Vers une convergence internationale sur l’imposition des entreprises ?
Chacun le sait : les grandes entreprises, particulièrement les multinationales, pratiquent avec dextérité ce qu’on appelle pudiquement « l’optimisation fiscale », plaçant leurs sièges et ceux de leurs filiales dans les pays où la fiscalité est la plus basse, pour y loger leurs bénéfices. Les paradis fiscaux ne sont pas tous dans des îles tropicales et l’Europe elle-même compte des pays ou des territoires qui sans être des paradis fiscaux sont beaucoup plus « accommodants » que les autres (qu’en termes délicats ces choses-là sont dites!)…
Les pertes de rentrées fiscales qui en résultent sont évaluées à plus de 200 milliards d’€ par an pour l’ensemble des États du monde, dont 17 milliards d’€ par an pour la France.
Tant que Donald Trump était président des USA, l’administration américaine ne voulait pas entendre parler de lutter contre ces pratiques déloyales de dumping fiscal, alors qu’une réforme était en discussion dans le cadre de l’OCDE.
Au contraire, Joe Biden prend l’initiative et propose que les pays du G20 (l’Union européenne + les 19 premiers États dans le classement des économies mondiales) puis ceux de l’OCDE (37 pays) se mettent d’accord pour créer un seuil minimal de 21 % pour l’impôt sur les bénéfices.
L’Irlande, qui attire chez elle des grandes entreprises avec une fiscalité très avantageuse, au taux de 12,5 %, n’est évidemment pas enthousiasmée par cette perspective et propose un seuil de… 12,5 %. La France, elle, est en train d’abaisser progressivement son taux pour les très grandes entreprises : 31 % en 2020, 27,5 % en 2021 et 25 % à partir de 2022.
Lors de leur réunion du 7 avril, les membres du G20 ne se sont pas trop avancés. Ils se sont contentés de déclarer qu'ils restaient «engagés à trouver une solution globale et consensuelle d'ici à la mi-2021». L'Allemagne et la France sont très favorables à une mise en place rapide d’un taux minimal, et bien sûr pas à 12,5 %.
Le projet présenté par les USA ne porte pas seulement sur le taux. Il prévoit qu’une entreprise qui loge ses profits dans un territoire « accommodant » devra régler le non-perçu dans le pays où se trouve sa maison-mère, jusqu’à concurrence du taux minimal. De quoi couper en grande partie l’herbe sous le pied des paradis fiscaux, en tout cas les géants de l’Internet, experts en « évitement fiscal » (autre expression pudique de ce qui est proche de la fraude), sont sur le qui-vive et se préparent à un intense lobbying !
Un accord et la mise en place dans chaque pays signataire ne sont pas pour demain matin, cela prendra certainement plusieurs années, mais la balle est lancée par l’administration des États-Unis, ce qui n’est pas rien, même si le Sénat américain peut être un obstacle difficile à franchir. En outre, la balle est lancée à un moment où les besoins des finances publiques de tous les États sont accrus par les mesures prises contre la crise du Covid-19.
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