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Vieillesse rime, dit-on, avec sagesse. Vraiment ?

En France, on est laïques, mais on aime les icônes et les vaches sacrées. Et plus elles avancent en âge, plus on les adore. Prenez Edgar Morin. 100 ans ce mois-ci. Et derrière lui, indéniablement, un siècle de vie bien remplie, et de belles choses à son actif. Entre autres, un travail fondateur sur la notion de rumeur. Que ne s’en inspire-t-il maintenant !

En effet ce remarquable parcours ne l’empêche pas aujourd’hui de radoter sérieusement : à force de répéter les mêmes choses à longueur de page, il finit par s’en croire propriétaire, même s’il ne fait qu’enfoncer des portes ouvertes.

Moi-même j’ai eu le culot de lui faire part de ma surprise indignée en le voyant soutenir ouvertement, en janvier de cette année, un rassemblement de charlatans anti-vax, pro-Raoult, anti-masques et tout ce qui va avec, à quoi je me suis vu répondre que je n’avais rien compris à « la pensée complexe ». Pour moi, en ce qui le concerne, la cause était déjà entendue.

Elle l’est encore plus quand je lis dans l’extrait de son dernier livre, reproduit par les soins de l’Obs, le passage suivant -mes commentaires sont en italique.


EUROPÉEN

Européen, je le devins politiquement en 1973 (conversion tardive, à une date qui ne laisse pas de surprendre !), quand je découvris que l'Europe dominatrice du monde et puissance coloniale inhumaine était devenue une pauvre vieille chose (voilà une motivation décidément bien étrange pour devenir « politiquement européen ») qui avait perdu ses colonies (ça faisait déjà quelque temps !) et ne pouvait survivre que sous perfusion du pétrole moyen-oriental (d’où ça sort ? C’est le contraire qui est vrai. Le premier choc pétrolier a été au contraire le point de départ -même si les choses ont beaucoup traîné ensuite- d’une prise de conscience sur la croissance, l’énergie, l’environnement). Mais mes espoirs européens se dégradèrent avec la subordination des institutions européennes aux forces techno-bureaucratiques puis financières (les institutions européennes, esclaves de la finance et de la techno-bureaucratie bruxelloise : vieux refrains de toujours des europhobes et des eurosceptiques, surtout à l’extrême gauche. Qu’un Edgar Morin ânonne ces billevesées ne leur donne pas une once de crédibilité supplémentaire). Enfin, les divergences entre les ex-démocraties populaires et les nations fondatrices (« Divergences » ? On se pince. Est-ce qu’Edgar Morin se relit quand il écrit ?), la pression destructrice des autorités de l'Union européenne sur le gouvernement grec de Tsipras (bien sûr, c’est sûrement à cause de cette « pression destructrice » que la Grèce est enfin tirée d’affaire et que Tsipras, homme d’État surprenant mais au final responsable, a renoncé à son jusqu’au-boutisme initial et sauvé son pays) et l'attitude générale à l'égard des migrants d'Afghanistan et de Syrie (attitude générale ! De qui parle-t-il exactement ?) achevèrent de me décevoir. Je souhaite que ce qui subsiste ne se désintègre pas, mais j'ai perdu foi en l'Europe.


Eh bien si la déception d’Edgar Morin n’est fondée que sur des arguments aussi peu consistants, elle ne nous empêchera pas de garder foi en l’avenir de l’Europe, surtout au vu de tout ce qui a été accompli en quelques mois seulement. Là où il y a une volonté, il y a un chemin.


Jean-Luc Bernet, vice-président du MEF-30

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