le bloc populiste étant au pouvoir au niveau national, la résistance démocratique ne peut venir que du niveau local, comme le socialisme municipal en France avait précédé l’arrivée au pouvoir au niveau national. Mais les capitales qui ont signé le pacte, et les grandes villes qui ont été perdues par les populistes (le Fidesz en a perdu six en octobre dernier) pourraient aussi apparaître comme le « syndicat des villes gagnantes de la mondialisation », dans des contextes de polarisation entre des centres urbains mondialisés et des territoires périphériques.

Enfin, cette démarche des maires des capitales n’est peut-être pas tout à fait désintéressée: cette coalition des capitales peut viser à obtenir plus facilement des fonds européens, contournant les contraintes financières de leurs gouvernements.


Extraits d’un article de Florent Parmentier, enseignant-chercheur à Sciences-Po et HEC, paru dans le bulletin Telos.

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